L'Église catholique

On ignore à quand remontent exactement les premières traces de l'Église catholique à Terre-Neuve, mais on sait quau 16e siècle des prêtres accompagnaient parfois les explorateurs et les pêcheurs européens qui se rendaient sur lîle. Les premiers catholiques connus pour sêtre établis sur lîle de Terre-Neuve étaient des colons arrivés dans les années 1620 dans la colonie de Ferryland du baron Baltimore. Le père Anthony Pole (alias Smith) est arrivé dans la colonie en 1627 et il a été le premier prêtre catholique à sétablir en Amérique du Nord britannique. La colonie de Ferryland naccueillait pas uniquement des catholiques puisque des pasteurs anglicans exerçaient aussi leur ministère auprès de ces pionniers. Cette première présence de membres du clergé catholique à Terre-Neuve a toutefois été de courte durée puisque la colonie a été abandonnée en 1629.

Croix catholique ou anglicane en fer
Croix catholique ou anglicane en fer
Cette croix composée de fer et dun métal jaunâtre montre des traces de dorure. Certains indices laissent croire quelle aurait été ornée de pierres précieuses. Elle a été retrouvée à Ferryland lors de fouilles associées à la colonie du baron Baltimore. Les archéologues sont incapables de déterminer si la croix appartenait à une église de confession catholique ou anglicane.
Avec la permission de J. A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. Johns, T.-N.-L.

La présence catholique à Terre-Neuve

La vie dans les colonies françaises de lîle de Terre-Neuve a amené la création dinstitutions catholiques plus importantes. En 1662, un jeune prêtre desservait la colonie française de Plaisance (Placentia), mais il a été tué au cours de lhiver de cette même année lors dune mutinerie. De nombreux prêtres ont travaillé comme missionnaires et chapelains et, en 1687, des chapelles catholiques avaient vu le jour dans les colonies de Pointe Verde, Saint-Pierre, Harbour Breton et Argentia. La juridiction du vicariat apostolique de Québec sétendait sur lensemble des possessions françaises en Amérique du Nord et, en 1689, Mgr de Saint-Vallier a fait une visite pastorale à Plaisance. Cet évêque a créé officiellement la première paroisse catholique de Terre-Neuve et la confiée aux Récollets de Québec, dont Joseph Denys et Sixte Le Tac, qui lavaient accompagné lors de son passage dans lîle. Denys et le frère convers Claude Pelletier ont travaillé à Terre-Neuve pendant de nombreuses années afin de veiller à la croissance et à la fortification de la paroisse nouvellement fondée. En vertu du traité dUtrecht signé en 1713, les colonies françaises de Terre-Neuve ont été placées sous le contrôle de la Grande-Bretagne. Plusieurs Terre-Neuviens dorigine française ont émigré au Cap-Breton et ailleurs en Amérique du Nord, là où la France exerçait toujours une juridiction.

Au 18e siècle, larrivée en grand nombre dimmigrants irlandais a renforcé la présence de l'Église catholique sur lîle de Terre-Neuve. En date des années 1780, les Irlandais constituaient près de la moitié des habitants permanents de lîle. La plupart dentre eux se sont installés dans la baie Placentia et la baie de la Conception, assurant ainsi une présence catholique irlandaise typique de la péninsule dAvalon aujourdhui encore.

Le régime britannique a entraîné des difficultés pour les catholiques de Terre-Neuve. En 1729, un décret a garanti la liberté de conscience à tous, « sauf aux papistes ». En 1755, la gouvernance de Richard Dorrill fut une période particulièrement dure puisquil a imposé des amendes, déporté des catholiques et prôné la destruction de leurs biens. En 1779, la pleine liberté religieuse a finalement été octroyée à tous les habitants de lîle de Terre-Neuve.

En 1784, le pape Pie VI a reconnu Terre-Neuve comme juridiction ecclésiastique autonome en retirant ce territoire de lautorité du vicaire apostolique de Londres, pour le placer sous lautorité du prêtre franciscain irlandais James Louis ODonel. Terre-Neuve devenait ainsi la première préfecture apostolique de langue anglaise établie par le Vatican en Amérique du Nord britannique. ODonel est arrivé en 1784 avec le père Patrick Phelan, qui avait été désigné pour travailler dans la paroisse de Harbour Grace. ODonel a aidé à fonder de nouvelles paroisses à Plaisance et à Ferryland. Inspiré par son ascendant et son dynamisme, le Vatican a décidé dériger la préfecture de Terre-Neuve en vicariat apostolique en 1796. ODonel, qui avait été consacré évêque en septembre 1796, devenait ainsi le premier évêque catholique en Amérique du Nord hors du Québec. L'Église catholique établie à Terre-Neuve maintenait des liens solides avec lIrlande.

En 1798, la rébellion des Irlandais a créé des tensions qui ont mené en 1800 à la rébellion des partisans dune Irlande unifiée à la garnison de St. Johns. Grâce à lautorité de Mgr ODonel, lagitation ne sest pas répandue ailleurs. Sa politique dapaisement et de pacification tranchait toutefois avec lattitude de plus en plus indépendante des évêques qui lui ont succédé. La migration irlandaise vers Terre-Neuve a atteint son point culminant vers 1815 et le travail des prêtres sur ce territoire a entraîné la conversion de nombreuses personnes au catholicisme. Bien que lacte démancipation des catholiques ait été adopté en 1829 par le Parlement britannique, les catholiques de Terre-Neuve continuaient dêtre soumis à certaines restrictions dans les lieux publics, et ce, même après linstauration dun gouvernement représentatif en 1832.

Le très révérend Michael Anthony Fleming
Le très révérend Michael Anthony Fleming
Fleming a été vicaire apostolique de Terre-Neuve de 1830 à 1847. Il a été le premier évêque de Terre-Neuve, depuis la création du diocèse de Terre-Neuve en 1847 jusquà sa mort le 14 juillet 1850.
Dessin tiré de The Centenary of the Basilica-Cathedral of St. John the Baptist, St. Johns, NL: 1855-1955, de P.J. Kennedy, éd., St. Johns: Centenary Souvenir Book Editorial Board, ©1956, p. 216. Avec la permission des Archives de larchidiocèse catholique de St. Johns.

La progression de l'Église catholique

Lépiscopat de Mgr Michael Anthony Fleming a commencé en 1829. Sous sa responsabilité, l'Église catholique sest éloignée de ses racines missionnaires au fur et à mesure que de nouvelles paroisses étaient établies et que les paroisses existantes continuaient de se développer. Fleming a encouragé limplantation des communautés des Sœurs de la Présentation et les Sœurs de la Merci, et il a donné le feu vert à la construction de la cathédrale (aujourdhui basilique-cathédrale) St. John the Baptist (de St. Johns). La construction na été terminée quen 1855 sous lépiscopat de Mgr John Thomas Mullock, successeur de Mgr Fleming.

La basilique-cathédrale St. John the Baptist (de St. Johns), vers 1860
La basilique-cathédrale St. John the Baptist (de St. Johns), vers 1860
Photographie tirée de The Centenary of the Basilica-Cathedral of St. John the Baptist, St. Johns, NL: 1855-1955, de P.J. Kennedy, éd., St. Johns: Centenary Souvenir Book Editorial Board, ©1956. Avec la permission des Archives de larchidiocèse catholique de St. Johns.

En 1843, les formations scolaires catholique et protestante étaient différentes à cause de désaccords en matière déducation. Ces dissensions ont mené en 1874 à la création dun système scolaire entièrement confessionnel, lequel est resté en vigueur jusque dans les années 1990. Cest sous lépiscopat de Fleming que le vicariat de Terre-Neuve a été érigé en diocèse en 1847. Cette indépendance de plus en plus marquée a été renforcée davantage avec linstauration, en 1855, dun gouvernement responsable largement soutenu par l'Église.

En 1856, le diocèse de Terre-Neuve était morcelé entre St. Johns et Harbour Grace. St. Johns était sous la responsabilité de Mullock tandis que le diocèse de Harbour Grace, qui comprenait le Labrador, était dirigé par John Dalton. La côte ouest est devenue une préfecture apostolique distincte en 1870. La population catholique était différente à cet endroit, car elle comptait relativement peu de catholiques irlandais et était composée dAcadiens, de Bretons, de Normands, de Saint-Pierrais, de Mi'kmaq et dÉcossais. Comme cette région faisait partie de la côte française (French Treaty Shore) et était soumise à des mesures restrictives, les prêtres catholiques se posaient souvent en défenseurs des intérêts et des besoins de la population locale.

Michael Francis Howley (1843-1914), archevêque de l'Église catholique de Terre-Neuve
Michael Francis Howley (1843-1914), archevêque de l'Église catholique de Terre-Neuve
Howley a été le premier évêque natif de Terre-Neuve. En 1904, il est devenu le premier archevêque de la nouvelle province ecclésiastique de Terre-Neuve.
Photographie tirée de Part of the Main: An Illustrated History of Newfoundland and Labrador, de Peter Neary et Patrick OFlaherty, St. Johns, T.-N.-L., Breakwater Books, © 1983, p. 104. Avec la permission des Archives de la congrégation des Sœurs de la Présentation, Couvent des Sœurs de la Présentation.

Michael Francis Howley, premier évêque natif de Terre-Neuve, a dabord été vicaire apostolique de lOuest de Terre-Neuve et, en 1894, il a été affecté à St. Johns. Howley est devenu le premier archevêque au moment où Terre-Neuve a été déclaré province ecclésiastique autonome en 1904.

Larchevêque Edward Patrick Roche, qui a succédé à Howley en 1914, a conduit l'Église catholique pendant les changements importants qui se sont produits à Terre-Neuve pendant la première moitié du 20e siècle. Il sest opposé fermement à toute modification du système scolaire confessionnel et, durant les débats de 1948-1949 au sujet de lintégration éventuelle de Terre-Neuve à la Confédération canadienne, il se disait en faveur du retour au gouvernement responsable.

Larchevêque Edward P. Roche (1874-1950)
Larchevêque Edward P. Roche (1874-1950)
Photographie tirée de The Atlantic Guardian, 3.7 (juillet 1947), de Ewart Young, Montréal, Guardian Associates Ltd., page de couverture.

Avec la création de nouvelles agglomérations, le siège du diocèse de St. George a été déplacé à Corner Brook tandis que le quartier général du diocèse de Harbour Grace a été transféré à Grand Falls. De même, le Labrador a été érigé comme vicariat apostolique autonome en 1946. Après 1949, sous lépiscopat de larchevêque Patrick James Skinner (1950-1979, qui avait été formé au Canada), le catholicisme à Terre-Neuve sest rapproché progressivement de l'Église catholique du reste du Canada. Les prêtres de Terre-Neuve étaient de plus en plus nombreux à aller étudier dans des séminaires canadiens.

Les changements sociaux et les scandales du 20e siècle

Après lentrée de Terre-Neuve dans la Confédération, l'Église a tenté damorcer un certain nombre de changements sociaux et culturels dans la société terre-neuvienne. Elle a réussi entre autres à bonifier lenseignement secondaire et à le rendre plus accessible. Linfluence sociale et culturelle de l'Église a atteint lapogée lors de la visite du pape Jean-Paul II en 1984.

À la fin des années 1980, des enquêtes concernant des abus sexuels sur des enfants par des membres du clergé ont toutefois entaché sérieusement la crédibilité de l'Église et ont entraîné la démission de Mgr A.L. Penney en 1991. Devant faire face à une diminution des effectifs du clergé, l'Église, sous la direction de Mgr James H. Macdonald, sest engagée dans un processus de renouvellement en ayant recours aux services dun nombre plus élevé de laïques au sein des ministères actifs sur le territoire.

Depuis le début des années 1990, l'Église a aussi tenté – avec moins de succès – de défendre ses intérêts en matière déducation confessionnelle, lesquels étaient enchâssés dans la clause 17 des Conditions de lunion de Terre-Neuve au Canada. À la suite de la tenue de deux référendums provinciaux sur léducation en 1996 et 1997, la clause 17 a été révisée par le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, retirant ainsi aux confessions religieuses le droit de recevoir des subventions de lÉtat dans le but dexploiter des écoles confessionnelles.

English version