Gander

L'aéroport de Gander était le plus grand de la planète en 1940 et il a joué un rôle de premier plan dans le convoyage aérien entre l'Amérique du Nord et la Grande-Bretagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des troupes canadiennes, américaines et britanniques ont été stationnées à Gander et plus de 1500 civils terre-neuviens y ont trouvé un emploi. En 1945, l'aérodrome comportait quatre pistes, des centaines de bâtiments – dont des casernes, des hangars et un hôpital – et le système de communications le plus avancé de l'époque.

Un aviateur et des soldats d'infanterie à la base de l'Aviation royale canadienne (ARC) de Gander, en 1943
Un aviateur et des soldats d'infanterie à la base de l'Aviation royale canadienne (ARC) de Gander, en 1943
Trois soldats d'infanterie discutent avec un lieutenant d'aviation. À l'arrière-plan, on distingue un Hawker Hurricane XII.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-210166). (PA-210166).

À peine neuf ans plus tôt, le site était une zone de terres humides et de forêt boréale. Il n'y avait pas d'habitants ni d'installations permanentes dans les environs, et aucune route ne menait dans cette région. Ce n'est qu'au moment où les vols transatlantiques ont commencé à susciter de l'intérêt, dans les années 1930, que l'étendue sauvage bordant lac Gander a acquis une réelle importance internationale.

Les origines de l'aéroport

Les vols pour le transport des passagers étant de plus en plus populaires, les compagnies aériennes voulaient offrir leurs services entre l'Amérique du Nord et l'Europe. En 1935, les administrateurs gouvernementaux de Terre-Neuve, des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada ont convenu de construire un aéroport près du lac Gander à cause de sa proximité du chemin de fer et de sa position géographique sur la route orthodromique – la route aérienne la plus courte entre Londres et New York.

Cet été-là, une équipe d'arpenteurs a proposé de construire l'aéroport sur une étendue plate et relativement protégée du brouillard sur la rive nord du lac. Les travaux ont commencé presque aussitôt et ont progressé rapidement. Jusqu'à 900 ouvriers ont défriché le terrain, rempli les marécages et érigé des bâtiments. Au moment de l'ouverture de l'aéroport, en 1938, les installations aéroportuaires comprenaient quatre pistes, un hangar, de l'équipement radiotéléphonique et météorologique, des bâtiments administratifs, des dortoirs, une centrale électrique, un bureau de poste et une salle de cinéma. L'aéroport a été connu sous le nom de Newfoundland Airport jusqu'en 1941, l'année où l'armée canadienne a changé sa dénomination officielle pour RCAF Station Gander.

L'éclatement de la guerre en 1939 a amené les officiels de l'armée et du gouvernement à réaliser l'importance stratégique de cet aéroport terrestre, qui était situé le plus à l'est de l'Amérique du Nord à cette époque. Gander était donc un poste d'avitaillement idéal pour les avions alliés qui volaient entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Cet aéroport permettait également aux patrouilles de surveillance aérienne de faire un très grand nombre d'opérations dans la partie occidentale de l'Atlantique. Toutefois, s'il venait à tomber aux mains de l'ennemi, l'aéroport servirait de point d'entrée en Amérique du Nord pour les troupes nazies.

Le 15 septembre 1939, inquiet du fait qu'aucun plan de défense active n'avait encore été élaboré pour protéger l'aéroport, sir Humphrey Walwyn, gouverneur de Terre-Neuve, a fait parvenir un télégramme à Anthony Eden, secrétaire d'État aux affaires des Dominions de Grande-Bretagne, pour demander que le contrôle de l'aéroport soit cédé à l'armée canadienne pendant toute la durée du conflit. Il a aussi fait une proposition similaire pour la station hydroaérienne de Botwood, située à proximité. Eden n'était pas d'accord avec cette recommandation. Dans un télégramme daté du 6 novembre, il a répondu qu'« il n'était pas souhaitable de permettre que ces aéroports, qui sont d'une telle importance dans nos négociations avec Pan American Airways et les États-Unis, ne soient plus sous notre commandement, et ce, même temporairement. » [Traduction libre]

L'Aviation royale canadienne à Gander

Au printemps 1940, Londres a changé son fusil d'épaule lorsque les nazis ont envahi la France et que les hostilités se sont intensifiées en Europe. À la fin de juin, le Canada a déployé des unités terrestres et aériennes à Gander. Un escadron de cinq bombardiers de l'Aviation royale canadienne (ARC) est arrivé à Gander le 17 juin et des membres du Black Watch, un régiment d'infanterie de la Première réserve de l'armée canadienne, ont été envoyés la semaine suivante. La mission de l'ARC était de défendre et de patrouiller le secteur occidental de l'Atlantique et de surveiller les ennemis à l'aide de systèmes de détection lointaine. Elle devait aussi défendre Gander en cas d'attaque. L'armée a reçu l'ordre de protéger la base contre les attaques terrestres et les raids aériens à basse altitude.

Le régiment Black Watch, en 1940
Le régiment Black Watch, en 1940
Les membres du régiment Black Watch ont débarqué du NCSM Ottawa à Botwood (T.-N.-L.) le 22 juin 1940. Quelques membres de ce régiment ont ensuite quitté Botwood pour se rendre à Gander.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-104042). (PA-104042).

Au mois d'août, l'ARC a obtenu la permission de la Commission de gouvernement pour agrandir l'aéroport. Le travail a commencé presque aussitôt et, pour un coût de 1,3 million de dollars, on a procédé à la construction de hangars, de casernes et d'espaces de rangement supplémentaires en plus d'améliorer les installations existantes.

Le rôle de la base s'est accru considérablement en novembre 1940 alors qu'elle est devenue une base auxiliaire de l'Atlantic Ferry Operation. Au début de la guerre, la Royal Air Force (RAF) de Grande-Bretagne a demandé à des usines américaines de construire d'autres avions. Au lieu de démanteler les avions et de les transporter par bateau – où ils auraient pris la place de convois de grande valeur en plus d'être vulnérables aux attaques éventuelles des U-boots – la RAF a décidé de leur faire traverser l'Atlantique en utilisant les aéroports de Gander et de Goose Bay comme sites d'escale. Le Commandement de Transport outre-mer (Ferry Command) a été créé en 1940 pour faciliter les opérations et, le 10 novembre 1940, une première flotte composée de sept bombardiers Lockheed Hudson a quitté Gander pour atterrir en Irlande 10 heures plus tard. À la fin de la guerre, Gander et de Goose Bay avaient participé à la livraison en Europe d'environ 10 000 avions fabriqués en Amérique du Nord.

L'expansion

Pendant que les hostilités s'intensifiaient en Europe en 1941, le trafic aérien a aussi augmenté à Gander. L'ARC a amélioré ses installations une fois de plus afin de pouvoir accueillir adéquatement les centaines d'avions qui s'y arrêtaient chaque jour. Des travailleurs ont prolongé les pistes et bâti d'autres hangars, casernes et réfectoires. Ils ont aussi édifié un hôpital, une boulangerie, une buanderie, des installations de chauffage et des entrepôts. D'autres améliorations ont eu lieu pendant toute la durée de la guerre et ont coûté plus de 20 millions de dollars à l'armée canadienne.

Le gouverneur Walwyn à Gander, en 1941
Le gouverneur Walwyn à Gander, en 1941
Sir Humphrey Walwyn (à gauche), gouverneur de Terre-Neuve-et-Labrador, s'entretient avec un aviateur (non identifié) à la base de l'ARC de Gander, le 14 octobre 1941.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-191244). (PA-191244).

Afin de réduire davantage les inconvénients causés par l'augmentation du trafic aérien, la Commission permanente mixte de défense – un groupe de représentants militaires et diplomatiques du Canada et des États-Unis – a permis à la United States Air Force (USAAF) de stationner des troupes sur la base et d'ériger ses propres installations. À la fin de 1941, des ouvriers ont commencé à construire des hangars et plus de 100 bâtiments temporaires sur le site que les gens appelaient familièrement « le côté américain ».

Le boom de construction qui s'en est suivi a créé beaucoup d'emplois pour les travailleurs civils des collectivités voisines. Pendant la guerre, environ 1500 Terre-neuviens ont travaillé à Gander comme techniciens, ingénieurs, menuisiers, électriciens, météorologues, mécaniciens, opérateurs d'équipement lourd et manœuvres. Ils vivaient dans des habitations temporaires à l'extérieur de la base et près de la voie ferrée.

L'entretien d'un avion, Gander, 1943
L'entretien d'un avion, Gander, 1943
Le personnel au sol fait des travaux d'entretien sur un appareil Consolidated Liberator à la base aérienne de l'Aviation royale canadienne de Gander, le 29 juillet 1943.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-037440). (PA-037440).

En 1943, Gander était la plus grande base de l'Aviation royale Canadienne et l'une des plus achalandées. L'aérodrome a joué un rôle important dans la défense de l'hémisphère et transmettait les renseignements météorologiques et les données de navigation à toutes les bases alliées du Labrador, du Groenland et de l'île de Baffin. Sa plus grande contribution aura été de faciliter les opérations de transport d'avions militaires effectuées par le Ferry Command. Ce dernier a d'ailleurs demandé au premier ministre britannique Winston Churchill de lui donner le nom de « plus gros porte-avions de l'Atlantique Nord ».

L'après-guerre

Après la guerre, Gander a aidé au transport du matériel et des troupes qui rentraient au Canada et aux États-Unis depuis l'Europe. L'armée canadienne a remis le contrôle de la base à la Commission de gouvernement en 1945 et a procédé à la dissolution de la base de l'ARC à Gander. L'aéroport a alors servi à des fins commerciales et est devenu un site d'avitaillement majeur pour l'aviation civile. Le rôle de l'aéroport pendant les années de guerre a contribué directement au développement de la ville, qui a hérité d'églises, d'écoles, de bibliothèques, d'un hôpital ainsi que d'installations électriques et autres de l'ARC.

Après l'entrée de Terre-Neuve et du Labrador dans la Confédération, le ministère fédéral du Transport a pris le contrôle de l'aéroport de Gander, qui fait maintenant partie de Nav Canada, fournisseur de services de navigation aérienne civile du Canada. Le 11 septembre 2001, le personnel de Nav Canada posté à Gander a marqué l'histoire de l'aviation en redirigeant tout le trafic aérien se dirigeant vers l'ouest du continent et en faisant atterrir 40 avions à Gander.

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