La Benevolent Irish Society, 1806-2000

Au début du 19e siècle, la Benevolent Irish Society (BIS) était l'une des sociétés d'aide mutuelle les plus actives et influentes à Terre-Neuve. Elle a été fondée le 17 février 1806, un mois avant la St. Patrick, à une réunion tenue à la London Tavern de St. John's. Pour être membre, il suffisait d'être un mâle adulte, Irlandais de naissance ou de souche, sans égard à l'appartenance religieuse, et de vivre à Terre-Neuve. Organisation de la classe moyenne fondée sur des principes de « bienfaisance et de philanthropie », la BIS avait pour vocation d'aider la population croissante de démunis de St. John's, et notamment les familles de ses membres dans le besoin.

La BIS a été la première société d'aide mutuelle publique établie en permanence à Terre-Neuve. Alors que les marchands anglais rentraient chaque année passer l'hiver en Angleterre, les Irlandais membres de la BIS ont été les premiers habitants à résider en permanence dans l'île et à détenir, comme ils aimaient à l'affirmer, « des droits sur le pays ». L'avancement de la position sociale de ses membres était au nombre des objectifs implicites de la BIS, et plusieurs de ses fondateurs se trouvaient au sein de l'élite coloniale naissante ou aspiraient à en faire partie.

Premiers membres de l'exécutif

Alors que la vaste majorité des Irlandais étaient catholiques, la plupart des dirigeants originels de la BIS étaient protestants et souvent liés à l'administration militaire. L'instigateur aura été un marchand irlandais, James MacBraire, et son premier président le capitaine Winckworth Tonge. Le lieutenant-colonel John Murray, John MacKellop, Joseph Church et le capitaine William Haly siégeaient au comité exécutif. Henry Shea, secrétaire de la BIS, en était le seul membre catholique. Comme la cotisation trimestrielle de 4 shillings, 6 pence exigée des membres en excluait la classe populaire, la BIS est vite devenue un important outil d'avancement social pour les Irlandais fortunés de Terre-Neuve. Bien que la société soit demeurée non confessionnelle, les catholiques s'y sont joints en nombre croissant, au point de prédominer à partir des années 1820.

À cette époque, plusieurs membres de la BIS ont commencé à jouer des rôles importants dans la vie politique de Terre-Neuve et dans la communauté irlandaise de St. John's, notamment Patrick Kough, Patrick Morris, Timothy Hogan et John Kent.

Patrick Morris (1789-1872), s.d.
Patrick Morris (1789-1872), s.d.
Patrick Morris a été président de la BIS pendant 15 ans.
Artiste inconnu. Dessin tiré du Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John's, NL, 1806-1906, Guy & Co., Cork, Irlande, 1906, p. 54.

Après 1833, John V. Nugent, un instituteur de Waterford, a été le principal stratège politique des réformateurs de la Chambre d'assemblée. Dans les décennies 1830 et 1840, Lawrence O'Brien et James Tobin, deux riches marchands Irlando-Terre-Neuviens, ont été des citoyens influents de la BIS. Ceci dit, il était interdit aux membres de mêler les affaires de politique publique à celles de la Société, et ils auront rarement été « sur la même longueur d'ondes ». De fait, leurs opinions politiques étaient souvent radicalement tranchées, mais ils laissaient la politique de côté pour confier à la BIS l'organisation de leurs activités sociales comme les banquets, les réceptions et la populaire fête de la St. Patrick, à la mi-mars. La Société allait toutefois devenir une puissante agente de changement social positif.

Orphelinat

Dès août 1823, Timothy Hogan avait proposé que la BIS établisse un orphelinat « pour aider et éduquer les orphelins ». Une semaine plus tard, l'exécutif annonçait aux membres que le mécène de la Société, le gouverneur Sir Charles Hamilton, avait accepté cette suggestion et qu'il envisageait de financer la construction d'un orphelinat scolaire par souscription, ainsi que par une subvention annuelle de 100 £ de la Société. En outre, Patrick Morris, président de la BIS, Thomas Scallan, l'évêque catholique, Nicholas Devereux et Thomas Ewer, deux prêtres, et Thomas Beck, Patrick Kough, Timothy Hogan, Nicholas Croke, Aaron Hogsett, Patrick Doyle, Stephen Malone, Henry Shea, William Hogan, John Ryan et Laurence O'Brien, tous membres de la société, ont réuni entre eux la somme de 334 £ 4 s.; le don de Morris était de 100 £, tandis que Scallan et le vice-président John Ryan étaient les deux autres donateurs les plus généreux avec 20 £ chacun. Après avoir déterminé que la construction d'un orphelinat dépassait ses moyens, la BIS a choisi de créer une école, l'Orphan Asylum School (OAS). Édifié sur le chemin Queen, sur un flanc de colline dominant St. John's, cette école couronnée d'une tour d'observation constituait un des édifices les plus remarquables de la ville à l'époque.

Le vieil Orphan Asylum, s.d.
Le vieil Orphan Asylum, s.d.
L'orphelinat d'avant 1840, non confessionnel, était ouvert à tous les orphelins.
Artiste inconnu. Dessin tiré du Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John's, NL, 1806-1906, Guy & Co., Cork, Irlande, 1906, p. 68.

Même si, durant les années 1820, presque tous les cotisants de la BIS étaient catholiques, la Société a décidé que l'OAS serait à son image : officiellement non-confessionnelle, ouverte aux orphelins « sans distinction de pays d'origine ou de confession », et exempte de tout enseignement religieux. Après divers problèmes de bureaucratie et de financement, l'école a ouvert ses portes en 1826, recevant 136 garçons et 70 filles sous la direction de l'instituteur Henry Simms. Le nombre d'élèves allait croître, les Irlandais de la classe ouvrière désirant faire éduquer leurs enfants pour améliorer leurs conditions sociales, professionnelles et économiques.

Prospérité et influence

Durant les années 1840, la BIS était devenue si prospère et influente qu'elle disposait d'assez de capacité financière, après la Chambre d'assemblée et le Conseil du gouverneur, pour composer avec divers problèmes et besoins de la société. En 1845, le président Patrick Morris déclarait à la BIS que « la prospérité de sa caisse était sans précédent », convainquant ses administrateurs (qui incluaient O'Brien, Kent, Kough, et Tobin) de consentir au gouvernement un prêt de 1 734 £ en vue de la construction d'un édifice pour la législature, le Colonial Building. En 1846, lorsque le mildiou de la pomme de terre a dévasté les récoltes des petits fermiers des villages côtiers de Terre-Neuve, la BIS a pu leur envoyer 76 tonneaux de pommes de terre de semence pour se refaire.

Entre le milieu et la fin du 19e siècle, la BIS s'est prudemment tenue à l'écart des débats confessionnels, même si elle était vue largement comme une société d'hommes catholiques. En 1876, elle a appuyé l'établissement à St. John's des Frères des écoles chrétiennes d'Irlande, et contribué à l'entretien du collège St. Bonaventure et à l'ouverture de l'école St. Patrick's Hall. Après la perte de la salle de réunion St. Patrick's Hall de la BIS dans le grand incendie de St. John's en 1892, la BIS va pouvoir la reconstruire et y ajouter une salle de spectacle, le « Nickel Theatre » à l'étage supérieur. En 1906, date du centenaire de la Société, l'édifice a été agrandi vers l'est par la construction de l'O'Donel Memorial Wing, qui allait abriter l'école St. Patrick's Hall des Frères des écoles chrétiennes.

St. Patrick's Hall, s.d.
St. Patrick's Hall, s.d.
St. Patrick's Hall, avant le grand incendie de 1892.
Photographe inconnu. Dessin tiré du Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John's, NL, 1806-1906, Guy & Co., Cork, Irlande, 1906, p. 34.

Déclin de l'influence

Au début du 20e siècle, après l'arrivée des Chevaliers de Colomb, une association de bienfaisance catholique américaine pour hommes, la BIS va voir s'estomper son influence et son pouvoir d'attraction, pour connaître son chant du cygne au milieu des années 1990. La visite au Nickel Theatre de John Bruton, Premier Ministre d'Irlande, pour la fête de St. Patrick, en 1996, restera le plus grand honneur jamais accordé à cette société. Deux ans plus tard, la BIS vendait le St. Patrick's Hall à des promoteurs privés qui l'ont restauré et réaménagé en condominiums. Pour sa part, la Société s'est installée dans des locaux plus modestes.

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