Les drapeaux après la Confédération

Deux drapeaux ont représenté Terre-Neuve-et-Labrador depuis l'union à la Confédération en 1949, le premier étant l'Union Jack, et le second, le présent drapeau adopté en 1980. C'est l'artiste local Christopher Pratt qui en est le créateur. Il s'inspire de l'Union Jack et d'éléments culturels béothuks et innus. Ce drapeau rend ainsi hommage au passé tout en tenant compte du rôle de la province dans les progrès actuels et à venir.

Le drapeau officiel de Terre-Neuve-et-Labrador
Le drapeau officiel de Terre-Neuve-et-Labrador
Créé par Christopher Pratt, un artiste local, en 1980. Le gouvernement l'adopte la même année.

Plusieurs drapeaux sont aussi officieusement associés à la province. Parmi les plus populaires, le drapeau blanc, vert et bleu orné d'une branche d'épinette au coin supérieur gauche, appelé drapeau du Labrador, et le drapeau rose, blanc et vert populaire surtout dans la région de St. John's. Celui-ci symbolise souvent le nationalisme des Terre-Neuviens.

L'Union Jack

Lorsqu'en 1949, la colonie de Terre-Neuve et du Labrador s'unit au Canada, l'Union Jack est le drapeau officiel. C'est une loi votée en 1931, la National Flag Act, qui le confirme. Une refonte des lois l'atteste de nouveau en 1952. Au début des années 1970, des voix s'élèvent pour réclamer un drapeau plus représentatif de la province. L'Union Jack se rattache plutôt la Grande-Bretagne et flotte à quelques nuances près sur toutes les anciennes colonies britanniques. Cet état de fait suscite souvent des situations délicates pour les délégations provinciales en visite à l'étranger. Lors de l'Exposition universelle de 1967 à Montréal, Terre-Neuve hisse un drapeau bleu arborant les armoiries de la province, car c'est le gouverneur général qui a droit à l'Union Jack.

L'Union Jack
L'Union Jack
Au moment où la colonie de Terre-Neuve et du Labrador s'unit au Canada en 1949, l'Union Jack est le drapeau officiel.

Dans les années 1970, diverses propositions de drapeau sont débattues sur la place publique. Pour certains, il est impératif de conserver l'Union Jack dans la nouvelle version afin de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont servi sous ce drapeau pendant les deux guerres mondiales. Il s'agit également de ne pas oublier les liens étroits entretenus avec la Grande-Bretagne au cours de l'histoire de la province. D'autres rejettent cette suggestion. Ils affirment que l'Union Jack ne reflète nullement le patrimoine autochtone et la diversité multiculturelle croissante de la population. De plus, ce drapeau laisse sous-entendre que la province est toujours un territoire britannique.

Des organismes et des personnes se font les champions d'un drapeau rose, blanc et vert ou une variante. Ils avancent que ce drapeau tricolore représente mieux la province et son passé. C'est le cas de la Newfoundland Historical Society [société historique de Terre-Neuve], le St. John's Folk Arts Council [conseil des arts de St. John's], le Newfoundland Historic Trust [fiducie historique de Terre-Neuve]. En 1977, ces trois organismes présentent au gouvernement un rapport conjoint recommandant une variante du drapeau rose, blanc et vert. Ils proposent en effet d'insérer en son centre l'écusson de la province sur fond blanc coiffé de l'Union Jack et bordé à droite et à gauche de sarracénies pourpres.

Formation d'un comité

En novembre 1979, le gouvernement met sur pied un comité composé de sept membres. Le député à la Chambre d'assemblée, John Carter, en est le président. Son mandat consiste à recevoir les propositions des citoyens et à formuler des recommandations sur celle qui sera retenue. Il doit ensuite les présenter à la Chambre d'assemblée au plus tard le 30 avril 1980. Dans les mois qui suivent, le comité tient des audiences publiques à l'échelle de la province. Ses membres constatent la récurrence de deux arguments : la nécessité de la représentation du Labrador sur le nouveau drapeau et l'affirmation de la spécificité de la province.

Le comité reçoit de nombreux dessins où figurent un caribou, des sarracénies pourpres, une morue et même des bottes de pêcheur. Pourtant, aucun ne rencontre un commun accord. En 1980, les membres demandent à un artiste local, Christopher Pratt, de dessiner un drapeau aux motifs géométriques. Il accepte le mandat et soumettra gratuitement plusieurs dessins.

Au fil des semaines, Christopher Pratt effectue une recherche sur les éléments culturels béothuks et innus au musée de la province, et examine aussi les diverses propositions transmises au comité. Finalement, il décide d'amalgamer l'art autochtone et l'Union Jack dans le nouveau drapeau. Même si dans l'ensemble des propositions, seul un petit nombre des dessins avait mis l'Union Jack en avant-plan, l'artiste justifie en ces termes son intégration dans ses notes de recherche :

“Ceux qui se sont prononcés pour la présence de l'Union Jack accordent une très grande importance aux drapeaux, et plus particulièrement à celui-ci, par exemple les organisations fraternelles, la Ligue monarchiste, etc., mais surtout les légionnaires qui ont servi sous l'Union Jack. Je crois que les suggestions de ces groupes minoritaires ont trop de poids pour être balayées du revers de la main. Donc, à la suite de nombreuses recherches et évaluations, et après mûre réflexion et la réalisation de plusieurs dessins, j'ai opté pour une illustration qui rappelle l'Union Jack par le choix du rouge, blanc et bleu. Ces couleurs symbolisent la victoire sur le fascisme et la tyrannie dans ce siècle, et… les sources de nos lois, de nos institutions et de nos libertés c'est-à-dire la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis.”

L'adoption du nouveau drapeau

Le 17 avril 1980, Christopher Pratt remet ses dessins au comité. Ses membres choisissent à l'unanimité celui de l'actuel drapeau. Lors de son dévoilement à la Chambre d'assemblée le 29 avril, la réception est pour le moins houleuse. Les premières réactions de l'opposition du Parti libéral et de la population sont généralement négatives. L'ancien premier ministre Joseph Smallwood déclare que le drapeau ressemble à une blague de très mauvais goût. La filiale locale de la Légion royale canadienne exprime vivement son désaccord sur l'absence de l'Union Jack dans sa version originelle. D'autres, par contre, manifestent leur appui, notamment le quotidien Evening Telegram qui, dans un éditorial, affirme que ce drapeau est « saisissant et exceptionnel ».

Le 26 mai 1980, avec un vote favorable de 22 contre 10, la Chambre d'assemblée entérine le nouveau drapeau. Il flotte pour la première fois le 24 juin 1980, jour de la Découverte, lors d'une cérémonie qui a lieu à l'extérieur de l'édifice de la Confédération.

C'est un drapeau tricolore sur fond blanc. Les couleurs se déclinent ainsi : bleu pour la mer, rouge pour l'effort humain, or pour la confiance. L'arrière-plan blanc signifie la neige et la glace. Les quatre triangles bleus évoquent l'Union Jack et le patrimoine du Commonwealth, les sections rouge et or, l'avenir. Les deux grands triangles rouges représentent l'île et la partie continentale de la province. La flèche dorée pointe vers un brillant avenir.

Les motifs comportent également des éléments culturels béothuks et innus. À la croix et à la silhouette d'une feuille d'érable se rajoute un trident symbole des profondes affinités de la province avec les ressources maritimes. La flèche dorée s'apparente à une épée lorsque le drapeau devient un étendard hissé par respect pour les anciens combattants.

Le drapeau du Labrador

Le drapeau blanc, vert et bleu orné d'une branche d'épinette noire au coin supérieur gauche est le drapeau officieux du Labrador. Il est segmenté par trois bandes horizontales inégales : la bande blanche représente la neige, la bande verte, la terre, et la bande bleue, les lacs et les eaux du Labrador. La branche d'épinette rappelle l'arbre qui pousse dans toutes les régions du Labrador. Cette petite branche provenant d'une seule tige fait allusion à l'origine commune de la race humaine. Les trois branchettes supérieures font référence aux trois peuples du Labrador c'est-à-dire les Inuit, les Innus et les colons blancs venus d'Europe. Les branchettes inférieures incarnent le passé, alors que les plus grandes laissent entrevoir un avenir prometteur.

Le gouvernement du Nunatsiavut, formé en 2005, a intégré les couleurs de ce drapeau dans le sien, démontrant bien ainsi son influence. De nos jours, tee-shirts, tasses, autocollants de pare-chocs et bien d'autres produits affichent ce drapeau populaire. Ses couleurs et sa branche d'épinette étaient en évidence sur le site Web officiel de l'ancien sénateur du Labrador, William Rompkey.

Son auteur est le député de la circonscription du sud du Labrador à la Chambre d'assemblée, Michael Martin. En 1973, il prévoit célébrer le 25e anniversaire de la Confédération. Il espérait, expliquera-t-il plus tard, en faire l'élément unificateur de la population du Labrador. Il entendait également souligner la particularité de cette région, traitée pendant des siècles comme une simple extension territoriale continentale par l'île de Terre-Neuve. « Il n'a jamais été question que ce drapeau devienne un symbole de séparation. Je voulais qu'il soit l'emblème positif de notre passé, de notre présent et de notre avenir. Tous, ensemble, peu importe la race, la religion et le parti politique. Tous fiers de nous-mêmes et de notre patrimoine. »

Le 31 mars 1974, il en avait confectionné 64. Chacun d'eux cousu à la main par sa femme, Patricia, puis distribué aux 59 villes et villages du Labrador, ainsi qu'aux 3 députés de la Chambre d'assemblée.

Le rose, le blanc et le vert

Un autre drapeau populaire et tout aussi non officiel est le drapeau rose, blanc et vert, appelé aussi le tricolore de Terre-Neuve. Sa popularité s'étend à toute l'île, mais plus particulièrement dans la région de St. John's. Il évoque le nationalisme de Terre-Neuve, une marque de fierté et d'identité. Il est hissé pour la première fois vers la fin des années 1800, puis disparaît de l'espace public après la Première Guerre mondiale, remplacé par l'Union Jack dont la popularité s'accroît.

Le rose, blanc et vert
Le rose, blanc et vert
Le drapeau rose, blanc et vert, ou tricolore de Terre-Neuve, est populaire dans toute l'île, surtout dans la région de St. John's.

Il refait surface durant les débats sur les drapeaux dans les années 1970. La province traverse une renaissance culturelle à la même époque. Les artistes locaux et l'élite intellectuelle explorent les coutumes et le patrimoine singuliers de Terre-Neuve-et-Labrador et en font la promotion. Le drapeau rose, blanc et vert gagne alors en popularité. Il symbolise le passé remarquable et exceptionnel de la province et ses futures réalisations.

Il décore une vaste gamme de produits : tee-shirts, chapeaux, tasses, aimants, plaques d'immatriculation, autocollants de pare-chocs, bouteilles de rhum, et même l'en-tête (version imprimée (2003 à 2008) et en ligne (2011 à aujourd'hui) du quotidien Independent). Malgré une popularité qui ne se dément pas, l'enthousiasme dont il aurait besoin pour devenir le drapeau officiel de la province n'est pas au rendez-vous. En 2005, selon un sondage informel effectué à la demande du premier ministre Danny Williams, seuls 25 % de la population disaient favoriser l'adoption de ce drapeau. La plupart des participants favorables habitaient St. John's et ses environs.

English version