Les maladies industrielles et les mines de St. Lawrence

Il y a toujours des coûts associés aux transformations économiques majeures, comme par exemple celle qui eut lieu à St. Lawrence. Il arrive souvent qu'un style de vie disparaisse ou soit fortement modifié par un autre et toutes sortes de crises se présentent lorsque des personnes essaient de s'adapter aux changements rapides dans leurs environnements économique, social et culturel.

À St. Lawrence, par exemple, l'industrie minière signifiait un changement fondamental dans la façon de travailler des gens ainsi que dans leur vie familiale. Si auparavant les familles travaillaient ensemble dans des entreprises collectives comme la pêche côtière ou l'exploitation d'une ferme, à partir de ce moment-là, les hommes et les femmes ont joué des rôles très différents dans l'économie familiale. En effet, il fallait alors faire une distinction entre "travail" et "foyer" et cette distinction fut renforcée par l'industrialisation. De plus, les personnes qui avaient l'habitude de travailler selon le rythme des saisons ou du climat tout en maintenant un certain contrôle sur les heures et la quantité de travail qu'ils effectuaient, devaient dorénavant s'habituer à travailler selon un horaire précis et sous la supervision d'autres personnes.

Il faut ajouter que l'industrie minière est très hautement stratifiée et les divisions selon les compétences et les salaires sont plus fortement marquées que dans l'économie de la pêche côtière, par exemple. Avant d'avoir fait des recherches plus poussées, il est difficile de mesurer ou même de décrire comment ces changements affectèrent les familles, les travailleurs et la communauté dans son ensemble.

Mineurs de St. Lawrence, vers 1961
Mineurs de St. Lawrence, vers 1961

Avec la permission de la ville de St. Lawrence, T.-N.-L.

Les problèmes de santé causés par la poussière

Malheureusement pour la population de St. Lawrence, de Lawn, de Little St. Lawrence et des environs, les maladies industrielles et les nombreux décès étaient le prix à payer le plus évident et le plus dévastateur pour la prospérité apparente provenant des années d'exploitation minière. Même si, d'après les documents, on voit que les mineurs s'inquiétaient de voir leur santé affectée par les grandes quantités de poussière générées par le forage et d'autres activités dès 1936, il a fallu attendre des décennies avant qu'on s'en occupe. Ironiquement, lorsqu'à la fin des années trente on est passé des activités minières à ciel ouvert à celles souterraines qui offraient aux mineurs une certaine protection contre le froid et les éléments, ces mêmes mineurs étaient exposés à beaucoup plus de poussière. Les mines de St. Lawrence ont la réputation d'être très humides et les inondations posent un problème constant. Heureusement que l'eau souterraine dont les mineurs se plaignaient car ils souffraient du froid et de l'humidité, servait aussi, dans certains cas, à faire diminuer la quantité de poussière.

Test de la qualité de l'air, vers 1960
Test de la qualité de l'air, vers 1960
Deux mineurs prennent des échantillons de l'air dans une mine souterraine.

Avec la permission de la ville de St. Lawrence, T.-N.-L.

Ceux qui étaient exposés à la poussière pendant de longues périodes n'avaient aucun moyen d'échapper aux conséquences. Le « forage à sec », qui était utilisé par les mineurs jusqu'aux années quarante (par comparaison avec le système plus moderne où la mèche est arrosée d'un jet d'eau régulier), produisait une grande quantité de poussière contre laquelle les mineurs n'avaient guère de moyens de se protéger. Après un certain temps, cette « poussière de silice » s'accumule dans les poumons et les bronches où se forment des tissus cicatriciels. Au fur et à mesure, la personne affectée a de plus en plus de difficultés à respirer, sa capacité pulmonaire diminue et éventuellement elle suffoque, victime d'une maladie qu'on appelle « silicose ».

Même si le premier cas de silicose a été confirmé officiellement en 1952, nombreux étaient ceux qui soupçonnaient déjà l'existence de ce problème bien longtemps avant. En 1941, par exemple, le St. Lawrence Mine Workers' Protective Union (syndicat incorporé en 1937) a demandé à un tribunal, nommé par le gouvernement pour mettre fin à une grève, de faire passer aux mineurs un examen médical. Au cours des années cinquante, un certain Rennie Slaney résidant à St. Lawrence, commença à noter l'âge et l'historique de travail de ceux qui tombaient malades et en mouraient et il essaya de persuader diverses compagnies et organismes gouvernementaux d'agir. Les différents niveaux de gouvernement se renvoyaient la responsabilité administrative. Plusieurs mineurs, qui étaient soupçonnés d'être atteints de tuberculose, étaient traités pour cette maladie mais ils mouraient peu après. Rien n'était fait avant qu'il ne soit trop tard pour ceux qui étaient déjà décédés ou qui allaient tomber malade et mourir d'avoir été exposés pendant longtemps à la poussière.

Trois mineurs de St. Lawrence, vers 1965
Trois mineurs de St. Lawrence, vers 1965
À la longue, les maladies industrielles allaient leur coûter la vie.

Avec la permission de la ville de St. Lawrence, T.-N.-L.

Sensibilisation

De nombreux problèmes associés à la poussière furent éliminés en grande partie par les nouvelles technologies d'extraction ainsi que d'autres méthodes, ainsi que par la sensibilisation des travailleurs et surtout du syndicat. Cependant, au début des années soixante, la présence d'un nouvel ennemi encore plus mortel fut confirmée. On avait remarqué que les mineurs et les anciens mineurs souffraient d'un niveau très élevé de cancer, ce qui ne pouvait pas s'expliquer par l'exposition à la poussière ordinaire de silice. Une équipe d'experts nommés par le gouvernement fédéral a confirmé la présence de niveaux très élevés de radon dans plusieurs zones souterraines. Apparemment, le gaz était libéré pendant les opérations minières et il avait tendance à s'accumuler dans les zones de la mine qui n'étaient pas ventilées. On fit des efforts pour ventiler les mines afin d'éliminer les dangers de la poussière et du radon et on introduisit des mesures de surveillance de l'air ambiant. Encore une fois, il était trop tard pour certaines personnes.

Jeunes garçons en train de trier le minerai, vers 1960
Jeunes garçons en train de trier le minerai, vers 1960
Groupe de jeunes garçons qui trient le minerai à la mine Black Duck.

Avec la permission de la ville de St. Lawrence, T.-N.-L.

Il est difficile de dire exactement combien de mineurs sont morts parce qu'ils travaillaient dans les mines de St. Lawrence à cause du manque d'installations médicales, parce qu'on ne tenait pas de registre officiel avant les années cinquante et puisqu'il y avait aussi d'autres maladies telles que la tuberculose. Si on étudie les estimations officielles et non officielles, le chiffre serait entre deux cents et trois cents. De nos jours, même si le nombre de personnes affectées a diminué, il n'en reste pas moins que les anciens mineurs continuent à être malades et à mourir.

Manifestation, vers 1970
Manifestation, vers 1970
Remarquez l'homme qui porte le symbole du cancer.

Avec la permission de la ville de St. Lawrence, T.-N.-L.

Sécurité et compensation

En 1969, la commission royale nommée pour enquêter et faire des recommandations sur la situation à St. Lawrence a publié son rapport. Ce rapport documentait l'histoire des maladies industrielles dans la région et il y avait certaines recommandations-clés concernant la sécurité et la compensation. Parmi ces recommandations, il y en avait une qui appelait à faire la surveillance régulière de la qualité de l'air, sous la direction d'une équipe composée de représentants de la profession médicale, de la compagnie et du syndicat, au rythme d'une fois par 24 heures. Aller chercher une indemnisation pour maladie du travail ou une pension de veuve peut prendre beaucoup de temps et être quelquefois frustrant, et la somme reçue n'aide guère à combler la perte de tant de maris, pères, fils et frères. Les gens de St. Lawrence ont appris à leurs dépens que la prospérité apparente qui vient avec l'industrialisation a un coût très élevé. Les deux très vastes cimetières de la ville sont les témoins de cette réalité.

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