L'environnement, le climat et l'économie au 19e siècle

L'environnement physique de Terre-Neuve et du Labrador a fortement influencé les modes de subsistance des colons au 19e siècle. La richesse des ressources de la mer a favorisé un modèle de colonisation côtière et placé la pêche de la morue et la chasse au phoque au centre des économies locales. En contraste, la relative rareté des sols fertiles et des autres ressources terrestres a rendu peu pratiques les exploitations agricoles à grande échelle et découragé l'habitation à l'année longue des terres de l'intérieur.

Le Lion's Den, Fogo, avant 1892
Le Lion's Den, Fogo, avant 1892
La richesse des ressources de la mer de Terre-Neuve et du Labrador a favorisé un modèle de colonisation côtière au 19e siècle.
Photographe : Robert Holloway. Reproduit avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137 13.12.008), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Le climat et les conditions du temps ont aussi déterminé les activités économiques et de subsistance. La longueur des hivers, les vents forts et un climat généralement rigoureux encourageaient les colons à délaisser leurs maisons côtières durant les mois froids pour hiverner dans des secteurs mieux abrités de l'intérieur. Au lieu de pêcher, les gens y passaient le gros du temps à récolter du bois de chauffage et à chasser du caribou et d'autres gibiers. L'été venu, avec le retour du doux temps et un climat humide, les familles pouvaient cueillir des baies sauvages et cultiver de petits potagers. Cependant, seules quelques espèces de légumes rustiques pouvaient supporter la courte saison de croissance et la terre ingrate.

Environnement naturel

Par environnement naturel, on entend toutes les caractéristiques vivantes et inorganiques d'une région (flore, faune, eau, minéraux et climat) qui se présentent naturellement au lieu d'avoir été aménagées ou introduites par les humains. À Terre-Neuve et Labrador, l'environnement naturel est caractérisé par trois écozones distinctes : la cordillère arctique dans le nord du Labrador, le bouclier de la taïga dans le centre et le sud du Labrador, et le bouclier boréal dans l'île de Terre-Neuve. Au cours du 19e siècle, la plupart des activités humaines ont eu lieu dans les deux boucliers, bien que les Inuit aient fréquenté à l'occasion certains secteurs du nord du Labrador.

Écozones terrestres de Terre-Neuve et Labrador
Écozones terrestres de Terre-Neuve et Labrador
L'environnement naturel de Terre-Neuve et Labrador est caractérisé par trois écozones distinctes : la cordillère arctique dans le nord du Labrador, le bouclier de la taïga dans le centre et le sud du Labrador, et le bouclier boréal dans l'île de Terre-Neuve.
Carte de Tina Riche © 2002, site Web du Patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador

La cordillère arctique est une chaîne de montagnes inhospitalière caractérisée par des hivers longs, secs et extrêmement froids. Le bouclier de la taïga et le bouclier boréal sont des régions plus accueillantes, aux températures un peu plus douces et aux précipitations plus abondantes; toutefois, le climat dans ces zones peut aussi se révéler rigoureux, avec de longs hivers froids et de courts étés pluvieux. Le territoire est rocheux en maints endroits, surtout au voisinage de la côte, et est semé d'innombrables marécages et forêts de conifères. Les sols sont souvent acides et présentent des carences en azote, en phosphore et en autres substances nutritives importantes pour les cultures.

Au 19e siècle, on trouvait à Terre-Neuve-et-Labrador divers mammifères terrestres et marins, notamment des ours, des lynx, des loups, des martres, des belettes, des renards, des caribous, des castors, des lièvres arctiques, des phoques et des baleines. La morue, le hareng, le saumon, la truite, le capelan et diverses autres espèces de poisson fréquentaient les eaux intérieures et côtières, tandis que des canards, des oies, des lagopèdes et d'autres espèces de gibier à plumes abondaient également. Il poussait aussi dans la colonie un large éventail de baies et de plantes comestibles, notamment des bleuets, des fraises, des plaquebières, des framboises, des airelles rouges, des pissenlits et du lédon du Groenland (thé du Labrador).

La population et l'environnement

L'économie de Terre-Neuve et du Labrador au 19e siècle était étroitement liée à leurs ressources naturelles. Les gens assuraient leur subsistance en pratiquant la pêche, en coupant leur bois de chauffage et de construction, en chassant les mammifères marins, le caribou, le lièvre et d'autres gibiers, en cultivant des légumes et en récoltant des plantes sauvages et des baies. Comme la plupart des ressources n'étaient disponibles qu'en des périodes limitées et qu'en certains endroits, la plupart des colons devaient doser leur temps et leurs efforts de façon stratégique; à cette fin, plusieurs avaient adopté un système de mobilité saisonnière, qui leur permettait d'exploiter ces ressources lorsqu'elles se présentaient ou étaient le plus nécessaires.

Chasseur de caribou non identifié, avant 1909
Chasseur de caribou non identifié, avant 1909
L'économie de Terre-Neuve et du Labrador au 19e siècle était étroitement liée à leurs ressources naturelles.
Tiré de A Hunter's Camp-Fires, d'Edward John House, Harper & Brothers, New York, 1909, p. 93.

Durant les périodes de doux temps du printemps, de l'été et du début de l'automne, les gens pouvaient habiter les régions côtières exposées, plus près des ressources de la mer qu'ils récoltaient. Cette pratique était facilitée par les cycles de vie de nombreuses espèces de poissons et de plantes, qui atteignaient leur maturité dans les mois d'été. Ainsi, la morue et le homard étaient l'un et l'autre pêchés du printemps à l'automne, tandis que le capelan venait rouler sur les plages en juin et en juillet. Diverses baies mûrissaient aussi durant l'été et l'automne : les fraises à la fin de juin et au début de juillet, les framboises en juillet, les plaquebières à la fin de juillet et au début d'août, les bleuets en août et les airelles rouges en septembre. En outre, les mois plus chauds permettaient aux familles de cultiver des potagers près de leur maison côtière; dans ces parcelles relativement petites, la plupart plantaient des pommes de terre, des choux, des carottes, des navets, des panais, des oignons, des betteraves et d'autres légumes à la fois faciles à conserver et assez rustiques pour supporter le climat plus frais et les sols ingrats.

L'automne et l'hiver réduisaient les ressources des régions côtières, et les exposaient à des temps plus rigoureux. Une fois les saisons de culture et de pêche terminées, les vents forts, les tempêtes de neige et le climat glacial rendaient les maisons difficiles à chauffer. Pour compenser, nombre de familles déménageaient à l'intérieur des terres ou dans une baie abritée pour y profiter d'un climat plus doux et de ressources plus variées. La majorité s'installaient dans la forêt ou à proximité, afin d'y récolter du bois de chauffage et du bois d'œuvre pour construire et réparer bateaux, maisons, meubles et autres structures. En hiver, ils pouvaient y chasser diverses espèces de petit et gros gibier, notamment le lièvre arctique et le caribou; certains colons piégeaient aussi des animaux à fourrure pour les utiliser à leurs fins ou les vendre à des compagnies.

Les résidents du sud du Labrador et du nord-est de Terre-Neuve pouvaient chasser le phoque durant l'hiver et au début du printemps, lorsque les glaces de l'Arctique avaient envahi les eaux côtières. Comme les phoques du Groenland migraient vers le sud pour une ou deux semaines en décembre et au début de janvier, pour ensuite remonter vers le nord en février et en mars, les gens de ces régions les capturaient dans des filets attachés à la rive, une activité lucrative qu'on allait appeler chasse côtière du phoque (landsmen seal fishery).

Au 19e siècle, nombre de Terre-Neuviens et de Labradoriens participaient aussi à la campagne printanière de chasse aux phoques; tous les ans, des flottilles de phoquiers mettaient le cap sur le golfe du Saint-Laurent ou la banquise de la côte nord-est de Terre-Neuve pour y prendre part. La campagne débutait d'ordinaire au début de mars, avant que les blanchons ne soient en âge de quitter la glace, et s'achevait à la fin d'avril ou au début de mai, au moment des préparatifs pour la pêche de la morue, départ d'un autre cycle d'activités économiques et de subsistance.

Bien que ce cycle d'activités saisonnières, mené dans des conditions idéales, ait pu en se complétant suffire à faire vivre tout au long de l'année les ménages de Terre-Neuve et du Labrador, tel n'était pas toujours le cas. Certaines familles ne trouvaient pas pratique ou désirable de se livrer à toutes les activités saisonnières ou de migrer de la côte vers l'intérieur pour y passer l'automne et l'hiver. Les pêcheurs étaient moins susceptibles de déménager dans les terres quand la pêche avait été prospère et qu'ils avaient reçu plus de crédit pour s'approvisionner au magasin du marchand. Les résidents de St. John's et d'autres grands centres migraient rarement vers l'intérieur et étaient moins susceptibles que leurs concitoyens ruraux de tenir des potagers ou de chasser du gibier, essentiellement parce qu'ils possédaient moins de terres et avaient accès à des magasins et à d'autres commodités.

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