Les mines de fluorite de St. Lawrence: un bref historique

St. Lawrence est une ville située sur la côte sud-est de la péninsule de Burin. Jusqu'au début des années 1930, les gens de la région ont pu survivre principalement grâce à la pêche côtière et à l'agriculture à petite échelle ainsi qu'à d'autres activités traditionnelles. Un tsunami a dévasté la région en 1929 : 27 personnes ont péri et de nombreux habitants vivant le long de la côte ont perdu maisons, bateaux, chafauds, matériel et provisions. Cette grande catastrophe est venue s'ajouter aux épreuves vécues par la population à la suite de la Grande Dépression et de l'effondrement du marché du poisson salé.

L'est de la collectivité de St. Lawrence, vers 1937
L'est de la collectivité de St. Lawrence, vers 1937
St. Lawrence est situé sur la côte sud-est de la péninsule de Burin. On peut voir les églises catholique et anglicane à l'arrière-plan.
Avec la permission de la collectivité de St. Lawrence, T.-N.-L.

La création de la mine

En 1931, un entrepreneur américain du nom de Walter Seibert a donné un peu d'espoir aux gens de la place lorsqu'il est venu inspecter les gisements de fluorite (spathfluor) qu'il avait achetés d'un homme d'affaires de St. John's en 1929. La fluorite est un minerai non métallique qui, selon les proportions de ses composantes, est utilisé entre autres pour la production d'aluminium, de verre et de fréon (un gaz réfrigérant). Au moment de sa découverte, le gisement de St. Lawrence était considéré comme le plus vaste en Amérique du Nord. En 1933, les hommes de la région, stimulés par la promesse d'emplois stables et payants, ont accepté la difficile tâche d'extraire et d'expédier le minerai pour la compagnie de Seibert, la St. Lawrence Corporation of Newfoundland (souvent appelée tout simplement « la Corporation »).

Walter Seibert, vers 1937
Walter Seibert, vers 1937
Seibert, un homme d'affaires de New York, s'intéressait aux gisements de fluorite de St. Lawrence. Il a été le premier propriétaire de la St. Lawrence Fluorspar Mine. On le voit ici au premier plan.
Avec la permission de la collectivité de St. Lawrence, T.-N.-L.

Plusieurs gens de la région ont consenti à faire un travail éreintant et d'autres sacrifices, dont celui du travail non rémunéré, afin d'exploiter les mines. Les premières mines étaient un peu plus larges que de grandes tranchées et les travailleurs étaient exposés constamment aux conditions météorologiques défavorables. Il y avait peu ou pas d'équipement motorisé ni d'installations pour les travailleurs. À la fin des années 1930, des puits ont été creusés et le travail était dorénavant effectué sous terre. Au cours des décennies suivantes, les mines de St. Lawrence ont pris une telle expansion qu'elles sont devenues le site d'une des plus grandes exploitations du genre en Amérique du Nord.

Un mineur de St. Lawrence, vers 1970
Un mineur de St. Lawrence, vers 1970
Un mineur procédant au déblaiement du minerai de fluorite.
Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's, T.-N.-L.

En 1937, une deuxième entreprise, l'American Newfoundland Fluorspar Company, faisait affaire à St. Lawrence. En 1939, son propriétaire a profité de la conjoncture favorable des marchés ayant marqué le début de la guerre pour la vendre à la société Aluminum Company of Canada (ALCAN) qui, par la suite, a créé la filiale Newfoundland Fluorspar Company (Newfluor).

Le dynamisme de la région pendant la Deuxième Guerre mondiale

La région était dynamique et prospère pendant la Deuxième Guerre mondiale. La Corporation (qui expédiait le minerai vers une usine de transformation de Wilmington, au Delaware) et Newfluor (qui l'expédiait vers ses usines d'aluminium à Arvida, au Québec) en ont toutes deux profité pour développer leurs opérations. La population de la collectivité de St. Lawrence a augmenté de façon considérable à cause des nombreux travailleurs venus chercher un emploi dans les mines ou d'autres domaines tels que l'énergie hydroélectrique et les secteurs tertiaires en pleine croissance grâce au dynamisme économique de la région.

Opérations minières de la société ALCAN, vers 1977
Opérations minières de la société ALCAN, vers 1977
Travaux en surface à la mine de fluorite Director.
Photographie de Rick Rennie, ©2000.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, et pendant un peu plus d'une décennie, la collectivité et la région immédiate ont été transformées radicalement avec l'arrivée et l'expansion de cette nouvelle industrie. En dépit des fluctuations inhérentes à l'industrie minière, les années 1950 et 1960 ont été marquées par une croissance générale. Toutefois, au cours des années 1970, on a pu observer un ralentissement des opérations. La concurrence étrangère, notamment celle en provenance du Mexique et de l'Amérique du Sud, a entraîné la chute du prix du minerai et la société ALCAN a alors commencé à restreindre ses activités à St. Lawrence. Malgré les efforts du syndicat des mineurs, de la population générale, du conseil municipal et des autres parties concernées, la société ALCAN a cessé complètement ses opérations en 1978. Les puits ont été scellés, les bâtiments ont été rasés et une grande partie des preuves matérielles de l'histoire de cette collectivité minière ont été détruites.

La mine de fluorite de St. Lawrence, vers 1960
La mine de fluorite de St. Lawrence, vers 1960
Cette photographie montre le chevalement et le moulin de la mine de fluorite Director tels qu'ils étaient dans les années 1960. La mine est maintenant fermée.
Avec la permission du ministère des Mines et de l'Énergie, St. John's, T.-N.-L.

Après la fermeture

Depuis la fermeture des mines, de nombreuses personnes ont quitté St. Lawrence, et ce, souvent pour aller travailler dans d'autres collectivités minières de l'Amérique du Nord. Une usine moderne de transformation du poisson a été construite au début des années 1980 et d'autres activités économiques ont essayé tant bien que mal de se tailler une place pour soulager la population des épreuves découlant de la disparition de cette industrie phare de la région. Au milieu des années 1980, la Minworth Limited, une société installée au Royaume-Uni, a procédé à une reprise partielle des activités dans les mines en se contentant finalement d'y effectuer des opérations à court terme; cette société a été mise sous séquestre en 1991. En 1995, la société Burin Minerals Limited (BML) a acquis l'ancienne propriété Minworth du gouvernement provincial. BML a effectué des travaux préparatoires et d'exploration pour évaluer la possibilité de reprendre les opérations. En 2009, BML a été restructurée. Devenue une société cotée en bourse, elle est dorénavant commercialisée sous un nouveau nom, la société Canada Fluorspar Inc. (CFI). Un processus d'évaluation environnementale a été entamé en 2004 dans le but de reprendre l'exploitation minière. Il est à noter que la société CFI, dans le cadre du St. Lawrence Fluorspar Project, a affiché, à l'automne 2018, un bon nombre d'emploi à pourvoir dans l'industrie minière de la région.

Des constructions importantes rappelant l'héritage de cette collectivité minière existent toujours. Certaines installations sportives, notamment un immense centre de loisirs, un gymnase et un centre de curling, témoignent d'une époque autrefois plus prospère. Mentionnons également le musée des Mineurs de St. Lawrence, qui permet aux visiteurs de voir de nombreux artefacts, présentoirs et photos qui témoignent du passé illustre de la collectivité. Le souvenir le plus indélébile de cette époque est toutefois plus sombre. Il s'agit des nombreux décès liés à l'exploitation de la fluorite et des coûts à la fois physiques et sociaux associés aux ravages causés par une maladie professionnelle ayant affecté de nombreux mineurs.

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