La chasse au phoque au 20e siècle

Au tournant du 20e siècle, même si l'industrie avait amorcé son déclin, des entreprises de Terre-Neuve ont continué d'affréter des vapeurs pour la chasse au phoque. Des navires plus puissants, à la coque d'acier renforcée, ont été introduits en 1906 et le dominion de Terre-Neuve se vantait en 1914 de posséder « la meilleure flottille de navires phoquiers et de brise-glaces au monde » (Mosdell, p. 26). Durant la Première Guerre mondiale, ces navires ont été réquisitionnés par la Marine ou vendus à la Russie.

Pendant les années 1920, l'effectif de la flottille a fluctué entre huit et douze navires, et ce, jusqu'en 1929, lorsque le marché de l'huile de phoque a justifié la mise en service de quatre nouveaux vapeurs plus puissants. La Crise économique des années 1930 a toutefois été particulièrement cruelle à Terre-Neuve; pour la première fois en un siècle, l'effectif de chasseurs a chuté à moins de 1000 hommes. Les navires restants de la flottille ont de nouveau été réquisitionnés à la déclaration de la Deuxième Guerre mondiale. En 1943, pour la première fois en quelque 150 ans, aucun navire n'a pris la mer en direction des aires de mise bas sur la banquise.

La fin de la Deuxième Guerre mondiale a ouvert un tout nouveau chapitre dans l'histoire de la chasse au phoque. Des bateaux à moteur (plus petits) s'y sont mis, et de meilleurs prix pour les produits du phoque, des conditions de glace favorables et un stock apparemment rétabli ont amené une renaissance de l'industrie. En 1947, la flottille comprenait deux vapeurs et quinze bateaux à moteurs. Toutefois, cette renaissance allait être freinée par la concurrence de l'étranger. Des intérêts norvégiens et canadiens (basés à Québec et à Halifax), ont forcé le retrait graduel des entrepreneurs terre-neuviens de la chasse au phoque. En 1969, un seul navire terre-neuvien, le Chesley A. Crosbie, appareillait pour la banquise; il serait rejoint en 1971 et 1972 par le Lady Johnson, un petit palangrier.

Petit navire de chasse au phoque
Petit navire de chasse au phoque
Palangrier de Terre-Neuve et du Labrador à la chasse au phoque, 1972.
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1972.

Tandis que les activités en mer diminuaient, on observait un accroissement des efforts de la chasse côtière, que le ministère canadien des Pêches et des Océans allait redéfinir pour y inclure les petits bateaux et les palangriers de moins de 20 mètres.

Captures de phoques à Terre-Neuve (1960-1972)
Captures de phoques à Terre-Neuve (1960-1972)
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998.

Depuis les années 1960, la chasse au phoque dans l'est du Canada suscite la controverse. Alléguant l'inefficacité de la gestion de la chasse et la cruauté des méthodes d'abattage, divers groupes de conservation et de défense des droits des animaux ont lancé une campagne intensive contre l'industrie. Le gouvernement canadien, qui est responsable de la chasse au phoque, a réagi en instaurant des règlements plus sévères pour un abattage « sans cruauté » des phoques du Groenland et des phoques à capuchon, et des contingents afin d'assurer la survie et le repeuplement des troupeaux.

Les campagnes pour l'abolition de la chasse ont beaucoup nui au marché des produits du phoque. Déjà fragilisées, les économies rurales de Terre-Neuve-et-Labrador et de certaines régions des Maritimes en ont été encore plus affaiblies, et les efforts actuels en vue d'étendre et de diversifier l'industrie font face à de formidables obstacles. Même s'il reste à établir une relation de cause à effet entre la croissance des troupeaux de phoques et l'effondrement des stocks de morue au large de Terre-Neuve-et-Labrador, la coïncidence suscite autant de débats que de grogne.

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