Reid et ses descendants

C'est l'ambition de ses propres fils qui a convaincu R.G. Reid que sa famille devait s'impliquer davantage à Terre-Neuve, et ce, bien au-delà de la phase de construction initiale du chemin de fer. À la suite de ses nombreux succès passés et du déclin général de sa santé, l'aîné des Reid n'occupait plus l'avant-scène au sein de l'entreprise et il n'était plus cet ingénieur de terrain qu'il avait déjà été. En 1892, on commençait déjà à le considérer comme un « homme de l'ombre » et une éminence grise. Cette année-là, G.H. Middleton avait été exclu du partenariat de construction. Il allait de soi que les deux fils Reid les plus âgés (William, 25 ans, et Harry, 23 ans) superviseraient dorénavant les activités familiales courantes à Terre-Neuve et qu'ils allaient demander à leur frère cadet (Robert G. Reid fils) de s'impliquer lui aussi dans l'entreprise au cours des années suivantes.

En 1898, lorsque la construction de la ligne de chemin de fer a été complétée, les jeunes Reid étaient complètement séduits par le potentiel inexploité d'un pays qu'ils connaissaient désormais mieux que la plupart des gens, c'est-à-dire de l'intérieur. Ils ont convaincu leur père de signer un contrat de 50 ans pour veiller à l'exploitation du chemin de fer en pariant que c'était là le moyen le plus sûr de transformer les terres familiales appartenant aux Reid en véritable empire commercial.

William Reid

William (1867-1924) est devenu l'intermédiaire de son père en 1892 et a assumé un rôle de premier plan dans la construction. Il a aussi négocié en grande partie le contrat de 1898 en plus d'occuper le poste de directeur général de la Reid Newfoundland Company jusqu'en 1917. W.D. Reid avait deviné tout le potentiel des ressources forestières du centre de l'île de Terre-Neuve et il a été l'instigateur du projet d'usine de pâtes et papiers à Grand Falls. Sur le plan politique, W.D. Reid a aussi eu un impact majeur sur Terre-Neuve en persuadant son bon ami (et avocat de l'entreprise) Sir Edward P. Morris de quitter le Parti libéral en 1908 pour former le People's Party et, éventuellement, un gouvernement qui allait procéder à un réalignement des politiques de Terre-Neuve pendant toute une génération.

Des employés de la Reid Newfoundland Company, s.d.
Des employés de la Reid Newfoundland Company, s.d.
Des employés de la Reid Newfoundland Company devant la station Riverhead, à St. John's. William et Harry Reid sont assis au centre de la première rangée.
Tiré de la collection A.R. Penney. Avec la permission de Harry Cuff Publications.

Harry D. Reid

Harry (1867-1929) était celui dont la personnalité ressemblait le plus à celle de son père. Cet homme de peu de mots a consacré la plus grande partie de sa carrière à s'occuper du volet administratif des chemins de fer. En 1917, H.D. a éventuellement orchestré sa propre nomination à titre de président parce qu'il considérait que l'empire familial et son frère aîné étaient devenus ingérables. H.D. Reid a adopté une approche plus prudente en procédant à un inventaire minutieux des terres des Reid et en évaluant de façon réaliste les pertes contractées par les opérations ferroviaires. Il a fait preuve d'une grande détermination en incitant la Reid Newfoundland Company à se retirer des activités ferroviaires pour se consacrer à des projets de développement plus prometteurs (usines de pâtes et papiers à Grand Lake, à Corner Brook et sur la rivière Gander). En 1917, H.D. a invité son propre fils, Angus, à s'impliquer dans la gestion en tant que secrétaire de la Reid Newfoundland Company.

Harry Reid (deuxième à partir de la gauche) et sa femme, vers 1924
Harry Reid (deuxième à partir de la gauche) et sa femme, vers 1924
Cette photographie a été prise peu de temps après l'accord «Humber Deal» et la Railway Settlement Act de 1923. On peut voir le premier ministre William R. Warren (au centre) et Sir William Coaker (à droite).
Tiré de la collection A.R. Penney. Avec la permission de Harry Cuff Publications.

C'est la lignée de Harry D. Reid qui est restée associée le plus étroitement à Terre-Neuve. Même après la mise sous séquestre de la Reid Newfoundland Company au cours de la Grande Dépression, son fils W. Angus Reid (1895-1961) et son petit-fils Ian J. Reid (1925- ) sont devenus des personnalités éminentes du milieu des affaires. Un arrière-petit-fils, I.A. Ross Reid (1952- ), a occupé un rôle de premier plan dans les coulisses de la politique fédérale avant d'être élu député de St. John's-Est en 1988.

Robert G. Reid fils

Robert G. Reid fils (1875-1947) a été directeur des travaux ferroviaires de 1908 à 1923. Il est resté actif dans les affaires de la Reid Newfoundland Company et résidant de St. John's jusqu'à sa mort. Il était populaire auprès des employés de chemin de fer, car il était le membre de la famille Reid le plus engagé dans la gestion quotidienne. Il a aussi joué un rôle de premier plan dans la vie sportive à Terre-Neuve. Devenu joueur de hockey et supporteur passionné de ce sport à l'Université McGill, en 1898 il a joué pour l'une des premières équipes de hockey structurées en plus de recruter des employés de chemin de fer pour se joindre à celle-ci. Il a également trouvé des appuis pour construire la première véritable patinoire de hockey de St. John's, l'aréna Prince of Wales Rink (communément appelé Prince's Rink). Par la suite, en 1913, R.G. fils a joué un rôle important en intégrant à Terre-Neuve un autre sport très populaire en Amérique du Nord : le baseball. À Terre-Neuve, pendant de nombreuses années et pour plusieurs générations, la famille Reid a aussi figuré parmi les supporteurs les plus enthousiastes de deux sports typiquement « écossais » : le curling et le golf.

Quand on y regarde de plus près, la famille Reid a joué un rôle actif dans presque tous les domaines qui ont façonné l'histoire moderne de Terre-Neuve. Alliant ses intérêts pour le monde des activités récréatives et la diversification économique, la famille Reid peut s'applaudir d'avoir été une pionnière dans le tourisme de sport et d'aventure à Terre-Neuve. Sans doute influencé par son héritage écossais, R.G. Reid père était chasseur et pêcheur à la ligne tandis que ses fils étaient des amateurs de plein air toujours à la recherche de nouvelles attractions pittoresques et sportives qu'ils aimaient promouvoir au fur et à mesure que le chemin de fer « ouvrait » le pays. La Reid Newfoundland Company a toujours inclus le trafic touristique dans ses vastes projets en plus de s'intéresser de près à la promotion des hôtels et des camps de chasse et de pêche situés tout le long du circuit ferroviaire. Parmi les descendants de la troisième génération, Angus Reid a longtemps été président de l'Office du tourisme de Terre-Neuve, tandis que Robin Reid (un fils de R.G. fils) a été pendant de nombreuses années propriétaire et directeur du Gleneagles, un gîte touristique de la rivière Gander.

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