La population

À la fin du 17e siècle, le nombre d'habitants permanents de l'île de Terre-Neuve reste encore faible. Cette population est morcelée entre divers petits ports et éparpillée le long du littoral. Elle demeure vulnérable et au prise avec de grandes difficultés, parmi elles une possible menace d'expulsion de la part du gouvernement anglais. Au cours des guerres franco-anglaises entre 1696 et 1713, les forces françaises pillent, brûlent et détruisent les colonies et, du coup, anéantissent les progrès réalisés à Terre-Neuve et freinent le peuplement.

Après chaque attaque, les colonies ne restent pas désertes longtemps et sont rapidement rebâties. Toutefois, dans la baie de la Conception, il faut des décennies aux colons propriétaires (appelés également habitants-pêcheurs) pour se remettre de cette dévastation. De nouveaux migrants en provenance des mêmes régions anglaises forment la nouvelle population des colonies.

Vue de Porte de Grave dans la baie de la Conception
"Vue de Porte de Grave dans la baie de la Conception"
Peinture de Port de Grave réalisée par William Skinner (1700-1780). Le lieutenant-gouverneur Skinner occupait le poste de chef ingénieur de la Grande-Bretagne. Il fut confié, en 1762, la mission de se rendre à Terre-Neuve et d'ériger des fortifications autour de St. John's suite à sa capture des Français.
Avec la permission de la British Library (MS 33233, f. 34).

Mis à part la baie de la Conception, St. John's et la baie Trinity, la croissance démographique est au ralenti dans l'ensemble des régions jusque dans les années 1780. En 1750, le nombre d'habitants en été à Terre-Neuve, sans compter les Autochtones, ne dépasse pas 10 000 personnes. Les domestiques à contrat en représentent environ 70 p.100. L'hiver, la population s'élève en moyenne à 5000 personnes dont 50 p. 100 de domestiques. Les autres sont les membres des familles de colons propriétaires. Dans les années 1760, la population prend rapidement de l'expansion, stimulée par une hausse des activités commerciales et l'augmentation des migrants irlandais. Cependant, la Révolution américaine, qui sévit de 1775 à 1783, porte un coup terrible à Terre-Neuve. Elle provoque de graves pénuries alimentaires et une baisse substantielle de sa population.

St. John's, T.-N.-L., 1798
St. John's, T.-N.-L., 1798
En 1795, la population permanente de St. John's s'élève à environ 3000 habitants.
Dessin de H. P. Brenton. Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-053.007), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Il est pratiquement impossible de préciser le nombre total de colons anglais et irlandais qui s'installent définitivement à Terre-Neuve et au Labrador et prennent part à la poussée démographique. Le peuplement s'est étalé sur plus de 200 ans et s'est révélé des plus complexe. Il y a eu des progrès et des reculs, des renvois et des remplacements, des retours vers le pays d'origine et des migrations vers d'autres colonies, en plus d'innombrables autres problèmes d'enracinement. En 1767, trois ans seulement après son arrivée à Trinity, un missionnaire, venu à la requête de 70 personnes, se plaint que plusieurs de ses premiers paroissiens sont décédés, ruinés ou ont quitté Terre-Neuve. Aux 17e et 18e siècles, plusieurs colons propriétaires ne s'attardent à Terre-Neuve qu'une partie de leur vie active. Ces colons repartent ensuite dans leur pays ou choisissent de s'établir dans une autre colonie d'Amérique du Nord. Pourtant, certains laissent derrière eux des enfants. On évalue que les habitants actuels de la province seraient les descendants de 20 000 à 40 000 immigrants. Ces chiffres reposent toutefois sur de simples conjectures. Le nombre réel pourrait être très inférieur.

English version