La chasse au phoque

Présentation : histoire, ressource et environnement naturel

Cadre historique

Dans les régions où les ressources renouvelables étaient rares ou peu fiables, très éloignées les unes des autres et seulement accessibles en saison, les colons ont adopté des stratégies leur permettant d'en répartir l'exploitation sur toute l'année. Ce mode de vie était normalement agencé en un cycle d'activités saisonnières.

Cycle d'activités (schéma en anglais seulement)
Cycle d'activités (schéma en anglais seulement)
Cycle des activités de subsistance d'un foyer dans une région rurale du nord-est de l'île de Terre-Neuve.

Légende
WOOD-WORK - TRAVAIL EN FORÊT
HUNTING - CHASSE
FARMING - AGRICULTURE
GATHERING - CUEILLETTES
FISHING - PÊCHE
Off-shore sea ice - Glace de mer au large
Seal herds - Troupeaux de phoques

JANUARY - JANVIER
FEBRUARY - FÉVRIER
MARCH - MARS
APRIL - AVRIL
MAY - MAI
JUNE - JUIN
JULY - JUILLET
AUGUST - AOÛT
SEPTEMBER - SEPTEMBRE
OCTOBER - OCTOBRE
NOVEMBER - NOVEMBRE
DECEMBER - DÉCEMBRE
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998.

Dans des conditions idéales, chaque ressource exploitée venait compléter les autres tout au long de l'année. Dans le nord de l'île de Terre-Neuve, le printemps était une période de relative inactivité entre la fin du travail en forêt et l'arrivée des stocks de morue. Toutefois, pour les colons installés dans les havres et les anses de la côte du Labrador et du nord-est de Terre-Neuve aux 18e et 19e siècles, cette période aura souvent donné lieu à une activité intense et lucrative.

Presque tous les ans, à la fin de l'hiver et au début du printemps, ces côtes étaient encombrées de glaces littorales et arctiques, et, avec les glaces, venaient les phoques du Groenland.

Fréquence de la couverture de glace (1964-1968)
Fréquence de la couverture de glace (1964-1968)
Données : ministère des Transports, Ottawa. Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998. Adaptation de Duleepa Wijayawardhana, 1998.

Les phoques faisaient un premier séjour d'une ou deux semaines à la fin de décembre et au début de janvier, durant la migration vers le sud des troupeaux de l'Arctique, puis nageaient vers le nord à la fin de février et au début de mars pour mettre bas sur la banquise.

Aires de reproduction et de distribution du phoque du Groenland
Aires de reproduction et de distribution du phoque du Groenland
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998. Adaptation de Duleepa Wijayawardhana, 1998.

Les premiers colons des régions les plus au nord de l'île de Terre-Neuve n'ont pas tardé à découvrir que les phoques du Groenland qui migraient vers le sud pouvaient être capturés dans des filets arrimés à la rive; c'est ce qu'on a appelé la chasse au phoque côtière. Plus tard, vers la fin du 18e siècle, les troupeaux de blanchons ont donné lieu à une chasse au phoque printanière à partir de gros bateaux. Ces phoques constituaient une ressource additionnelle bienvenue durant une période morte du cycle traditionnel d'activités saisonnières.

Patrons d'exploitation des mammifères marins à travers l'histoire
Patrons d'exploitation des mammifères marins à travers l'histoire
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998. Adaptation de Duleepa Wijayawardhana, 1998.

La chasse au phoque à Terre-Neuve et au Labrador a évolué par phases chevauchantes, chacune caractérisée par l'adoption d'une nouvelle technologie, associée à un changement de stratégie, de technique et de mode d'investissement et de contrôle. Le nombre de chasseurs de phoques a décliné et les régions qui s'y sont engagées ont changé.

En dépit des progrès technologiques et d'autres changements, les prises de phoques ont diminué et on a observé, jusqu'à récemment, une réduction des ressources disponibles.

Chaque progrès technologique majeur a d'abord été lié au désir des chasseurs de phoques d'améliorer leur capacité de surmonter les obstacles à l'accessibilité des phoques. Pour comprendre la chasse au phoque à Terre-Neuve et au Labrador, il est donc nécessaire d'examiner les grandes caractéristiques de la ressource et de l'environnement auquel elle s'est adaptée et avec lequel le chasseur de phoques doit composer.

La ressource

L'abondance des mammifères marins dans les eaux côtières a favorisé le développement de l'industrie phoquière à Terre-Neuve et au Labrador. Les habitudes et le caractère des phoques ont fortement influencé la nature même de l'entreprise.

Si le phoque à capuchon a été visé à l'occasion, c'est sur le phoque du Groenland que l'industrie a concentré ses efforts. Les femelles gravides du troupeau de l'Atlantique Ouest nagent vers le nord en février, en quête de glace propice à la mise bas. Rassemblées en immenses troupeaux, elles donnent naissance aux bébés phoques (blanchons) vers le même moment chaque année, dans des aire de mise bas couvrant souvent des kilomètres carrés de banquise.

Femelle adulte de phoque du Groenland
Femelle adulte de phoque du Groenland
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1972.

Après trois semaines, le bébé phoque du Groenland aura perdu son pelage blanc et duveteux; on l'appelle alors « guenillou », puis, dans sa première année, « brasseur ». Durant la période menant à l'âge adulte, on l'appellera « immature » ou « bête de la mer ». Parvenu à la maturité sexuelle à environ quatre ans, l‘adulte moyen peut vivre plus de 20 ans.

Au départ, les chasseurs côtiers capturaient des phoques de tous les âges. Toutefois, les troupeaux de blanchons et de phoques regroupés pour la mue (perte de la fourrure d'hiver) sont devenus les principales cibles de la flotte phoquière en haute mer. Bien que plus vulnérables à ce moment qu'à toute autre étape de leur cycle de vie, ces phoques étaient relativement protégés par leur habitat périlleux pour les chasseurs et par les difficultés de la navigation à travers les glaces flottantes.

L'environnement naturel

De tous les facteurs environnementaux qui influencent la chasse au phoque du Groenland et à capuchon à la fin de l'hiver et au début du printemps, le principal est la quantité et l'état de la glace de mer.

Trous d'air de phoques du Groenland dans une aire de mise bas (1972)
Trous d'air de phoques du Groenland dans une aire de mise bas (1972)
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1972.

L'importance relative d'autres facteurs environnementaux est déterminée par leur incidence sur l'expansion, la distribution et le caractère de ces banquises protectrices.

Croissance et expansion des glaces, 1967
Croissance et expansion des glaces, 1967
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998. Adaptation : Duleepa Wijayawardhana, 1998.

La formation et les mouvements saisonniers des glaces de mer au large du sud du Labrador et du nord-est de l'île de Terre-Neuve (le « front ») s'écartent généralement des terres en direction sud et sud-est, en raison du mouvement vers le sud du courant du Labrador et de la prévalence des vents de terre de l'ouest.

Mouvement superficiel du courant du Labrador
Mouvement superficiel du courant du Labrador
Avec la permission de C. W. Sanger, © 1998. Adaptation : Duleepa Wijayawardhana, 1998.

Même si elle varie beaucoup d'une année à l'autre, la superficie totale des aires de mise bas et de mue a toujours été considérable. Les scénarios de croissance de la banquise et son emplacement dans l'année ont aussi été très variables, en fonction des températures, des courants océaniques et des vents dominants. Ceci dit, pour une saison donnée, la force, la durée et la direction des vents demeurent les plus importants facteurs de la configuration relative des glaces flottantes au jour le jour.

Dans ce contexte, l'apparition de la banquise en mer au début du printemps a permis à nombre de villages côtiers sur les promontoires et les îles d'atteindre une ressource abondante relativement aisément et de compter sur une surface temporaire sur laquelle la chasser. Toutefois, cette pratique comportait difficultés et dangers, tant sur le plan de la navigation que de la récolte des phoques. S'ils voulaient connaître du succès, ou seulement survivre, les chasseurs de phoques devaient surmonter divers dangers associés au vent, à la mer et à la glace; en ce sens, leurs connaissances et leur expérience étaient cruciales, comme l'était aussi, dans une large mesure, la technologie dont ils disposaient.

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