L'Église congrégationaliste de Terre-Neuve

Le congrégationalisme s'enracine dans la même doctrine calviniste que le presbytérianisme, mais ces deux Églises ne partagent pas la même politique ecclésiastique. Les congrégationalistes croient que chaque congrégation doit avoir le droit d'énoncer ses propres articles de foi et de choisir son système de gouvernance de façon autonome et indépendante. Le congrégationalisme a été introduit en Amérique du Nord par les Pères pèlerins. Au 17e siècle, les pasteurs congrégationalistes qui partaient de la Nouvelle-Angleterre pour retourner en Angleterre séjournaient à Terre-Neuve pendant de courtes périodes. À la suite de la Restauration des Stuart en 1660, le qualificatif « dissidents » a été appliqué aux presbytériens, baptistes et congrégationalistes qui refusaient de donner leur assentiment à la doctrine du Livre de la prière commune de l'Église anglicane.

Les origines

L'Église congrégationaliste de St. John's a été fondée en 1775 lorsque John Jones, un bombardier du Régiment royal d'artillerie, est retourné à St. John's avec son régiment. Né à Herefordshire, à la frontière de l'Angleterre et du pays de Galles, John Jones a mené une vie désordonnée jusqu'à sa première affectation à St. John's, de 1765 à 1773, au cours de laquelle il a eu une expérience spirituelle en voyant mourir de ses blessures un soldat qui avait blasphémé. En 1775, à 38 ans, il avait droit à une chambre individuelle dans sa caserne puisqu'il cumulait les fonctions de sergent-major, quartier-maître, payeur et commis. C'est là qu'il a commencé à organiser des assemblées religieuses auxquelles participaient six autres personnes. Ensemble, ils rédigeaient des articles pour stimuler leur foi et tenaient des réunions au palais de justice les mercredi et dimanche soir. Se voyant un jour interdire le droit d'utiliser ces locaux, cette « petite société » a alors décidé de tenir ses réunions dans les landes environnantes.

John Jones, s.d.
John Jones, s.d.
L'église congrégationaliste de St. John's a été fondée en 1775 par John Jones. En 1779, il est devenu son premier pasteur.
Dessin tiré du Evangelical Magazine, Toronto, 1800.

Une petite maison de réunion a été construite au printemps 1776 pour répondre à l'augmentation du nombre d'adhérents. (Un des nouveaux membres était Nathan Parker de Malden, Massachusetts.) Le gouverneur Montagu a menacé d'envoyer Jones à Plaisance (Placentia) et de démolir la maison de réunion, mais il a dû reconnaître que le bail foncier était valide. On ignore l'emplacement exact de cette maison, mais elle avait probablement été érigée sur le terrain de l'armée, près de Forest Road.

En 1778, John Jones est retourné en Angleterre avec son régiment. À la demande de sa congrégation, il a démissionné du Régiment royal d'artillerie et a été ordonné pasteur par un consistoire de pasteurs dissidents à Plymouth. Il est retourné à St. John's en 1779 en tant que premier pasteur de la Dissenting Church of Christ (l'Église dissidente du Christ), la deuxième congrégation créée à St. John's.

Un succès grandissant

Le pasteur anglican Edward Langman et le gouverneur Edwards se sont tous deux opposés à ce nouveau pasteur, mais grâce à une pétition appuyée par le colonel Pringle, ingénieur en chef, et d'éminents marchands, le sacrement du Repas du Seigneur a été célébré dans la maison de réunion en octobre 1780 et John Jones a reçu sa licence de pasteur dissident en 1781. En 1784, quand le gouverneur Campbell accorda la « liberté de conscience » à tous les habitants de l'île au nom du roi, l'Église dissidente de Plymouth a fait parvenir un petit calice d'argent gravé à l'Église dissidente de St. John's. Le nombre grandissant de membres, l'établissement d'une école pour les enfants pauvres et d'une école privée (où Jones a enseigné jusque dans les dernières années de sa vie), de même que le soutien de ses camarades de l'Angleterre ont entraîné la construction d'une deuxième maison de réunion (sur le site actuel du LSPU Hall de Victoria Street) en 1789. Une grande partie de l'argent a été récoltée en Angleterre. John Jones a consigné les noms de plusieurs souscripteurs dans son journal personnel, qu'il a commencé à écrire en 1781. Sa correspondance avec l'évêque catholique O'Donel, qui figure aussi dans ce journal, révèle qu'ils entretenaient des rapports cordiaux. Jones prêchait régulièrement dans le quartier de Quidi Vidi et il célébrait des offices à Portugal Cove et à Torbay. Il est mort le 1er mars 1800, quelques mois seulement après avoir subi une attaque ayant mené à la paralysie.

Des pasteurs congrégationalistes (ou indépendants) de l'Angleterre ont continué de desservir la congrégation, mais la plupart d'entre eux ne sont restés que quelques années. Pendant le ministère du révérend W. J. Hyde, de 1813 à 1816, une société missionnaire a été créée ainsi que des succursales à Carbonear, Brigus, Port de Grave, Grates Cove et Twillingate. À la suite du départ de certains membres importants de l'Église vers les États-Unis après l'incendie de 1817 (dont Nathan Parker et le révérend James Sabine), la maison de réunion a été privée de pasteur pendant deux ans et la congrégation a perdu peu à peu de sa vigueur.

Une ère de renouveau

Le ministère du révérend D.S. Ward (1824-1843) a marqué une ère de renouveau. La chapelle (c'est ainsi qu'on appelait maintenant la maison de réunion) a été réparée et, en 1833, des mariages ont pu être célébrés légalement. Le premier mariage a été celui de Thomas B. Job et Jessie Carson, fille cadette du Dr William Carson. Le révérend Ward regrettait que Petty Harbour, Portugal Cove et Torbay soient « tombés entre les mains » d'autres confessions religieuses, mais en 1834 on l'a chargé de faire construire à Quidi Vidi une église et une salle de classe qu'il allait devoir partager, dans un esprit œcuménique, avec les anglicans et les wesleyens. Cette entente a duré jusqu'en 1842 avec la reprise de la propriété par les anglicans et la construction d'une nouvelle église appelée Christ Church.

Ward a recueilli la somme de 1200 livres en Angleterre pour construire une nouvelle chapelle. Comme il est mort en 1841, la congrégation a dû attendre l'arrivée du révérend George Schofield (en poste de 1849 à 1857) pour s'installer enfin dans la chapelle en pierre de Queen's Road. En 1851, c'est l'honorable Joseph Noad, président de la commission de la construction, qui a présenté la truelle à Thomas Bulley Job, membre de la Chambre d'assemblée, lors de la cérémonie de pose de la première pierre. Le révérend Charles Pedley a quant à lui écrit History of Newfoundland (1863) pendant son ministère, entre 1857 à 1864. Cet ouvrage a été publié en 1863.

La chapelle en pierre à St. John's, T.-N.-L., 1858
La chapelle en pierre à St. John's, T.-N.-L., 1858
L'établissement de la congrégation dans la chapelle en pierre de Queen's Road a eu lieu au milieu des années 1800 pendant le ministère du révérend George Schofield.
Dessin original de W.R. Best. Tiré de Newfoundland: a Pictorial Record, de Charles de Volpi, Sherbrooke, Québec, Longman Canada Limited, ©1972, p. 75.

L'œuvre de la Mission intérieure congrégationaliste

En 1870, avec l'aide du révérend Thomas Hall, un Irlandais enthousiaste, l'Église congrégationaliste a créé une Œuvre de la mission intérieure. Des missions ont été fondées à Smith's Sound et à l'île Random dans la baie Trinity (1871), à Belleoram, Pool's Cove et Little Bay East dans la baie Fortune (1875) et à Twillingate (1877). (Auparavant, en 1799, le révérend John Hillyard avait réagi à une pétition de dissidents de Twillingate en établissant une mission ainsi qu'une école de jour et une école du soir dans cette localité.) Dans les années 1880, la mission établie par les congrégationalistes canadiens à Bonne-Espérance, au Labrador, a été placée sous la juridiction de l'Œuvre de la mission intérieure. Une école de formation a été créée à St. John's en 1874 pour former des enseignants destinés à travailler dans les missions. En 1877, on comptait deux conseils scolaires congrégationalistes. En 1904, le révérend Hugh J.A. MacDermott est arrivé à Pool's Cove. De nouvelles églises ont été établies à Belleoram en 1906, à Little Bay East en 1909 et à Pool's Cove en 1917.

En 1892, quatre missions et trois missionnaires bénéficiaient du soutien de la congrégation de Queen's Road. Mais le soir du 8 juillet, seuls les murs de la chapelle en pierre sont restés debout après qu'elle eut été détruite par l'incendie qui a ravagé la plus grande partie de la ville. La deuxième maison de réunion de Victoria Street, connue ultérieurement sous le nom de Temperance Hall, a aussi été détruite par les flammes. Le journal de John Jones, les actes de baptême et autres registres et documents ont toutefois été épargnés, car ils étaient conservés à l'école de formation de Monkstown Road. Les activités de financement organisées en Angleterre, aux États-Unis et au Canada grâce au révérend Ward Siddall ont aidé la congrégation à reconstruire ses immeubles. La consécration de l'église congrégationaliste de Queen's Road a eu lieu le 15 septembre 1895. En 1902, le feu directionnel destiné à guider les bateaux dans l'étroit canal des Narrows, à l'entrée du port de St. John's, a été installé sur la flèche de cette église (qui sera convertie plusieurs années plus tard en condominiums).

L'église congrégationaliste de Queen's Road, St. John's, T.-N.-L., vers 1900
L'église congrégationaliste de Queen's Road, St. John's, T.-N.-L., vers 1900
L'église congrégationaliste de Queen's Road a été bâtie après que le premier grand feu de 1892 eut détruit la chapelle en pierre et la deuxième maison de réunion.
Photographie tirée de Newfoundland in 1900, de Moses Harvey, New York, South Pub. Co.; St. John's, T.-N.-L., 1900, p. 117.

L'Union congrégationaliste d'Angleterre et du pays de Galles a continué d'envoyer des pasteurs à Terre-Neuve jusqu'à ce que le révérend D. L. Nichol, qui avait présidé à l'organisation du 150e anniversaire, retourne en Angleterre en 1926. L'Union congrégationaliste étant incapable d'assurer la présence permanente d'un pasteur, trois pasteurs de l'Église unie du Canada ont desservi la congrégation pendant six ans, jusqu'au moment où le révérend Joseph Thackeray, qui avait été pasteur de 1897 à 1912, accepte de sortir de sa retraite en 1932.

Le révérend Joseph Thackeray, vers 1900
Le révérend Joseph Thackeray, vers 1900
Thackeray, anciennement pasteur de l'Église congrégationaliste à St. John's, est sorti de sa retraite en 1932 pour servir de nouveau l'Église, qui avait de la difficulté à s'attacher les services d'un pasteur permanent.
Photographie tirée de Newfoundland in 1900, de Moses Harvey, New York, South Pub. Co.; St. John's, T.-N.-L., 1900, p. 116.

La fusion avec l'Église presbytérienne

En 1936, la congrégation a mis sur pied un comité dans le but de rencontrer le comité mandaté par la Session de l'Église presbytérienne St. Andrew's. Ensemble, ils ont examiné la possibilité que l'Église congrégationaliste se joigne à l'Église presbytérienne au Canada. Le 8 mars 1937, à la suite d'un vote favorable, la congrégation a accepté la proposition et, le 27 octobre 1938, après 163 années d'existence sous le nom d'Église congrégationaliste, la congrégation de Queen's Road a été intégrée à l'Église presbytérienne du Canada. (En 2000, la congrégation dissidente, maintenant connue sous le nom d'église presbytérienne St. David, a célébré son 225e anniversaire.) En 1925, l'Œuvre de la Mission intérieure congrégationaliste de Queen's Road a cédé la mission de baie Fortune à la Société missionnaire coloniale de Londres. Quant au conseil scolaire congrégationaliste, il a été aboli en 1942 au moment où la mission de baie Fortune et les écoles ont été intégrées à l'Église unie du Canada.

English version