Types de peuplements écossais

Les activités commerciales et agricoles ont influencé les types de peuplements des immigrants écossais à Terre-Neuve et au Labrador au cours du 19e siècle. Des Lowlanders (habitants des Basses Terres d'Écosse) sont arrivés en masse sur la côte est de l'île au début des années 1800 dans l'espoir de profiter des nouvelles occasions offertes dans le domaine des échanges et du commerce grâce à l'essor de la pêche locale pratiquée par les résidants de la colonie. Ces immigrants étaient essentiellement des marchands et des hommes d'affaires ayant choisi de s'installer à St. John's et dans d'autres quartiers commerciaux de la péninsule d'Avalon qui étaient en mesure d'assurer la rentabilité des entreprises marchandes, des magasins et des autres établissements commerciaux.

Water Street, St. John's, 1837
Water Street, St. John's, 1837
La plupart des Lowlanders écossais souhaitaient tirer profit de l'essor économique et démographique de Terre-Neuve et du Labrador ainsi que des occasions d'affaires qui en découlaient.
Dessin de William Gosse. Tiré de A History of Newfoundland, de D. W. Prowse, Londres, Macmillan, 1895, p. 445.

La migration des Highlanders (habitants des Hautes Terres d'Écosse), qui a commencé au début des années 1840 pour prendre fin dans les années 1860 dans la région sud-ouest de Terre-Neuve et du Labrador, était d'un type très différent. Contrairement à leurs compatriotes des Lowlands, ces hommes et ces femmes étaient des agriculteurs venus s'établir sur des terres arables de la baie Saint-Georges et de la vallée de Codroy. La plupart ne sont pas arrivés directement d'Écosse mais plutôt du Cap-Breton, une île qui avait accueilli des milliers de Highlanders à la fin du 18e et au début du 19e siècle.

Les migrations des Lowlanders

Le début du 19e siècle a été marqué par une grande prospérité économique à Terre-Neuve et au Labrador. La colonie a acquis le monopole virtuel sur le commerce international du poisson salé séché au cours des guerres napoléoniennes (1803-1815) et sa croissance économique rapide a attiré des immigrants d'outre-mer. La plupart des nouveaux colons étaient des travailleurs de la pêche, originaires de l'Angleterre et de l'Irlande, mais un nombre plus restreint de migrants sont aussi arrivés des Lowlands écossais. Contrairement aux autres immigrants du Royaume-Uni, peu de migrants écossais étaient pêcheurs. La plupart étaient des marchands, agents de commerce, hommes d'affaires et artisans qui souhaitaient tirer profit de l'essor économique et démographique de la colonie ainsi que des occasions d'affaires qui en découlaient.

Jusque dans les années 1840, presque tous les immigrants écossais arrivaient des Lowlands et la plupart d'entre eux venaient des villes portuaires de Greenock et de Glasgow. Les entreprises marchandes de ces deux ports avaient l'habitude de faire commerce avec Terre-Neuve et le Labrador depuis les années 1770, à l'époque où la révolution américaine avait forcé l'interruption des liens commerciaux avec les colonies américaines. Entre 1781 et 1791, environ 74 navires ont quitté Greenock pour se rendre à l'île de Terre-Neuve afin de troquer des provisions et du matériel contre du poisson salé et d'autres types de marchandises.

Patrick Tasker, 1839
Patrick Tasker, 1839
Patrick Tasker est l'un des nombreux Lowlanders écossais venus s'installer sur l'île de Terre-Neuve au 19e siècle. Né à Greenock, en Écosse en 1823, il est arrivé à St. John's en 1842 afin de travailler pour l'entreprise marchande Hunters and Company.
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF-313), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Au début des années 1800, alors que l'industrie de la pêche migratoire de Terre-Neuve et du Labrador cédait la place à une industrie locale de pêche insulaire, les marchands des Lowlands avaient avantage à construire des bâtiments sur l'île. Le fait que St. John's soit parvenue à s'imposer comme centre des échanges et du commerce de la colonie a incité la plupart des marchands écossais à s'installer à cet endroit ou encore dans les principaux ports secondaires de la côte est. Puisque les migrants écossais travaillaient dans le monde des affaires et du commerce, ils n'avaient aucune raison d'aller vivre dans les régions rurales et non commerciales de Terre-Neuve et du Labrador. Le recensement de 1857 indique que parmi les 416 immigrants nés en Écosse vivant à Terre-Neuve et au Labrador, 316 étaient installés à St. John's, 50 dans la baie de la Conception (dont 40 à Harbour Grace) et 50 autres dans la baie de Bonavista, la baie Trinity et d'autres parties de l'île.

La plupart des entreprises marchandes écossaises s'étaient installées à St. John's : Baine, Johnston and Company, Walter Grieve and Company, Stuart and Rennie, Robert Hutton, Crawford and Company ainsi que Hunter and Company, entre autres. D'autres marchands écossais préféraient desservir les collectivités des ports secondaires : John Munn and Company avait des bâtiments à Harbour Grace, William Alexander à Bonavista, et Archibald Graham à Trinity. Même si les entreprises écossaises étaient moins nombreuses que celles de leurs concurrents anglais à Terre-Neuve et au Labrador, elles figuraient pourtant parmi les plus florissantes de l'île et leurs propriétés avaient souvent une valeur plus élevée.

Les migrations des Highlanders

Pendant que les Lowlanders écossais s'installaient sur les côtes orientales de l'île de Terre-Neuve au cours des premières décennies du 19e siècle, les Highlanders sont arrivés en masse sur la côte sud-ouest de l'île entre 1840 et 1860. Ces migrants n'arrivaient pas d'Écosse mais plutôt de l'île du Cap-Breton où ils avaient d'abord migré (ou leurs parents et grands-parents avant eux). Le déplacement des Écossais de l'île du Cap-Breton vers l'île de Terre-Neuve était une migration secondaire puisque certains migrants avaient vécu au Cap-Breton pendant des années, voire des décennies, avant de quitter l'île, tandis que d'autres nés là-bas ont déménagé à Terre-Neuve à l'âge adulte.

Contrairement aux Lowlanders, qui travaillaient principalement dans le monde du commerce et des échanges, les migrants des Highlands étaient pour la plupart des travailleurs agricoles à la recherche de terres arables – une ressource rare en Écosse aux 18e et 19e siècles. Plusieurs familles croyaient qu'en s'établissant dans le Nouveau Monde elles pourraient acquérir une bonne terre sans trop de difficulté. Entre 1770 et 1850, des milliers de Highlanders sont arrivés sur l'île du Cap-Breton et la plupart se sont établis dans le comté d'Inverness, sur la côte ouest de l'île. Ces migrants venaient de différentes régions des Highlands, en Écosse, mais la plupart étaient de Moidart, de Morar et de l'île de Canna sur la côte occidentale de l'Écosse.

Dans les années 1840, les terres de l'île du Cap-Breton étant de plus en plus rares, des Écossais ont entrepris de traverser le détroit de Cabot pour se rendre sur la côte sud-ouest de l'île de Terre-Neuve. La plupart se sont installés dans la baie Saint-Georges et la vallée de Codroy, car on y trouvait des terres disponibles de qualité semblable à celles de l'île du Cap-Breton. Ces migrants voyageaient en grands groupes unis par des liens familiaux plutôt que de façon individuelle ou en familles conjugales, ce qui leur procurait une forme de sécurité économique et sociale en cette période de changement et d'incertitude.

Tomkins, vallée de Codroy, avant 1936
Tomkins, vallée de Codroy, avant 1936
Des Highlanders écossais vivant sur l'île du Cap-Breton ont migré vers la côte ouest de l'île de Terre-Neuve au milieu du 19e siècle.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137 17.03.001), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Bien que la nature imprécise des données de recensement permette difficilement d'évaluer avec précision le nombre de Highlanders ayant migré dans la région sud-ouest de l'île de Terre-Neuve, l'historienne Rosemary Ommer a déduit, après avoir consulté des registres paroissiaux et des témoignages verbaux, qu'au moins 51 « déplacements » écossais ont eu lieu entre l'île du Cap-Breton et Terre-Neuve entre 1840 et 1860 – un « déplacement » comportait au moins une famille conjugale, mais plusieurs déplacements comprenaient aussi des groupes familiaux élargis (Ommer 1977). Ommer a également conclu que parmi les quelque 171 familles établies dans la vallée de Codroy dans les années 1880, 67 d'entre elles (38 p. 100) étaient d'origine écossaise (Ommer [Thèse] 1973).

Les Écossais au Labrador

La grande majorité des migrants écossais à Terre-Neuve et au Labrador se sont installés sur les côtes est et sud-ouest de l'île, mais quelques-uns ont toutefois choisi de s'établir dans d'autres régions. Certains Écossais ont migré au Labrador au 19e siècle afin de travailler pour la Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC). L'un des plus célèbres d'entre eux, Sir Donald Smith, est devenu négociant en chef de la HBC au Labrador en 1852 et a établi le siège social de l'entreprise à North West River. Smith a vécu au Labrador pendant 21 ans avant de recevoir le titre de Lord Strathcona, en 1897.

Un autre Écossais, le Highlander John MacLean, a exploré l'intérieur du Labrador en tentant de développer le commerce de la fourrure pour le compte de la HBC dans la région. En 1838, il est devenu le premier homme blanc à voyager par voie terrestre entre la baie d'Ungava et l'inlet Hamilton et, l'année suivante, il est devenu le premier homme blanc à visiter Grand Falls (aujourd'hui connu sous le nom de Churchill Falls).

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