Les influences culturelles

Cet article a été écrit dans le cadre d'un projet collaboratif sur le Patrimoine. Il a été rédigé en 1998 par les élèves de l'école secondaire intégrée de Stephenville, sous la direction de leurs enseignants et enseignantes. L'article n'a pas été vérifié par l'éditeur académique du site Web du Patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador.

Pendant plus d'un siècle, les résidents du petit village paisible de Stephenville, du côté nord-est de la baie Saint-Georges, ont vécu à un rythme plutôt modéré. Alors que l'année 1940 tirait à sa fin, les 500 résidents vivaient peu de perturbations malgré la guerre mondiale qui faisait rage. Leur travail – pêche, agriculture et exploitation forestière – était le même que celui de leurs pères. Leur culture était essentiellement francophone et catholique, et leur vie sociale tournait principalement autour de l'église, la famille et la communauté.

L'arrivée des Américains à Terre-Neuve

La plupart ignoraient que le 20 octobre 1940 allait être le jour le plus important de leur vie alors que la Grande-Bretagne, pour le compte de la commission de gouvernement de Terre-Neuve, avait signé avec le gouvernement américain un prêt-bail qui allait transformer plus de 8159 acres de leurs terres agricoles en la plus grande base de la Force aérienne des États-Unis (USAF) à l'étranger, ce qui allait provoquer un énorme choc culturel au sein de cette toute petite collectivité. En janvier 1941, le Corps du génie de l'armée de terre des États-Unis est arrivé pour prendre le contrôle des terrains concédés par le prêt-bail, ce qui allait bouleverser à jamais la vie des résidents. L'impact de l'arrivée massive de milliers de militaires américains et de travailleurs civils de différentes régions de Terre-Neuve allait modifier tous les aspects de leur vie.

Les loisirs offerts aux militaires et aux civils

À la baie Saint-Georges, la nature permet de s'adonner à des activités récréatives parmi les plus extraordinaires au monde. On y trouve plusieurs rivières à saumons, de nombreux ruisseaux à truites, des territoires de chasse pour petit et gros gibier ainsi qu'une abondance de morues, maquereaux, homards et flétans dans la baie. Les Américains ont vite incité leurs militaires et travailleurs civils à profiter de tous ces loisirs.

Les Services spéciaux ont mis des camps à leur disposition, d'abord à Bottom Brook, puis au Camp 33, à Grand Lac. Ces camps offraient des activités de canotage, de chasse à l'orignal et de pêche. Tout l'équipement requis pour la chasse et la pêche était fourni : embarcations, moteurs, véhicules, raquettes et skis. Les militaires et leurs invités pouvaient séjourner pendant trois jours dans ces camps. Gull Pond était un site de choix pour le camping et les courses de bateaux, une tradition qui se poursuit encore de nos jours. De manière plus informelle, les militaires de la base pouvaient se baigner et pêcher dans la baie.

De nouvelles installations de loisirs ont été aménagées pendant la deuxième étape de construction de la base aérienne: une allée de quilles (aujourd'hui le Club de curling Caribou), un centre de conditionnement physique (Base Gym), un terrain de golf et des courts de tennis. Une remontée mécanique et des installations pour toboggans ont été aménagées sur Igloo Road. Les Américains ont également construit des terrains de sports de première classe pour y organiser des tournois de baseball et de football contre des équipes de la région et d'autres bases. On dit que c'est grâce au rôle de chefs de file de Stephenville et de Port-au-Port dans le domaine du baseball si les Terre-Neuviens de la région ont pu être initiés très tôt à ce sport typiquement américain.

De la nouveauté dans le domaine du divertissement

En moins de 20 ans, l'univers du divertissement a beaucoup évolué à Stephenville grâce à l'aménagement d'installations de première classe mises à la disposition des militaires et du personnel civil. Plusieurs de ces installations sont encore utilisées aujourd'hui. Le Civilian Caribou Club, l'Officers Club (aujourd'hui la Légion royale canadienne), le théâtre Harmon et le bâtiment de l'United Service Organizations (USO) de Corner Brook (la « Maison Blanche ») étaient à la disposition du personnel de l'ouest et du centre de l'île de Terre-Neuve.

Les milliers de travailleurs civils de la baie Saint- Georges et d'ailleurs dans la province qui travaillaient à la construction et/ou à l'entretien d'Harmon Field, pouvaient profiter des divertissements formidables offerts autour de la base américaine – du premier hamburger accompagné d'un Coke à la chance d'apercevoir une star internationale comme Frank Sinatra. Le Caribou Club, qui comptait 1000 membres à l'époque, était destiné au divertissement des travailleurs civils. Les Terre-Neuviens pouvaient inviter leurs amis américains à n'importe quelle activité du Club, tandis que les Américains pouvaient leur rendre la pareille en les accueillant dans des réceptions militaires. Il y avait deux représentations pour les grands spectacles donnés par des vedettes internationales (Sinatra, Hope, etc.), la seconde étant réservée aux civils.

La liste des stars internationales qui ont donné un spectacle à Harmon est impressionnante: Forrest Tucker, Edgar Bergen et Charlie McCarthy ainsi que Bob Hope (1943); Frank Sinatra, Ed Robinson, Lana Turner et Hedy Lamarr (1945); sans oublier Elvis Presley, qui a chanté à quelques reprises dans le terminal en 1954. La vie y était animée même en l'absence de vedettes.

Il y avait de la musique et de la danse tous les week-ends sur la base et ailleurs dans les environs. Le théâtre Harmon présentait des films en plus d'avoir une grande scène pour les spectacles. Des bars et des salles de jeux avec machines à sous étaient aussi disponibles. L'United Service Organizations (USO) commanditait des spectacles de grande qualité auxquels participaient de nombreux artistes de la région. The United States hostess group de Corner Brook se rendait à Stephenville à l'occasion de Noël et de l'Action de grâce afin de participer à des soirées dansantes spéciales. Les travailleurs civils de Stephenville se rendaient aux concerts, danses et activités récréatives organisées à Corner Brook en empruntant le tramway des G.I. ou des véhicules militaires. Des musiciens de la région jouaient sur la base ainsi qu'à différents endroits de la côte ouest, et ils profitaient de leur passage pour apprendre différents styles de musique et de danse populaires aux États-Unis.

La chanson Pine Tree Waltz évoque les souvenirs d'un jeune musicien qui se rappelle ces jours heureux où la bière ne coûtait que 10 cents et où les jeunes gens de toute la baie affluaient vers les pistes de danse.

Les avantages et les désavantages de la présence américaine

Le choc culturel a sûrement eu des conséquences négatives et nul doute que beaucoup de choses ont été perdues alors que la petite communauté francophone a été anéantie et que la nouvelle culture d'Harmon Field s'est enracinée. Il est toutefois difficile de trouver quiconque ayant vécu à l'époque de la base pour exprimer des regrets. La plupart des gens semblent se rappeler l'excitation, le plaisir, la prospérité et les amis qui ont marqué leur vie dans ces années-là. On a pu constater l'affection que Stephenville éprouvait pour Harmon et son personnel lors des célébrations Yank Come Back de 1986 et de la création de la Journée de Harmon Field qui avait lieu tous les deux ans pour inviter la population à se replonger dans l'atmosphère de cette époque.

Cet événement est devenu à la longue un festival d'été (L'invasion amicale), qui célèbre à toutes les années, les liens d'amitiés créés entre les Terre-Neuviens du coin et le personnel militaire américain de 1941 à 1966.

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