Le sud-ouest de l'Angleterre

Amorcées au 16e siècle, les expéditions de pêche migratoire (saisonnière) de l'Angleterre vers Terre-Neuve se sont poursuivies pendant près de 400 ans. Elles se sont échelonnées sur de nombreuses générations et des milliers de personnes y ont participé. À l'époque élisabéthaine, non seulement le poisson de Terre-Neuve est-il fort prisé, c'est une véritable ressource nationale. Ces expéditions de pêche servent également d'activité préparatoire à la navigation pour les hommes et les garçons. Dans tout le sud-ouest de l'Angleterre, la pêche à la morue outre-Atlantique devient une véritable industrie. La traversée vers Terre-Neuve s'érige en solide tradition culturelle. La majorité des activités associées à la pêche migratoire se concentre surtout autour des ports d'où partent les bateaux et où se situent les quartiers généraux des marchands. Les pêcheurs et les travailleurs qui, chaque année, font le trajet vers Terre-Neuve, proviennent des villages avoisinants et des villes-marchés éloignées. Les bateaux de pêche sont souvent appelés « bateaux de Terre-Neuve » [Newfoundlanders], et l'équipage et les travailleurs, « gens ou hommes de Terre-Neuve ». Ces pêcheurs et ces travailleurs saisonniers forment donc, aux yeux de la population, une classe à part. Nombre d'entre eux apprennent le métier très jeunes. Ils sont recrutés parmi les enfants démunis, ou ce sont de jeunes apprentis sous la tutelle de leur père ou d'un parent plus âgé. Plusieurs abordent d'abord le métier comme serviteurs à forfait, travailleurs avec quote-part ou salariés pendant un été, deux étés et un hiver, ou plus longtemps encore. La plupart sont des aventuriers qui se consacrent pendant de brefs intervalles à la pêche à la morue. Pour d'autres toutefois, c'est un emploi à vie.

La pêche

La pêche est l'un des métiers les plus dangereux et ardus qui soit. La pêche migratoire outremer est exigeante et risquée. Au printemps, près des côtes de Terre-Neuve, les pêcheurs doivent aussi affronter les glaces qui flottent à la surface des eaux. Ils mettent leur vie en danger à l'aller et au retour à bord de petits bateaux à voile en bois. Malgré tout, la pêche constitue pour bon nombre une escapade de courte durée et la possibilité d'un salaire intéressant.

Les retombées socio-économiques des activités de pêche à Terre-Neuve se répercutent dans l'ensemble du sud-ouest de l'Angleterre, principalement dans le sud du Devon et le Wessex, d'importantes sources de travailleurs. La pêche migratoire participe au développement de l'économie des régions. Elle concourt ainsi à l'essor de multiples collectivités en offrant à de nombreuses familles la capacité de toucher un bon revenu et de s'enrichir. Elle donne un élan à divers métiers et commerces des villes et villages avoisinants. Pour les ports de Plymouth, Dartmouth, Teignmouth, Topsham, Weymouth et Poole notamment, la pêche migratoire occupe, à divers degrés et plus que toute autre activité, une place prépondérante.

Le port de Teignmouth, Angleterre, s.d.
Le port de Teignmouth, Angleterre, s.d.
Les ports comme celui de Teignmouth comptaient sur la pêche à Terre-Neuve plus que sur toute autre activité.
Tiré de Devonshire: Historical and Pictorial, J. Sydney Curtis, Topographical Publishing Company, Southampton, 189-, p. 45.

L'immigration

À partir du milieu du 18e siècle, la population de Dartmouth, Teignmouth et Poole se compose surtout de marchands, d'armateurs, de capitaines de bateaux, de marins, de gens de métiers, de pêcheurs et leurs familles, tous étroitement associés à la pêche à la morue de Terre-Neuve. C'est également le cas pour la majorité des habitants de villages comme Shaldon, près de Teignmouth, et Kingswear, près de Dartmouth. La ville-marché de Newton Abbot, située dans le sud du Devon, constitue un important centre de recrutement de main-d'œuvre pour les ports de Teignmouth et Dartmouth. Ses habitants vivent aussi de la pêche outremer. En 1809, un visiteur de Newton Abbot note que « Seize capitaines de navires qui font voile vers Terre-Neuve... résident ici avec leur famille... » et « qu'à la saison d'embauche, 1200 marins y viennent s'engager. » Il ne fait pas de doute que les localités avoisinantes en fournissent la majorité, car la ville elle-même compte seulement 2500 habitants. Parfois, le nombre de personnes à bord des bateaux appareillant du port de Poole équivaut presque à celui de sa population. Environ 70 p. 100 des travailleurs de la pêche vivent dans les villes et les villages ruraux du Wessex. Les collectivités de Christchurch, Ringwood et Fordingbridge dans le comté du Hampshire, ainsi que celles de Wimborne Minster, Sturminster Newton et Bridport dans le comté de Dorset comprennent d'importantes communautés axées sur les activités de pêche à Terre-Neuve. Au printemps, les hommes et les jeunes gens affluent vers Poole pour embarquer comme marins, gens de métiers, pêcheurs ou serviteurs. La plupart reviennent à l'automne. Certains retardent leur retour et d'autres s'installent de façon permanente à Terre-Neuve.

Kingswear près de Dartmouth, s.d.
Kingswear près de Dartmouth, s.d.
Les habitants de villages, comme Kingswear près de Dartmouth, comptent presque exclusivement sur les revenus de la pêche à Terre-Neuve.
Tiré de Devonshire: Historical and Pictorial, J. Sydney Curtis, Topographical Publishing Company, Southampton, 189-, p. 97.

De 80 à 85 p. 100 des immigrants anglais de Terre-Neuve sont originaires du sud et du sud-ouest de l'Angleterre. Environ la moitié d'entre eux viennent de divers comtés du Wessex (30 p. 100 du Dorset, 8 p. 100 du Somerset et 9 p. 100 du Hampshire). La contribution du Devonshire s'élève à 35 p. 100, celle de Bristol, Londres et Liverpool, entre 2 p. 100 et 3 p. 100. Un faible pourcentage provient d'autres régions.

Les immigrants natifs du sud-ouest et du Wessex se divisent plus ou moins en trois grands groupes. Le premier est issu des villes portuaires de Poole, Dartmouth, Teignmouth, Plymouth, Topsham, et Bristol; le deuxième est issu des villes-marchés de Newton Abbot, Ashburton, Totnes et Exeter dans le Devonshire, de Wimborne Minster, Blandford Forum, Bridport, Sturminster Newton, Shaftesbury et Sherborne dans le Dorsetshire, de Yeovil, Crewkerne et Wincanton dans le Somerset, et enfin de Ringwood et Christchurch dans le Hampshire. Finalement, le troisième groupe a sa source dans les petites collectivités rurales. Ces localités, à l'intérieur des terres, font partie du réseau de recrutement des ports pour la pêche à Terre-Neuve.

Environ un tiers des immigrants sont les descendants des familles de marins et de pêcheurs liés à Terre-Neuve. D'autres sont des artisans et des apprentis. Quelques-uns sont de petits agriculteurs. La plupart sont de simples ouvriers peu qualifiés. Nombreux sont ceux qui sont pauvres, sous employés ou sans emploi. Ils migrent à Terre-Neuve en espérant un meilleur gagne-pain. La plupart des immigrants ont généralement entre 15 et 25 ans, quoique plus de 15 p. 100 sont plus jeunes.

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