Les journaux de 1879 à 2000

L'industrie de la presse a connu un essor à Terre-Neuve-et-Labrador après 1879. Les progrès dans le domaine de la technologie d'impression, la croissance démographique et une meilleure conjoncture économique ont permis l'émergence d'une presse quotidienne permanente à St. John's et d'une presse hebdomadaire dans les petits villages de pêche isolés. Les journaux faisaient désormais preuve d'un plus grand professionnalisme puisqu'ils avaient appris à séparer les affaires de leur ligne éditoriale. À la fin des années 1920, de nombreuses publications avaient rompu leurs liens avec les partis politiques et les confessions religieuses. Cette transition vers un style de reportages plus impartial s'est accélérée après 1934 lorsque la Commission de gouvernement a pris le pouvoir et a mis fin temporairement aux politiques partisanes dans la colonie.

The Evening Telegram, 1879
The Evening Telegram, 1879
The Evening Telegram, vol. 1, no 8 (11 avril 1879), page 1.

Après la Confédération, la presse quotidienne de St. John's a joué le rôle d'opposition face au gouvernement. C'était particulièrement le cas du Evening Telegram, qui publiait des éditoriaux populaires de Harold Horwood et Ray Guy critiquant les politiques et le mode de gouvernance du premier ministre libéral Joseph Smallwood. L'ère post-confédération a aussi donné lieu à une augmentation du nombre de journaux régionaux hebdomadaires dans la province. À partir de 1970, des entreprises multinationales ont pris un contrôle de plus en plus grand sur la presse d'information de la province et moins de journaux indépendants étaient détenus par des familles.

Les quotidiens de St. John's et les hebdos des régions éloignées

La parution du premier numéro du Evening Telegram, le 3 avril 1879, a marqué le début de la presse quotidienne permanente à St. John's. Huit autres journaux étaient publiés dans cette ville à l'époque, mais aucun sur une base quotidienne. Le Telegram a été fondé par William James Herder, un imprimeur de la région qui avait travaillé pour The Courier jusqu'à sa fermeture en 1878. À l'origine, le Telegram était un journal de quatre pages tiré à 500 exemplaires, mais à la fin de juin son format et son tirage avaient doublé. Différents facteurs ont contribué à son succès.

St. John's se targuait d'être en pleine croissance démographique. Cette ville était le siège du gouvernement et un centre d'échanges et de commerce, ce qui permettait aux journaux locaux d'avoir facilement accès à l'argent des annonceurs et aux contrats d'impression gouvernementaux essentiels à leur survie. Les progrès technologiques ont aussi permis d'imprimer les journaux plus rapidement et à moindres coûts. Il est important de souligner qu'un exemplaire du Telegram ne coûtait qu'un cent à l'époque et qu'il s'agissait probablement du tout premier journal de Terre-Neuve-et-Labrador vendu à ce prix. Le débat politique concernant la construction d'un chemin de fer transinsulaire a aussi fourni au journal des sujet de reportages susceptibles d'attirer et de fidéliser un lectorat intéressé par l'avancement de ce dossier.

Le débat au sujet du chemin de fer a amené la création d'un second quotidien en 1882. Le Evening Mercury a été fondé par l'homme d'affaires J.E.A. Furneaux, qui était en faveur de cet aménagement ferroviaire. En revanche, le Telegram se montrait critique envers ce projet du gouvernement. Un troisième quotidien a vu le jour en 1894 lorsque J.A. Robinson a renoncé à sa carrière dans l'enseignement pour fonder le Daily News. Les débats d'idées entre ces trois journaux étaient très animés, notamment parce que les éditoriaux ne présentaient pas tous les mêmes points de vue. Le Evening Mercury a été un journal conservateur jusqu'en 1890, jusqu'à ce qu'il change de camp pour appuyer les libéraux. Il a changé de nom pour devenir le Evening Herald. À l'époque, le Evening Telegram appuyait généralement les politiques libérales tandis que le Daily News soutenait le parti conservateur.

Les hebdomadaires de St. John's ont eu de la difficulté à concurrencer les quotidiens populaires et il n'en restait plus que deux à la fin du siècle: le Royal Gazette, le tout premier journal de Terre-Neuve-et-Labrador fondé en 1807, et le Newfoundland Trade Review, un journal quasi gouvernemental fondé en 1892.

Tandis que les hebdos disparaissaient à St. John's, d'autres faisaient leur apparition dans les collectivités éloignées grâce aux progrès dans les domaines de l'imprimerie, du transport et des technologies de la communication ainsi qu'à l'émergence sur la côte nord-est de l'île d'une industrie minière qui semblait vouée à un avenir prometteur. De plus, les villages isolés ont commencé à acheter les presses à imprimer des entreprises de St. John's qui les remplaçaient par de l'équipement d'avant-garde.

Twillingate Sun, 1880
The Twillingate Sun, 1880
The Twillingate Sun, vol. 1, no 1 (24 juin 1880), page 1.

Le 24 juin 1880, le Twillingate Sun and Northern Weekly Advertiser est devenu le premier journal de l'île diffusé à l'extérieur de St. John's ou de la baie de la Conception. Publié par Jabez P. Thompson, qui avait travaillé précédemment pour le Harbour Grace Standard, le Twilligate Sun publiait des informations locales et étrangères, des actes législatifs, un courrier des lecteurs, des annonces et des œuvres littéraires. Le Weekly Record a commencé à être publié à Trinity en 1886, suivi du Trinity Enterprise en 1909. Le Record était publié par David C. Webber, qui a été élu par la suite député libéral de Trinity à la Chambre d'assemblée en 1889. L'Enterprise a été fondé par l'imprimeur F. J. Brady. Sur la côte ouest de l'île, la publication du Western Star a commencé le 4 avril 1900 à Birchy Cove. D'abord publié deux fois par semaine, puis une seule fois pendant l'hiver, il est devenu un hebdomadaire en 1902.

Les journaux des régions isolées devaient surmonter des défis que ne connaissaient pas les publications éditées dans les zones urbaines. « Publier le journal à cette époque-là n'était pas de la rigolade », a écrit A.L. Barrett, rédacteur en chef du Western Star de 1912 à 1941. « En hiver, nous étions souvent à court de papier journal à cause des défaillances dans le secteur des transports. À l'époque, nous importions notre papier. Il nous est arrivé plusieurs fois de le remplacer par du papier de couleur, à deux occasions nous avons dû prendre du papier d'emballage et à deux reprises notre matériel nous a été livré par traîneau à chiens, la première fois du plateau Gaff Topsails et la fois suivante de Port-aux-Basques (18). »

En 1910, le Fishermen's Advocate, un journal de St. John's, a été mis en circulation dans les régions isolées. Fondé par William Coaker, président de la Fishermen's Protective Union (FPU), l'Advocate est vite devenu l'un des journaux les plus influents et polémiques de l'île. Porte-parole de Coaker et du syndicat, il publiait la propagande et les procès-verbaux de la FPU, des conseils pratiques à l'intention des pêcheurs, des informations étrangères et locales ainsi que l'actualité parlementaire.

Une nouvelle ère pour la presse d'information

La nature de la presse écrite a commencé à changer au tournant du 20e siècle. Jusque-là, les journaux de Terre-Neuve étaient habituellement dirigés par une seule personne qui avait la mainmise sur toutes les étapes de la production: rédaction, édition, recrutement d'annonceurs et impression. Il était conforme aux convenances que les journaux reflètent les opinions politiques et religieuses de ses éditeurs et rédacteurs en chef. Mais à la fin des années 1880, beaucoup de ces pionniers de la presse écrite avaient pris leur retraite ou étaient décédés, et une nouvelle génération de journalistes avait pris la relève. Le volet opérationnel et le volet éditorial de la production étaient désormais deux choses distinctes puisque les rôles de propriétaire, rédacteur en chef et imprimeur étaient assumés par différentes personnes. En 1900, chaque quotidien de St. John's avait un reporter à son service, et deux en 1920.

The Fishermen's Advocate, 1912
The Fishermen's Advocate, 1912
The Fishermen's Advocate vol. 3. no 30 (27 juillet 1912), page 1.

Avec le temps, les journaux se montraient moins partisans et favorisaient davantage l'impartialité journalistique. Cette tendance s'est accrue pendant la Première Guerre mondiale alors que les politiques partisanes habituelles ont été mises de côté et qu'un gouvernement national de coalition a été formé en 1917. La présentation visuelle des journaux a aussi changé. Les presses à imprimer modernes permettaient d'utiliser des formats de papier plus grands et des polices de caractères plus faciles à lire, et aussi de faire des colonnes plus larges. Les progrès dans les domaines de la photogravure et des autres technologies liées à la conception graphique ont permis d'améliorer la présentation visuelle tandis que les gros titres publiés cherchaient à attirer l'attention des lecteurs.

Les derniers vestiges de l'ancienne presse partisane ont disparu lorsque la Commission de gouvernement a pris le pouvoir en 1934, mettant ainsi la fin aux partis politiques traditionnels à Terre-Neuve-et-Labrador. Le public ne pouvait pas assister aux réunions de la Commission et les reporters avaient comme source d'information les communiqués imprimés qui leur étaient remis. Ce manque d'informations sur la politique locale a incité les journaux à accorder plus d'espace aux nouvelles internationales, aux sports et aux textes provenant d'agences de presse.

Les débats de la Convention nationale qui se sont déroulés de 1946 à 1948 ont toutefois permis aux journaux de traiter d'un sujet très captivant: l'alliance éventuelle de Terre-Neuve-et-Labrador avec le reste du Canada. La presse régulière couvrait généralement ces débats de manière impartiale, ce qui a incité les camps adverses pro- ou anti-confédération de fonder leurs propres journaux. L'Independent et le Confederate ont cessé leur publication en juillet 1948, le même mois où les Terre-Neuviens-et-Labradoriens ont voté en faveur de la Confédération.

La presse après la Confédération

Après la Confédération, les journaux de Terre-Neuve-et-Labrador sont devenus membres de La Presse canadienne, une agence de presse coopérative privée sans but lucratif qui fournissait des nouvelles nationales et internationales aux journaux dans tout le Canada.

Le Evening Telegram était le journal le plus important de St. John's dans les années 1950. Au cours de cette décennie, son tirage a doublé en dépassant les 60 000 exemplaires et il était distribué dans un rayon de 482 km autour de la capitale. Il a aussi ouvert un bureau au centre de l'île de Terre-Neuve. La rubrique polémique de Harold Horwood intitulée Political Notebook était l'une des principales raisons de son succès. Ce chroniqueur était le premier à Terre-Neuve-et-Labrador à critiquer ouvertement l'administration libérale de Smallwood. Dans les années 1950, le Telegram a été menacé au moins trois fois de poursuites pour diffamation par le gouvernement et il a également fait l'objet d'une poursuite que le juge a rejetée dès le premier jour après avoir lui avoir adjugé les dépenses.

Depuis sa fondation en 1879, le journal était dirigé par des membres de la famille Herder, d'ardents défenseurs de la liberté de la presse et de la liberté éditoriale. La rubrique Political Notebook a pris fin en 1958, mais en 1965 le reporter Ray Guy du Telegram s'est vu confier une rubrique quotidienne de satire politique visant à critiquer le gouvernement. Les textes de Ray Guy ont pris une place importante dans le journalisme et la vie politique de la province. Plusieurs ont même affirmé que ses écrits avaient contribué à mettre fin au règne Smallwood en 1971, lui qui avait été premier ministre pendant près de 23 ans. À ce moment-là, le journal était distribué dans toute la province, mais il n'était pas toujours facile de se le procurer dans toutes les régions.

C'est ce qui explique pourquoi, au moins jusqu'à la fin des années 1960, le Montreal Gazette avait plus de lecteurs au Labrador que le Telegram. En 1980, trois hebdomadaires étaient distribués au Labrador: le journal Aurora, fondé en 1969 par la Robinson Blackmore Printing Company pour desservir le Labrador Ouest; le Labradorian, fondé en 1974 à Happy Valley-Goose Bay par l'imprimerie Labradorian Printers; et le Northern Pen, fondé en 1980 par Bernard Bromley et distribué dans le sud du Labrador et la péninsule Great Northern.

D'autres journaux régionaux sont apparus sur l'île après la Confédération. La plupart étaient publiés par la Blackmore Printing Company (devenue la Robinson-Blackmore après 1968), qui s'est impliquée dans l'industrie de la presse écrite en 1936 en lançant le Grand Falls Advertiser. En 1958, elle a fondé le Gander Beacon, puis le Pilot de Lewisporte (1961), le Springdale News (1965), le Packet de Clarenville (1968) et le Compass de Trinity et de la baie de la Conception (1969). D'autres journaux ont été créés dans les années 1970. Le Western Star a quitté Birchy Cove en 1941 pour s'établir à Corner Brook et il est devenu un journal quotidien en 1954. Les deux quotidiens signèrent une entente de partager les nouvelles.

Au cours des trois dernières décennies du 20e siècle, de grandes multinationales ont commencé à prendre le contrôle des journaux de Terre-Neuve-et-Labrador. En 1970, les Herder ont vendu le Evening Telegram au groupe Thompson, l'une des plus grandes sociétés de médias de la planète. Soucieuse d'améliorer ses profits, la société a entrepris une réduction du personnel en misant sur l'attrition en plus de couper dans les dépenses d'autres secteurs. L'augmentation de l'espace publicitaire a fait en sorte que les nouvelles et les questions d'actualité occupaient moins de place dans ses pages. Horwood a écrit plus tard que « le plan d'action axé sur l'économie amorcé le lendemain du rachat par Thompson a vite eu des conséquences. Le travail d'impression s'est détérioré et le papier avait tout à coup l'air bon marché »(45). Insatisfait de la nouvelle direction du journal, Guy a cessé de publier ses articles pendant une courte période de 86 jours en 1971-1972.

Corporate ownership, however, did not affect the Telegram's popularity. Unable to compete, the Daily News went out of business in 1984, leaving the province with two daily newspapers: the Telegram in St. John's and the Western Star in Corner Brook. On 28 September 1986, the St. John's Sunday Express circulated as an independent weekly. Although respected for its investigative reporting and high journalistic standards, the paper could not compete in an increasingly commercialized industry and ceased publishing in 1991. In 2002, the Western Star lost its independent status, after it was bought by the Montreal-based Transcontinental Inc., one of the largest printers in North America. The company also bought the Telegram in 2004, which remained the most widely read newspaper in the province. By then, however, newspapers were facing competition from a new medium: the Internet.

Le fait que le journal soit la propriété d'une grande entreprise n'a toutefois pas affecté la popularité du Telegram. Incapable de faire face à la concurrence, le Daily News a fermé ses portes en 1984. La province n'avait plus que deux quotidiens : le Telegram de St. John's et le Western Star de Corner Brook. Le 28 septembre 1986, le Sunday Express de St. John's est devenu un hebdomadaire indépendant. Même s'il était très respecté pour son journalisme d'enquête et ses normes journalistiques élevées, il ne pouvait pas faire face à la concurrence au sein d'une industrie de plus en plus commerciale et il a cessé de publier en 1991. En 2002, le Western Star a perdu son statut de journal indépendant après avoir été acheté par Transcontinental Inc., l'un des plus grandes imprimeries d'Amérique du Nord dont le siège social était à Montréal. La société a aussi acheté le Telegram en 2004, et ce journal est demeuré l'un de plus lus de la province. À cette époque cependant, un nouveau média commençait à faire concurrence aux journaux : Internet.

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Vidéo: Premiers journaux à Terre-Neuve