Métiers et professions des Écossais

Au 19e siècle, les immigrants écossais établis à Terre-Neuve et au Labrador travaillaient principalement dans les domaines du commerce et de l'agriculture. Plusieurs Lowlanders (habitants des basses Terres d'Écosse) se sont établis dans la péninsule d'Avalon, là où se trouvaient les centres stratégiques du commerce dans la colonie. Ils appartenaient généralement aux classe moyenne et moyenne supérieure et travaillaient comme marchands, commerçants et agents de commerce ou avaient d'autres emplois également liés aux affaires et au commerce. Certains d'entre eux travaillaient dans des domaines différents du monde des affaires – souvent comme médecins, ministres du culte, politiciens, éducateurs – ou occupaient d'autres postes importants.

Robert S. Munn, vers 1894
Robert S. Munn, vers 1894
Le marchand écossais Robert S. Munn a migré vers l'île de Terre-Neuve en 1851. Il a été l'un des nombreux Lowlanders écossais à s'établir dans la péninsule d'Avalon au cours du 19e siècle.
Tiré de Newfoundland Men, de Henry Youmans Mott, Concord, T.W. & J.F. Cragg, 1894, p. 69.

Entre 1840 et 1860, un autre groupe d'Écossais a choisi de migrer vers la côte sud-ouest de l'île. Il s'agissait surtout de familles œuvrant dans le domaine agricole qui étaient à la recherche de terres arables. Ces familles se sont établies dans la baie Saint-Georges et la vallée de Codroy, là où se trouvaient les terres parmi les plus fertiles de l'île. Plusieurs familles ont défriché les terres situées le long des rivières Little Codroy et Grand Codroy afin de pouvoir faire pousser des légumes, élever du bétail, cultiver des plantes fourragères et exploiter les pâturages.

Les entreprises marchandes

La population résidante de Terre-Neuve et du Labrador a connu une augmentation soudaine tout au début du 19e siècle. Les guerres napoléoniennes (1803-1815) ont permis à la colonie d'accaparer le quasi-monopole du commerce international de poisson salé séché en plus de favoriser la transformation de la pêche migratoire en pêche locale pratiquée par les résidants. La croissance économique et démographique de la colonie a créé de nouvelles occasions d'affaires dans le monde du commerce et des échanges, ce qui n'a pas manqué d'attirer des marchands d'outre-mer. Ces derniers venaient de l'Angleterre pour la plupart, mais plusieurs arrivaient aussi des Lowlands, une région dont les entreprises marchandes faisaient régulièrement commerce avec Terre-Neuve et le Labrador depuis le 18e siècle.

La plupart des marchands écossais se sont établis dans les secteurs commerciaux de la péninsule d'Avalon et certains parmi les plus influents d'entre eux ont construit des bâtiments sur le front d'eau à St. John's. Parmi les entreprises les plus connues, mentionnons la Baine, Johnston and Company; la Rennie, Stuart, and Company; la Cunningham and Company; et la Crawford and Company. D'autres marchands écossais influents ont établi leurs entreprises à l'extérieur de St. John's, tout particulièrement dans la baie de la Conception et la baie de Bonavista. Citons notamment Archibald Graham à Trinity, John Thomson à Catalina, ainsi que la société John Munn and Company à Harbour Grace.

Sir Robert Thorburn, vers 1894
Sir Robert Thorburn, vers 1894
Le marchand écossais Robert Thorburn s'est établi à St. John's en 1852 afin de travailler pour la société Baine, Johnston and Company. Il a fait son entrée en politique dans les années 1860 et est devenu premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador en 1885.
Tiré de Newfoundland Men, de Henry Youmans Mott, Concord, T.W. & J.F. Cragg, 1894, p. 51.

De nombreuses entreprises marchandes écossaises agissaient à titre de grossistes sans faire affaire directement avec les pêcheurs. Elles fournissaient plutôt les marchands des ports secondaires en provisions et en produits manufacturés (importés majoritairement d'Écosse) en échange de poisson et de produits de la pêche que les entreprises vendaient ensuite à des acheteurs d'Europe, d'Amérique du Sud et des Caraïbes. En 1810, les marchands écossais exportaient 13 p. 100 de tout le poisson salé séché produit à Terre-Neuve et au Labrador et leurs entreprises figuraient parmi les plus riches et les plus prospères de l'île. En 1809, 10 des 68 quais marchands de St. John's appartenaient à des Écossais. La plupart de ces quais étaient mieux assurés que ceux des entreprises anglaises et irlandaises, ce qui indique que les entreprises écossaises menaient les affaires les plus lucratives.

Agriculture

Contrairement aux Lowlanders écossais qui se sont installés sur la côte est de Terre-Neuve, un groupe de Highlanders (habitants des Hautes Terres d'Écosse) a choisi de migrer vers la baie Saint-Georges et la vallée de Codroy. Ils sont arrivés sur l'île entre 1840 et 1860 et la plupart venaient de l'île du Cap-Breton où ils avaient émigré – ou leurs ancêtres avant eux – à la fin du 18e et au début du 19e siècle. Contrairement aux Écossais marchands vivant dans la péninsule d'Avalon, ceux qui sont venus sur la côte ouest étaient des travailleurs agricoles à la recherche de terres arables. La plupart arrivaient en grands groupes composés de familles conjugales ou de membres d'un même réseau familial élargi.

Même si les chercheurs estiment qu'au moins 51 familles de Highlanders sont arrivées sur la côte ouest de Terre-Neuve, leur nombre exact demeure inconnu à cause surtout des données de recensement qui, au cours des grandes vagues migratoires, ne faisaient pas la distinction entre les migrants écossais, anglais, irlandais et français en provenance de l'île du Cap-Breton. Ils étaient regroupés dans une catégorie unique : les « colons britanniques ». Des familles influentes ont migré vers la côte ouest dont les MacIsaac, les Gillis, les Campbell et les MacNeill.

La maison MacArthur, vers les années 1920
The MacArthur home, ca. 1920s
Les MacArthur étaient l'une des nombreuses familles ayant émigré des Highlands écossais vers la côte ouest de l'île de Terre-Neuve au cours du 19e siècle. La plupart des Highlanders se sont établis dans la baie Saint-Georges et la vallée de Codroy et plusieurs de leurs descendants vivent toujours dans la région encore aujourd'hui.
Tiré de Some Aspects of the Scottish Gaelic Traditions of the Codroy Valley, Newfoundland, de Margaret Bennett Knight, (thèse non publiée, Memorial University of Newfoundland, 1975).

En 1857, les quelque 422 habitants vivant dans les régions de la baie Saint-Georges et de la vallée de Codroy avaient défriché environ 550 acres de terre. En plus de cultiver des légumes, plusieurs résidants élevaient du bétail – surtout des bovins et des moutons –, fabriquaient du beurre et d'autres produits laitiers. Les agriculteurs de la côte ouest vendaient une grande partie de leurs récoltes et de leurs produits fermiers sur les marchés de la côte sud de l'île de Terre-Neuve, principalement dans la région de Channel-Port aux Basques. Bien que certaines familles écossaises se soient aussi investies dans la pêche au saumon autour des rivières Little Codroy et Grand Codroy, l'agriculture demeurait leur principale source de revenus.

Autres métiers et professions

Au 19e siècle, ce ne sont pas tous les immigrants écossais venus vivre à Terre-Neuve et au Labrador qui travaillaient comme agriculteurs ou marchands. Plusieurs optaient plutôt pour le monde des affaires, la politique, la médecine, l'éducation ou la religion. C'était souvent le cas pour les Écossais vivant sur la côte est de l'île, car ils étaient généralement bien éduqués et fortunés en plus d'appartenir aux classes moyenne et moyenne supérieure.

Même s'ils étaient moins nombreux que les résidants d'origine anglaise et irlandaise, les migrants écossais ont largement contribué à leurs collectivités. Plusieurs d'entre eux ont transformé la société de Terre-Neuve et du Labrador de manière significative en instaurant des changements de grande portée. Le médecin et réformateur politique William Carson, par exemple, a publié le premier pamphlet politique à St. John's et a milité pour la création d'une assemblée législative représentative à Terre-Neuve et au Labrador. Il a aussi contribué à établir le premier hôpital civil de St. John's, le Riverhead Hospital, lequel a ouvert ses portes le 7 mai 1814 sur les lieux où se trouve aujourd'hui le Victoria Park.

L'explorateur William Cormack, né à St. John's mais élevé en Écosse, a traversé l'île de Terre-Neuve à pied en 1822. Il a fourni la première description détaillée de l'arrière-pays en divulguant notamment des informations sur la flore, la faune et les formations géologiques. Son expédition est considérée par plusieurs comme l'une des plus importantes et instructives de l'étude exploratoire de l'île de Terre-Neuve. De plus, Cormack a fondé la « Boeothick » [Beothuk] Institution en 1827 et il a multiplié les efforts pour archiver et préserver des renseignements précieux sur la culture et la société béothuques.

William Epps Cormack, 1796-1868
William Epps Cormack, 1796-1868
Cormack a fourni la première description détaillée de l'intérieur de l'île de Terre-Neuve et a aussi fondé la « Boeothick » [Beothuk] Institution en1827.
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales, bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Un autre explorateur écossais, John MacLean, a travaillé à Terre-Neuve et au Labrador pour la Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC). En 1838, il a été le premier homme blanc à voyager par voie terrestre entre la baie d'Ungava et l'inlet Hamilton et, l'année suivante, il est devenu le premier homme blanc à visiter Grand Falls (aujourd'hui connu sous le nom de Churchill Falls). À la même époque, plusieurs autres négociants écossais ont travaillé pour la HBC au Labrador. L'un des plus célèbres d'entre eux, Sir Donald Smith, (il a reçu le titre de Lord Strathcona en 1897) est devenu négociant en chef de la HBC au Labrador en 1852 et a établi le siège social de l'entreprise à North West River.

L'entrepreneur canado-écossais Robert G. Reid a considérablement transformé la société et l'économie de Terre-Neuve et du Labrador en construisant un chemin de fer sur l'île dans les années 1890. La construction de la voie principale et de ses embranchements a donné accès à l'intérieur de l'île et a permis aux représentants du gouvernement et du monde des affaires d'exploiter les ressources naturelles qui n'avaient encore jamais été mises en valeur jusque-là. Il a ainsi révolutionné le transport et les communications locales en construisant ce premier lien terrestre traversant l'île et reliant les villages ruraux aux grands centres.

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