Les coutumes de Terre-Neuve-et-Labrador

Toutes les coutumes évoluent au fil des siècles. Si des coutumes à Terre-Neuve-et-Labrador remontent à des temps lointains, d'autres, par contre, sont plus récentes. Les coutumes sont à la fois une expression du passé et un écho du présent. Le folklore ne subsiste pas à l'arrivée d'une nouvelle génération s'il ne parvient à imposer sa pertinence, du moins pour certains. Ce qu'une génération conçoit comme une pratique religieuse relèvera peut-être pour la suivante d'une forme de divertissement. Une campagne de financement pour l'une se transforme en activité éducative pour l'autre, et ainsi de suite. L'évolution des coutumes se poursuit aujourd'hui comme par le passé. Après plusieurs générations, une coutume est le portrait par petites touches des différentes périodes qu'elle a traversées.

Parmi les coutumes de l'île, la première mentionnée par ses habitants est celle de la fête des mummers durant le temps des fêtes (appelée mummering en anglais). Elle fait l'objet d'études depuis les 30 dernières années. Malgré une baisse de popularité au milieu du siècle dernier, elle a connu un regain de vie dans les années 1980 et 1990. D'après les folkloristes, la fête des mummers s'inscrit dans les coutumes associées à certaines dates ou saisons. Elles diffèrent toutefois des rites de passage, ces coutumes qui accompagnent les épisodes marquants de notre vie. Ces coutumes varient énormément selon les groupes ethniques ou religieux, et ce, dans une même région.

Les coutumes liées à des dates ou des saisons

On dénombre plus de 400 noms de coutumes à Terre-Neuve-et-Labrador. Selon les régions, plusieurs désignent la même coutume ou une coutume fort similaire. Ces 400 noms s'appliquent en réalité à 150 coutumes.

Certaines sont observées par une grande partie de la population de la province tels l'ancien Noël (Old Christmas Day), la Chandeleur (Candlemas Day), le Mardi de l'absolution (ou Mardi gras, Pancake Night), le solstice d'été (Mid-Summer's Day), la fête des Orangistes (Orangemen's Day), la Toussaint (All Soul's Day) et Noël. Les activités et croyances locales de ces coutumes s'entremêlent partout dans la province.

D'autres sont circonscrites à une région ou se résument à des rites typiquement locaux. Ainsi, le 3 février est Coombses' Day. Cette date commémore le décès de plusieurs membres de la famille Coombs lors d'une tempête de neige survenue il y a environ 200 ans. Elle ne concerne donc que la région d'Upper Island Cove dans la baie de la Conception.

La Chandeleur

Le 2 février est la fête de la Chandeleur pour les francophones de la côte ouest. C'est la date où un roi enrubanné et célibataire rend visite à de jeunes femmes en âge de se marier. Ailleurs dans la province, c'est aussi la journée où l'ombre des ours devient un indicateur de la température saisonnière à venir. La Chandeleur coïncide aussi avec le jour de la marmotte aux États-Unis. Tiré de l'ancien calendrier chrétien, son nom rappelle la bénédiction cette journée-là du lot annuel de chandelles d'église et la fin officielle du calendrier du temps liturgique de Noël. Selon d'anciennes traditions européennes, les ours sortent de leurs grottes le 2 février pour connaître le temps qu'il fait. S'il fait beau, ils mettent fin à leur hibernation. À Terre-Neuve, le dicton « À la Chandeleur, l'hiver se meurt ou prend vigueur. » [traduction libre] en maintient plus ou moins la croyance (voir Philip Hiscock, 1996, p. 35).

Le Mardi de l'absolution

Une autre coutume caractéristique est Pancake Night (nuit des crêpes) ou Shrove Tuesday, le Mardi de l'absolution (ou Mardi gras). Issue de diverses coutumes répandues sur le continent européen et façonnée autant par les croyances religieuses que des pratiques divinatoires, elle englobe un amalgame de traditions en constante évolution. Le Mardi de l'absolution (ainsi nommée pour l'absolution donnée par le prêtre après confession de ses péchés immédiatement avant le début du carême) autorise la consommation d'aliments interdits pendant le carême notamment les produits à base de viande, le beurre et les œufs. Les crêpes représentent un moyen simple de consommer ces produits dans une atmosphère ludique. Des objets gratifiés d'une valeur symbolique sont aussi mélangés aux crêpes. Les personnes qui les trouvent, surtout les enfants, participent ainsi pendant le repas à un jeu divinatoire. La signification de l'objet est interprétée en fonction de la tradition, par exemple une pièce de monnaie signifie la richesse; un bout de crayon, la profession d'enseignant; une médaille bénite, l'entrée en religion; un clou, le métier de menuisier ou le mariage avec un menuisier, etc. (voir Philip Hiscock, 1990, p.9).

Le solstice d'été

En Europe, la tradition du solstice d'été date d'avant le christianisme. L'une de ses incarnations modernes est la St. John's Day [la fête de Saint Jean le Baptiste], un nom bien chrétien. Autrefois jour de la Découverte, une des fêtes nationales de Terre-Neuve, il est, depuis, un simple jour férié de la ville de St. John's. Ses racines sont associées aux feux de joie (bonfires en anglais) qu'allument les collectivités de la côte sud de la péninsule d'Avalon (de même que d'autres collectivités d'origine irlandaise de la baie de la Conception). Cette coutume des feux de joie serait plus ancienne encore que ceux ponctuant la nuit de Guy Fawkes (Guy Fawkes Night) au début de novembre. Dans les années 1940, le gouvernement de Terre-Neuve déclare jour férié le 24 juin pour célébrer l'histoire de Terre-Neuve et du Labrador. Vers la fin des années 1980, le gouvernement provincial de l'époque le supprime.

Le jour du Souvenir et la fête du Canada

Les célébrations du jour du Souvenir et celles de la fête du Canada se chevauchent. Peu après la tragique offensive du 1er juillet 1916, cette date a rapidement été instituée comme jour de commémoration. Ce jour souligne les lourdes pertes subies lors de la première journée de la bataille de la Somme, alors que des centaines de soldats du Newfoundland Regiment ont été décimés dans la bataille de Beaumont-Hamel. Chaque année, les défilés et services commémoratifs se déroulent pour honorer les soldats tombés au combat.

La fête des Orangistes

La fête des Orangistes a lieu le 12 juillet. Elle commémore la bataille de la Boyne en Irlande survenue en juillet 1690. Le roi protestant Guillaume d'Orange défait le roi catholique Jacques II qui tente de reconquérir son trône. La constitution l'emportait sur l'antiparlementarisme. L'Ordre d'Orange est fondé un siècle après la bataille de la Boyne. Il ne cesse de prendre de l'expansion au 19e siècle et, selon les protestants, il représente un bastion contre la traîtrise catholique. À la fin du 19e siècle, de nombreuses collectivités terre-neuviennes organisent des défilés orangistes. Le défilé ne représente qu'une des nombreuses activités qui se déroulent pendant la journée. Elles prennent fin par un repas collectif et une soirée dansante (le tout appelé un Time).

Malgré sa popularité, la fête correspond à une perte financière pouvant s'élever à 10 % du revenu annuel d'un pêcheur. La mi-juillet est en effet la période où la pêche à la morue bat son plein sur la côte nord-est. Un défilé et une danse sont trop chers payés. De nombreuses collectivités l'ont donc déplacée vers le temps des fêtes, la saison morte. Certaines activités orangistes se tiennent donc à la Saint-Étienne le 26 décembre, le Jour de l'An, ou à d'autres dates. (Voir Philip Hiscock, 1997, p. 129-134 et p. 317-318).

Les fêtes en plein air et les régates

Les institutions religieuses organisent un peu partout des fêtes en plein air (les Garden Parties) pour obtenir du financement au profit des paroisses ou pour soutenir des projets spéciaux. Elles choisissent de préférence le dimanche lorsqu'une partie des citoyens ne travaillent pas. La fête se déroule à l'extérieur si le temps le permet, sinon à l'intérieur de la salle paroissiale. Elle s'accompagne de multiples activités, par exemple des jeux de type roue de fortune, des courses à pied dans l'après-midi, suivies d'un repas et d'une soirée dansante. Ces festivités se prolongent aisément pendant des heures. Au cours des dernières années, cette responsabilité revient aux conseils municipaux. Une journée en semaine est souvent réservée au début du mois d'août. Dans les plus grandes collectivités comme Harbour Grace, Placentia et St. John's par exemple, des régates ont remplacé ces fêtes de plein air. Celles de St. John's sont les plus importantes. Le premier mercredi d'août (où la première belle journée qui suit), la ville prend une pause et la population assiste à des courses de bateaux au lac Quidi Vidi. Plus de 30,000 personnes, parfois même plus de 50 000 personnes certaines années, prennent part annuellement à cette activité qui dure toute une journée.

Les régates de St. John's, vers les années 1890
Les régates de St. John's, vers les années 1890
Foule et tentes au lac Quidi Vidi pendant les régates de St. John's.

Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137, 6.01.007), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N-L.

L'Action de grâce et l'Halloween

Plusieurs fêtes automnales partagent des racines historiques. L'Action de grâce est l'une d'elles. Bien qu'elle ne soit pas un jour férié lors de l'union de Terre-Neuve à la confédération en 1949, des groupes locaux la célèbrent. Elle fait partie des festivités de l'Halloween. Un peu à la manière de fêtes de plein air estivales, les gens soulignent l'abondance des récoltes. Les folkloristes s'intéressent de près à cette période de l'Halloween. Dans la province, une demi-douzaine de coutumes dûment dénombrées s'y rattachent directement. Elles ont été décrites sous une douzaine de noms.

Les jours précédant l'Halloween, et parfois les jours suivants, forment la semaine des mauvais tours (la Mischief Week). Cette activité se réduit à une journée dans certaines localités, la nuit des mauvais tours (la Mischief Night). Les enfants sont convaincus qu'ils ont implicitement le droit de faire certaines mauvaises blagues, par exemple bourrer la cheminée de mottes de gazon, maculer de savon les vitres des maisons, retirer les tiges des charnières de clôtures, et ainsi de suite. Si vous ajoutez à ces méfaits la tradition des feux de joie, le vol de vieux pneus, de vieilles clôtures et de vieilles embarcations n'est pas rare pour alimenter le feu.

D'ailleurs, cette tradition des feux atteint son apogée à cette période de l'année. La nuit des flambeaux (Torch Night) est le nom d'une coutume observée à Trinity Bay North aux alentours d'Halloween : de jeunes hommes participent à un défilé aux flambeaux. Un tel défilé n'a pas été vu dans la ville d'Old Perlican depuis environ 70 ans. À l'époque, de vieilles bottes imbibées d'huile de poisson, des demi-barils remplis de petits bois et d'huile ou des serpillières goudronnées servaient alors de flambeaux. Dans la région de White Bay, cette coutume portait le nom de Tar Mop Night (la nuit des serpillières goudronnées). Elle a disparu dans de nombreuses localités avec l'arrivée de l'électricité.

Par contre, des centaines de collectivités continuent d'allumer des feux de joie le 5 novembre pour souligner la mort du conspirateur Guy Fawkes qui a voulu, avec son groupe, faire exploser le parlement de Londres. De nos jours, la plupart des participants méconnaissent son histoire. La coutume permet surtout d'organiser une corvée de nettoyage dans les collectivités (voir Catherine Ann Schwoeffermann 1981, a et b).

Noël

Le temps des fêtes varie selon les traditions locales. Sur la côte sud de l'île, le premier jour officiel, le 23 décembre, se nomme Tipp's Eve, parfois aussi Tipsy Eve. Cette journée est généralement, mais non historiquement, reconnue comme celle où il est permis de célébrer la venue de Noël par un verre, le premier d'une série.

Sur la côte nord du Labrador, le temps des fêtes s'amorce avec l'Avent à la fin de novembre ou au début de décembre, conformément à la liturgie de Noël (voir Edmund, s.d.). Cette coutume découle des traditions implantées par les missionnaires moraves et s'apparente aux célébrations de la Saint-Nicolas en Europe. C'est le 6 décembre que les enfants recevaient leurs présents. Dans la majorité de l'Amérique du Nord, c'est à Noël que se donnent maintenant les cadeaux. Toutefois, les enfants du Labrador perpétuent cette ancienne coutume en accrochant leurs bas de l'Avent et décorant de petits arbres de l'Avent dans leur chambre.

La coutume des cadeaux à Noël tire son origine non seulement de la célébration du saint patron des enfants, Saint-Nicolas, mais également de traditions médiévales associées aux cadeaux du Jour de l'An. Certaines collectivités de Terre-Neuve ont longtemps perpétué la tradition des bas et des échanges de cadeaux la veille du Nouvel An, avant que celle-ci disparaisse il y a quelques générations.

Pour plusieurs, le temps des fêtes dure 12 jours et se termine le 6 janvier, à l'Épiphanie (l'ancienne date de Noël). Dans le calendrier religieux, l'Épiphanie signale l'amorce de la troisième partie du temps des fêtes (l'Avent, Noël proprement dit, et l'Épiphanie). L'appellation « ancien Noël » (Old Christmas Day), relativement récente, dérive de la refonte du calendrier survenue en 1752 et qui a en retranché 12 jours. L'année suivante, des puristes affirment que le 6 janvier et non le 25 décembre constitue la véritable date de Noël, soit très exactement 365 jours après le Noël précédent. C'est la raison pour laquelle des citoyens de Terre-Neuve ont surnommé le 18 janvier le « très ancien Noël » et qui met, selon eux, vraiment fin à la période des fêtes. De fait, la coutume de la fête des mummers se poursuit parfois jusqu'à la fin de janvier sur la côte sud de la péninsule d'Avalon.

La coutume de se déguiser et de faire la tournée des maisons (mummering) s'étend sur toute la période des fêtes. Appelé mumming en Grande-Bretagne, le terme « mummering » fait depuis longtemps partie du vocabulaire des Terre-Neuviens. Cette activité commence d'habitude le 26 décembre, autrefois la Saint-Étienne, de nos jours l'Après-Noël (ou Boxing Day). Pour certains, cette coutume n'étant pas de tradition sacrée, il vaut mieux éviter d'y participer le jour de Noël et les dimanches du temps des fêtes. Mais rien en fait ne l'interdit. On aperçoit donc des participants déguisés le jour de Noël (voir Herbert Halpert et George Story, 1968).

Un participant à la fête des mummers, Flatrock, 1975
Un participant à la fête des mummers, Flatrock, 1975
La coutume de se déguiser pendant le temps des fêtes (mummering) et de faire la tournée des maisons est répandue à Terre-Neuve-et-Labrador.
Avec la permission de Lara Maynard. Photo ©1975.

Au cours des années 1960, la popularité de la moquette dans les maisons serait, dit-on, une cause de la disparition de cette coutume, car elle est plus difficile à nettoyer qu'un plancher de linoléum. Les participants à la fête des mummers ne sont plus les bienvenus avec leurs pieds salis par la neige et la boue. Pourtant, la coutume reprend du service dans les années 1980. Vers la fin des années 1990, elle semble plus populaire que jamais.

Les hypothèses ne manquent pas pour expliquer la fête des mummers. La meilleure, et la plus simple, désavoue les suppositions sur d'anciens rituels d'adoration du soleil, ou la transformation de saynètes en tournées des maisons. Ces saynètes de nature plus dramatique étaient naguère jouées par 6 à 12 personnes déguisées et comprenaient des personnages comme le roi Georges, le Médecin, le Chevalier turc, et bien d'autres. Leur existence ne remonte pas, semble-t-il, à plus de 200 ans. Elles sont extrêmement populaires à Terre-Neuve dans la deuxième moitié du 19e siècle. Par contre, la fête des mummers semble avoir une genèse plus ancienne. Certains avancent que ces saynètes tirent leur origine de la volonté des châtelains britanniques à délimiter et à abréger les visites des paysans dans leur demeure. De ce côté-ci de l'océan, la présentation de pièces, avec l'appui des enseignants de certaines collectivités, a renoué quelque peu avec ce rôle social. Pour des renseignements supplémentaires sur cette coutume, consultez John D. A. Widdowson, 1984; Gerald Pocius, 1988; Margaret Robertson, 1984; Martin Lovelace, 1985.

Les coutumes associées aux passages de la vie

Le mariage

L'enterrement de vie de garçon est un rite de passage pour un homme sur le point de se marier. Il passe alors du statut de célibataire libre de fréquenter d'autres amis célibataires à celui de mari avec responsabilités familiales. Cette coutume et son nom voient le jour dans les années 1950. Ce type de rite d'avant mariage date toutefois du siècle précédent ou même avant. Les hommes levaient leurs verres à la santé des futurs mariés. La télévision, le cinéma et autres médias de masse ont suscité nombre d'attentes sur le déroulement d'un enterrement de vie de garçon. Des dessins humoristiques vieux de 30 ans montrent souvent un groupe d'hommes ivres encerclant une boîte d'où surgit en dansant une jeune femme en tenue légère. Les enterrements de vie de garçon ne sont pas rares à Terre-Neuve-et-Labrador, mais ils ont moins la cote que d'autres coutumes associées au mariage.

L'enterrement de vie de jeune fille en est la contrepartie depuis les années 1980. Elle est parfois jumelée à la réception-cadeaux (Bridal Shower), mais sur un mode plus débridé. Lors d'un enterrement de vie de jeune fille, les amies et la future mariée se réunissent pour prendre un verre. Elles peuvent décider d'étirer la fête en choisissant de boire un verre dans le plus grand nombre de bars possible. Des danseurs stripteaseurs professionnels sont parfois invités à un enterrement de vie de jeune fille (voir Diane Tye et Ann Marie Powers, 1998).

La réception–cadeaux est une activité beaucoup plus raffinée. Y participent un plus grand nombre d'amies et de parenté de la future mariée. Plusieurs générations y sont représentées. La réception-cadeaux, tout comme l'enterrement de vie de garçon, signale un changement de statut, de jeune femme célibataire à femme mariée. Selon des folkloristes, plusieurs des jeux qui animent ces réceptions évoquent les traditionnelles tâches maternelles, par exemple le jeu des pinces à linge qui consiste à ramasser le plus grand nombre de pinces à linge d'une seule main.

Les anniversaries

Les célébrations d'anniversaire sont aussi diversifiées que les coutumes calendaires. Ainsi, le mot « bascule » (bumps en anglais) ne possède pas toujours la même signification d'un endroit à l'autre. À Terre-Neuve-et-Labrador, la bascule est une activité où généralement quatre personnes saisissent par les bras et les jambes un enfant dont c'est l'anniversaire. Elles le balancent en faisant rebondir ses fesses au sol pour chaque année vécue, plus celle qu'il entreprend. Dans d'autres régions, la bascule renvoie plutôt au nombre de coups de pied, de genoux ou de tapes correspondant à l'âge de la personne qui lui est donné sur les cuisses ou les fesses.

Les côtes sud-ouest et ouest de l'île notamment proposent une autre coutume ludique, celle d'enduire le visage de la personne fêtée d'un produit gras. Elle s'observe dans certaines régions des Maritimes, et là c'est le nez qui est visé (voir Philip Hiscock, 1991, p. 24). Il s'agit de couvrir le nez de la personne d'une matière grasse, souvent du beurre, dès que possible le jour de son anniversaire. On lui souhaite alors de bons vœux bien graisseux. Chez les écoliers, la coutume est parfois d'écraser un gâteau à la crème sur le visage d'une ou d'un camarade.

Les veillées funèbres

Il y a 50 ans, la majorité des veillées funèbres se tenaient à la résidence de la personne décédée. Parents et amis étaient reçus habituellement dans la meilleure pièce de la maison, souvent le salon, peu utilisé (voir A. K. Buckley et C. Cartwright, 1983). Cette tradition se poursuit dorénavant au salon funéraire. Par contre, les rencontres et échanges d'anecdotes et de nouvelles entre amis et familles, et le partage d'un repas restent bien vivants. La province regorge de traditions touchant les funérailles et les veillées funèbres. Les funérailles de tradition irlandaise seraient moins rigides que celles de tradition anglaise. Des histoires mentionnent souvent à ce sujet les plaisanteries de voisins aux dépens de la famille chagrinée, par exemple lui faire croire que le corps du défunt s'est redressé ou a parlé (Peter Narváez, 1994).

L'initiation à Terre-Neuve-et-Labrador (La cérémonie du Screech-In)

Ces dernières années, la coutume la plus controversée, sans relation avec le calendrier, est celle de l'initiation à Terre-Neuve-et-Labrador (la cérémonie du Screech-In). Elle rappelle de vieilles traditions liées à la traversée de l'équateur et à d'autres rites de passage dans le monde. Cette coutume s'inspire plutôt des rites de bienvenue réservés aux Terre-Neuviens honoraires dans les années 1940 et des farces faites aux dépens des nouveaux pêcheurs de phoques sur la glace. Elle prend véritablement son envol dans les années 1970 lorsque Joe Murphy et Joan Morrissey préparent un spectacle au bar Bella Vista à St. John's. Celui-ci présente des musiciens locaux et une saynète axée sur l'initiation des membres de l'auditoire. Des années plus tard, Myrle Vokey et des employés de la Société des alcools de Terre-Neuve-et-Labrador poursuivent la tradition. Généralement, les personnes initiées doivent embrasser une morue, boire du rhum (du Screech) et répéter une histoire un brin salace dans le patois de la province.

En 1990, cette coutume est attaquée de toutes parts et jugée un affront à la culture de Terre-Neuve-et-Labrador. Le premier ministre de l'époque, Clyde Wells, exige de la Société des alcools la destruction des certificats qui sont remis aux initiés avec sa signature officielle. Pourtant, ce rite d'initiation perdure dans les années 1990, car il reste le moyen préféré de la plupart pour souhaiter d'une manière amusante la bienvenue aux touristes.

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