La santé

Les pratiques médicales à Terre-Neuve-et-Labrador se sont développées au fil des siècles et des changements politiques et sociaux. Ainsi, l'arrivée des Européens au 16e siècle affecte d'abord la santé des Autochtones, puis la façon dont ils se soignent. Au 18e siècle, à mesure que le nombre de résidents permanents augmente, les premiers médecins s'installent dans l'île. À la longue, la croissance de la population de la colonie amène l'établissement d'hôpitaux et autres établissements de santé pour répondre à leurs besoins.

Hôpital de la Marine royale canadienne (MRC) à St. John's, 1942
Hôpital de la Marine royale canadienne (MRC) à St. John's, 1942
Photo de John Daniel Mahoney. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-114422), Ottawa, Ontario.

Les guerres font aussi progresser les soins de santé. Les forces armées britanniques, françaises, américaines et canadiennes construisent des hôpitaux militaires à Terre-Neuve et au Labrador entre le 18e siècle et le milieu du 20e siècle. Bon nombre d'entre eux soignent également des civils. Lorsque ces armées quittent le territoire, elles les remettent souvent au gouvernement local. À l'entrée de la province dans la Confédération en 1949, le régime de soins de santé du Canada entre en jeu. La province peut donc bénéficier de contributions fédérales et profiter d'un accès plus facile aux services de santé tels que les visites médicales, les soins hospitaliers et autres actes médicaux, dorénavant gratuits ou abordables.

La médecine autochtone avant l'arrivée des Européens

Nos connaissances de la médecine telle que pratiquée par les Autochtones de Terre-Neuve et du Labrador à cette époque sont limitées. Toutefois, les indices relevés semblent indiquer qu'ils jouissaient en général d'un bon état de santé lors de leur première rencontre avec des explorateurs européens. Le choléra, la fièvre, la goutte, la variole, la rougeole et autres infections courantes qui sévissent ailleurs sont absentes ou rares dans ce coin du monde. Ils se nourrissent habituellement de produits locaux et de façon équilibrée.

En symbiose avec la nature, les Autochtones résistent bien aux micro-organismes de leur environnement. Ils savent différencier les végétaux comestibles des végétaux toxiques. Ils se soignent par les plantes dont ils font des tisanes, des cataplasmes et autres remèdes. Ils recourent également à la sudation et au jeûne pour soulager des maux. Nous en savons très peu cependant sur des traitements précis et leur origine.

La multiplication des rencontres avec les Européens à partir du 16e siècle, et les siècles suivants, favorise l'éclosion d'infections inconnues chez les Autochtones, notamment la grippe, la rougeole, la variole, la poliomyélite et la diphtérie. Avec le temps, la médecine occidentale s'impose. Dès la fin du 18e siècle et le début du 19e siècle, les missionnaires moraves et les médecins et infirmières de la mission Grenfell offrent des soins de santé aux habitants du Labrador.

Les pionniers européens

Du début du 16e siècle jusqu'à la fin du 18e siècle, c'est la pêche migratoire (saisonnière) qui attire la majorité des Européens à Terre-Neuve et au Labrador. Ces pêcheurs ne s'y établissent pas. Les chirurgiens à bord des bateaux de pêche ainsi que ceux des patrouilles militaires britanniques leur prodiguent des soins médicaux. Les flottes de pêche françaises qui fréquentent la côte nord de l'île de Terre-Neuve embarquent aussi des chirurgiens qui soignent les habitants locaux et les pêcheurs.

À l'époque, les pratiques médicales sont très différentes de celles d'aujourd'hui. Pourtant, certaines s'en rapprochent. Les saignées, la provocation de sueurs et les médicaments diurétiques sont monnaie courante pour soulager un éventail de maladies. Les médecins sont également persuadés de l'importance du régime alimentaire dans le maintien d'une bonne santé. Ils conseillent à leurs patients la consommation d'aliments gorgés de vitamine C comme le jus de citron, le navet et les fanes de radis pour se remettre du scorbut. Les fines herbes occupent aussi une place de choix dans les soins médicaux.

Des médecins militaires prennent pied dans l'île avec l'établissement de garnisons britanniques et françaises à St. John's, Placentia et d'autres régions au cours du 16e siècle et au début du 17e siècle. Le premier hôpital militaire reconnu ouvre ses portes à Placentia en 1662. D'autres sont construits aux 18e et 19e siècles ailleurs dans l'île. Ces hôpitaux s'adressent d'abord au personnel militaire, mais acceptent d'autres patients s'ils le peuvent. Au début du 19e siècle, la croissance et la diversification économique de St. John's attirent des médecins, des chirurgiens et d'autres professionnels. Ceux-ci viennent s'y installer afin de satisfaire aux besoins des élites sociales locales.

Les hôpitaux civils à Terre-Neuve et au Labrador accueillent leurs premiers patients au 19e siècle, car la population ne cesse de croître. La plupart de ces établissements sont situés à St. John's. Les hôpitaux General, Waterford et autres sont à l'œuvre dès la fin du siècle. En 1892, le médecin missionnaire britannique Wilfred Grenfell se rend au Labrador. Plus tard, il y bâtit des hôpitaux et des postes de soins infirmiers. Un nombre toujours plus élevé de médecins diplômés des facultés de médecine européennes et américaines choisissent également de s'enraciner dans de nombreuses collectivités de l'île à cette époque.

Patients de l'hôpital General vers 1914-1918
Patients de l'hôpital General vers 1914-1918
L'hôpital General est l'un des premiers hôpitaux destinés à la population de St. John's.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 190 04.06.007), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La plupart des gens n'ont pas les moyens de s'offrir des services médicaux ou habitent dans des régions trop éloignées d'un médecin. Ils se tournent donc vers des remèdes populaires, par exemple le bicarbonate de soude pour apaiser les brûlures d'estomac, la fécule de maïs pour guérir les plaies de lit, la graisse d'oie pour soulager les rhumes de poitrine et la bouillie de racines de rhubarbe pour éliminer la constipation. Certains de ces remèdes sont efficaces et d'autres, pas du tout.

Le 20e siècle

Les institutions religieuses, l'évolution de la scène politique, l'industrialisation et la guerre prennent part à la progression des pratiques médicales au 20e siècle. L'Église catholique de St. John's fonde l'hôpital St. Clare's Mercy en 1922 et l'Armée du Salut, la maternité Grace l'année suivante. Celle-ci cesse ses activités en l'an 2000, mais l'hôpital St. Clare's est toujours en fonction.

La maternité Grace, après 1923
La maternité Grace, après 1923
Cette première maternité entre en activité à St. John's en 1923.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collection spéciales (Coll. 137 02.04.005), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University, St. John's, T.-N.-L.

À l'extérieur de St. John's, des organismes caritatifs et des entreprises du secteur privé érigent des hôpitaux et des centres médicaux. L'entreprise Newfoundland Power and Paper (devenue plus tard Bowater Newfoundland Limited) construit un hôpital à Corner Brook en 1925. L'entreprise American Smelting and Refining (ASARCO) fait de même à Buchans en 1928. Une importante campagne de financement permet l'ouverture de l'hôpital Notre Dame Bay Memorial à Twillingate en 1924. L'organisme sans but lucratif, Newfoundland Outport Nursing and Industrial Association (NONIA), facilite la prestation de divers services médicaux en région rurale tels que les soins infirmiers et les services de sages-femmes.

La Commission de gouvernement de Terre-Neuve (1934-1949) implante de petits hôpitaux et des postes de soins infirmiers un peu partout sur le territoire. Elle voit également à ce que des bateaux-hôpitaux répondent aux besoins des villages côtiers isolés. Elle agrandit des hôpitaux, dont le sanatorium antituberculeux et l'hôpital General, ce qui permet de doubler le nombre de lits.

La Deuxième Guerre mondiale augmente de façon considérable l'offre de services médicaux à Terre-Neuve et au Labrador. Au départ du personnel militaire des bases situées à St. John's, Goose Bay, Gander, Botwood et d'autres localités, les autorités militaires en cèdent un bon nombre au gouvernement, dont des hôpitaux militaires modernes.

La Confédération

À l'entrée de Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Canada lui verse des fonds supplémentaires visant à améliorer les services médicaux et à les offrir à coûts raisonnables. Son adhésion au Régime d'assurance-maladie du fédéral en 1968 donne à ses citoyens le choix d'une vaste gamme de services hospitaliers et de soins de santé gratuits. D'autres hôpitaux voient le jour dans la province, notamment l'hôpital Western Memorial à Corner Brook, l'hôpital James Paton Memorial à Gander et l'hôpital pour enfants Dr. Charles A. Janeway à St. John's.

En 1967, la Memorial University se dote d'une faculté de médecine et y reçoit ses premiers étudiants en 1969. Sur le campus de l'université, le Centre des sciences de la santé amorce ses activités en octobre 1978. De nos jours, il abrite l'hôpital General, la faculté de médecine et l'école des soins infirmiers, ainsi que l'hôpital pour enfants Janeway.

Le Centre des sciences de la santé, s.d.
Le Centre des sciences de la santé, s.d.
Le Centre des sciences de la santé amorce ses activités en octobre 1978 sur le campus de la Memorial University.
Avec la permission de l'organisme Health Sciences Information and Media Services (HSIMS), Memorial University of Newfoundland.

Au cours des années qui suivent l'entrée de la province dans la Confédération, le gouvernement confie petit à petit la prestation des services médicaux aux conseils communautaires de santé. La province est aujourd'hui divisée en quatre régies régionales de la santé : la régie Labrador-Grenfell (qui est responsable du Labrador et de la partie septentrionale de la péninsule Great Northern) et les régies de l'ouest, du centre et de l'est de l'île de Terre-Neuve. Chacune d'elles doit évaluer les besoins en santé de sa population et y répondre.

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