Les gouverneurs coloniaux : de 1855 à 1933

Le terme " gouvernement responsable " signifiait que le pouvoir politique réel revenait au parti qui détenait la majorité des sièges à la Chambre d'assemblée. Le chef de ce parti était le ministre de la Couronne, ou premier ministre (titre utilisé après 1909), et il choisissait les membres du conseil exécutif (cabinet). Un parti ou un gouvernement demeurait au pouvoir tant qu'il avait l'appui de la majorité des membres de la Chambre d'assemblée. Le statut de gouvernement responsable accordé à Terre-Neuve en 1855 a fait régner la démocratie sans toutefois permettre une autonomie complète. Le gouvernement impérial (britannique) s'occupait toujours des affaires extérieures, et il pouvait également intervenir dans d'autres secteurs.

Philip F. Little (1824-1897), s.d.
Philip F. Little (1824-1897), s.d.
Philip F. Little a été le premier gouverneur de Terre-Neuve à la suite de l'avènement d'un gouvernement responsable en 1855.
Tiré de A History of Newfoundland from the English, Colonial, and Foreign Records, de D.W. Prowse, Londres: Eyre and Spottiswoode, 1895, p. 464.

Les tâches et les responsabilités des gouverneurs

Le gouverneur était officiellement le président du conseil exécutif, mais il ne prenait pas part aux délibérations. Il pouvait néanmoins exercer une grande influence dans les coulisses étant donné qu'il possédait certains pouvoirs discrétionnaires susceptibles d'influer sur le cours des événements. À titre de représentant de la Couronne dans la colonie, le gouverneur agissait selon les directives officielles et les lettres patentes autorisant la constitution de la colonie. Il était à la fois à la tête du gouvernement colonial et l'agent du gouvernement impérial (britannique). Il devait aussi remplir certaines tâches protocolaires et d'autres fonctions, par exemple ouvrir les séances législatives et organiser des banquets éclatants. Que cela signifiait il en pratique?

Le Colonial Building, St. John's
Le Colonial Building, St. John's
Situé juste à l'ouest de Government House (la résidence du Gouverneur), le Colonial Building abritait la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve.
Avec la permission de la Division des archives (VA3 - 8), The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Le gouverneur rapportait régulièrement les événements qui se déroulaient à Terre-Neuve et au Labrador à l'office des colonies (appelé Bureau des Dominions après 1924). De plus, il s'occupait de la transmission de toutes les communications officielles entre le gouvernement colonial et Londres, et y ajoutait habituellement ses commentaires et ses recommandations. Si un gouverneur jugeait qu'une mesure législative avait un caractère litigieux, ou qu'elle concernait les affaires extérieures ou l'Empire, il en avisait Londres avant de donner la sanction royale. L'outil le plus officiel dont disposait un gouverneur à l'interne était le pouvoir d'accepter ou de refuser une recommandation du gouvernement visant à dissoudre l'Assemblée législative et à tenir des élections générales. En conséquence, il serait erroné d'affirmer que les gouverneurs de cette époque étaient de simples figures emblématiques.

Le gouverneur exemplaire réussissait à trouver l'équilibre entre ses responsabilités envers la colonie et l'Empire, et à maintenir de bonnes relations avec le gouvernement colonial. Cela dépendait beaucoup du caractère, du jugement et de la compétence du gouverneur, et de sa relation personnelle avec le premier ministre. Les théories au sujet du rôle que devait jouer le gouverneur ont changé au cours des 79 années pendant lesquelles Terre-Neuve a eu un gouvernement responsable; au début, les gouverneurs intervenaient plus fréquemment qu'au 20e siècle. Certains gouverneurs étaient compétents et appréciés des politiciens et du public; d'autres étaient par contre médiocres et ineptes. La gouvernance de Terre-Neuve, qui était une fonction importante, quoique faiblement rémunérée, n'attirait pas toujours des candidats de qualité.

Les gouverneurs constructifs et les gouverneurs controversés

Les gouverneurs Bannerman, O'Brien et Murray constituent des exemples de gouverneurs qui sont directement intervenus dans les affaires politiques : Bannerman a dissous un gouvernement; O'Brien a rejeté la recommandation de dissoudre l'Assemblée législative, et Murray a relevé de ses fonctions un ministre influent. Le gouverneur MacGregor a joué un rôle discrétionnaire important pendant la crise qui a suivi les élections de 1908, lesquelles s'étaient terminées à égalité. Il est aussi admis que le gouverneur Davidson a eu une influence considérable sur son premier ministre, le très honorable Edward Morris, et donc sur la participation de Terre-Neuve à la Première Guerre mondiale.

Contrairement à ces personnages plutôt controversés, le gouverneur des Voeux s'est avéré conciliant et constructif au cours de la période difficile du milieu des années 1880, et le gouverneur Boyle a non seulement donné son nom à un trophée de hockey, mais il a composé l'Ode to Newfoundland.

Ode to Newfoundland
Ode to Newfoundland
La une du supplément de Noël du Newfoundland Quarterly de 1908 contenant l'ode.
Avec la permission du Centre des études terre-neuviennes, bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

À l'époque du gouvernement responsable, les gouverneurs de Terre-Neuve possédaient le même statut que ceux des autres colonies britanniques ayant des dispositions constitutionnelles identiques. Leurs prédécesseurs et leurs successeurs ont peut-être exercé un pouvoir ou une influence plus directe; toutefois, ce sont eux qui ont en grande partie façonné la perception officielle des Britanniques concernant Terre-Neuve, et ils ont souvent influencé l'élaboration de mesures locales et le développement de la politique coloniale. Dans l'ensemble, les gouverneurs constituent un élément important de l'histoire du pays.

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