Les milieux bâtis

En arrivant dans un petit port secondaire de Terre-Neuve au milieu du 19e siècle, un visiteur aurait été saisi par plusieurs éléments du paysage culturel aujourd'hui disparus ou transformés, sauf dans de rares collectivités. Le visiteur serait arrivé par la mer, car les routes étaient alors peu nombreuses, et il aurait aperçu au bord de l'eau de nombreux quais s'étendant depuis le rivage. Au bout de la plupart de ces quais, il aurait vu un chafaud (un entrepôt de plain-pied utilisé pour vider et parer le poisson avant de le saler et de le mettre à sécher). Au bout du quai, du côté terre, ce visiteur aurait peut-être vu d'autres cabanes servant à divers types d'entreposage et à certaines tâches liées à la pêche.

Chafauds aménagés dans un village de pêcheurs, s.d.
Chafauds aménagés dans un village de pêcheurs, s.d.
Un chafaud est un entrepôt de plain-pied qu'on utilisait pour vider et parer le poisson avant le séchage.
Photographie de Holloway. Tirée de The Story of Newfoundland, de J.A. Cochrane, Montréal, Ginn and Company, 1938, p. 102.

Bâtiments résidentiels et commerciaux

Plus loin du rivage, face à la mer, il y avait des maisons. Les plus anciennes et celles appartenant aux pêcheurs moins prospères étaient de petites constructions de plain-pied dotées d'un toit à pignon. Dans les années 1850 cependant, la plupart des maisons des petits villages isolés avaient deux étages ou deux étages et demi avec une entrée centrale. Dans les habitations plus grandes, il y avait quatre pièces au rez-de-chaussée et les deux plus petites pièces étaient dotées d'un appentis à l'arrière. Les maisons, les jardins et toutes les propriétés étaient entourés de différents types de clôtures pour protéger les arbres et les potagers des chèvres et du bétail en liberté. De nos jours, dans un petit nombre de collectivités, on trouve encore ici et là quelques-unes de ces maisons dotées d'une toiture à pignon. Même les constructions qui les ont remplacées, c'est-à-dire les maisons à toit en mansarde ou à toiture à faible pente, ont été détrônées par des bungalows de différents styles fort prisés depuis l'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération.

Si le village était assez gros, il arrivait qu'un marchand local décide de s'établir au bord de l'eau. Ses installations comprenaient un magasin de détail où l'on trouvait probablement un bureau, des entrepôts pour le poisson salé séché, des corderies et, parfois, une tonnellerie et une forge. Les toits de ces bâtiments n'avaient pas tous la même forme. Il pouvait s'agir d'un toit à pignon, comme pour la plupart des bâtiments du village, ou d'un toit mansardé comportant deux pentes, au lieu d'une seule, de chaque côté. La pente du terrasson (la partie supérieure près du sommet du toit) était moins inclinée que celle du brisis (la partie inférieure près des corniches). Ce genre de toit permettait d'avoir un plus grand dégagement à l'étage supérieur, un atout très pratique pour l'entreposage.

On trouvait dans tout le village une multitude de vigneaux (appelés aussi étendoirs). Ces plateformes composées de lattes en bois souple montées sur pilotis servaient à étendre la morue éviscérée pour la faire sécher. Ces vigneaux étaient disséminés partout sur le rivage, entre les maisons et tout autour. Fréquemment des sentiers couraient sous les vigneaux surélevés. Le vigneau est probablement l'objet le plus reconnu du milieu bâti de Terre-Neuve et il est typique de l'endroit.

Vigneaux, s.d.
Vigneaux, s.d.
On utilisait les vigneaux pour faire sécher le poisson.
Photographie tirée de The Story of Newfoundland, de J.A. Cochrane, Montréal, Ginn and Company, 1938, p. 99.

Églises et loges de fraternité

L'église était souvent érigée loin de ces bâtiments domestiques et commerciaux. Au milieu du 19e siècle, les églises anglicanes, caractérisées jusque-là par leur style plutôt simple, ont fini par épouser le style néo-gothique. On les a alors dotées d'un toit fortement incliné et parées d'ornements gothiques, notamment d'ouvertures en arc brisé aux portes et aux fenêtres. La plupart comportaient des tours, mais celles-ci n'étaient pas toujours construites pendant la première phase des travaux. Si le pasteur en fonction était un grand adepte du style gothique, la tour pouvait être érigée dans le mur pignon. Les églises catholiques étaient d'architecture gothique ou classique, mais le style classique a prévalu au fil du temps. L'architecture des églises dissidentes (méthodistes, congrégationalistes et presbytériennes) était plutôt éclectique, mais au milieu du siècle c'est le style néo-gothique alors en vogue qui avait la faveur populaire. Sur la côte du Labrador, les Frères moraves construisaient leurs églises en respectant les règles de leur architecture caractéristique.

Près de l'église, on trouvait parfois des loges de fraternité soutenues par la collectivité : il s'agissait la plupart du temps de loges de l'Ordre d'Orange et de la Society of United Fishermen (S.U.F.). Ces larges bâtiments, semblables aux magasins des marchands, étaient dotés eux aussi d'un toit à pignon ou à mansarde. Les loges de la S.U.F sont facilement reconnaissables à leur symbole triangulaire, une forme parfois aussi utilisée pour la construction des fenêtres.

À St. John's et dans les principaux ports, la diversité des bâtiments était plus grande que dans les ports secondaires. Pour répondre aux besoins de la population en plein essor et du commerce florissant, on a construit d'autres bâtiments commerciaux et institutionnels, notamment des banques, des palais de justice, des écoles et des salles paroissiales. Plus tard au cours du 19e siècle, un immeuble gouvernemental destiné à des fonctions multiples fut bâti dans les agglomérations les plus importantes afin de regrouper le bureau télégraphique, le bureau de poste et le tribunal. Les principaux centres (St. John's, Harbour Grace, Carbonear) se démarquaient grâce aux divers types de bâtiments érigés et aux matériaux utilisés. Dans ces centres urbains, plusieurs bâtiments étaient construits en pierre ou en brique à la demande des compagnies d'assurance préoccupées par les nombreux incendies qui occasionnaient des coûts importants.

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