L'Armée du Salut

L'Armée du Salut a été fondée en 1865 par William Booth, un pasteur méthodiste qui cherchait à sauver la vie et les âmes des milliers de citadins des quartiers pauvres de l'East End, à Londres. L'Armée du Salut s'est ensuite répandue depuis l'Angleterre jusque dans d'autres pays. Au Canada, elle s'est d'abord établie en Ontario en 1882, mais c'est à Terre-Neuve que les salutistes allaient réussir leur plus grande percée.

L'établissement de l'Armée du Salut à Terre-Neuve

Emma Churchill s'est convertie à l'Armée du Salut en Ontario. Originaire de la collectivité de Portugal Cove, elle est retournée à Terre-Neuve en 1885 avec son collègue salutiste Charles Dawson, à l'occasion de leur voyage de noces. Le 3 septembre 1885, compte tenu que l'exaltation des réunions habituelles de l'Armée manquait au jeune couple, ils ont décidé de tenir la première réunion de l'Armée du Salut à Terre-Neuve, à l'église méthodiste de Portugal Cove, malgré le fait qu'ils n'étaient que de passage dans l'île.

Emma Dawson (née Churchill), s.d.
Emma Dawson (née Churchill), s.d.
Dawson est la fondatrice de l'Armée du Salut à Terre-Neuve. Sur cette photographie (au centre), elle porte la tenue des cadets.
Avec la permission du George Scott Railton Heritage Centre, North York, Ontario.

Cette première réunion a été un grand succès et le YMCA de St. John's n'a pas tardé à demander aux Dawson d'organiser d'autres services du culte dans la ville. Les Dawson sont restés à Terre-Neuve pendant cinq mois et, en janvier 1886, ils ont transmis une demande au quartier général canadien afin qu'une équipe officielle de l'Armée soit envoyée pour « envahir » l'île. À la fin de janvier, un groupe de quatre femmes officiers est arrivé à St. John's, suivi de peu par un directeur de district, Arthur Young.

Ce groupe fondateur a ouvert le premier « poste » (église) de l'Armée du Salut de Terre-Neuve sur Springdale Street, à St. John's. Il a organisé des réunions en plein air sur le terrain municipal Parade Ground et marché dans les rues en compagnie des adeptes en leur demandant de faire le plus de bruit possible. En deux mois, l'Armée du Salut a réussi à recruter 200 soldats à St. John's.

Le quartier général de l'Armée du Salut, sur Springdale Street, à St. John's, vers 1908
Le quartier général de l'Armée du Salut, sur Springdale Street, à St. John's, vers 1908
Deux mois après son arrivée à St. John's, l'Armée du Salut avait déjà recruté 200 membres.
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Col 4-02-032), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Popularité et hostilité

La croissance rapide de l'Armée du Salut à Terre-Neuve a été attribuée à la nouveauté ainsi qu'à l'exaltation suscitée lors des réunions au cours desquelles les soldats étaient encouragés à chanter et à jouer d'un instrument de musique pour exprimer leur foi. Plusieurs personnes étaient séduites par l'esprit militaire de cet organisme qui leur donnait un sentiment d'importance et valorisait le sens de l'organisation. De plus, les femmes étaient considérées à l'égal des hommes. On les encourageait à participer et à devenir officiers. La capitaine Annie Totten a d'ailleurs été la première commandante du poste de Springdale Street. Toutefois, malgré le fait qu'elle attirait des convertis, l'Armée du Salut suscitait aussi l'hostilité des Églises déjà établies à St. John's. Un jour, lors d'une réunion mémorable tenue sur le terrain municipal Parade Ground, la foule est même devenue violente.

L'Armée du Salut représentait une menace particulière pour l'Église méthodiste, car la spontanéité et la ferveur inhérentes aux services du culte rappelaient les « premiers temps » du mouvement méthodisme. Ce facteur important a permis à l'Armée du salut d'étendre ses activités dans les villages isolés de Terre-Neuve. Une importante population méthodiste habitait sur les côtes nord et nord-est de l'île, mais plusieurs de ces régions étaient privées de services religieux réguliers à cause du manque de pasteurs à l'extérieur des grandes villes. Le style et la structure de l'Armée du Salut convenaient parfaitement à ces collectivités isolées, car ils parvenaient à combler en partie ce vide religieux. La goélette Glad Tidings se rendait jusque dans les ports éloignés et, en 1891, elle a accosté au Labrador pour la toute première fois. Les officiers de l'Armée du Salut étaient assignés à une collectivité de façon permanente. Toutefois, en l'absence d'un officier, les soldats pouvaient tout de même tenir des réunions, et ce, n'importe où.

Illustration d'une réunion de l'Armée du Salut
Illustration d'une réunion de l'Armée du Salut
Les membres de l'Armée du Salut ont souvent fait l'objet de la réprobation publique à cause de la ferveur qui animait leurs services du culte.
Illustration tirée de la publication officielle de l'Armée du Salut, The War Cry, parue le 18 février 1893.

Une croissance continue

Les premiers postes à l'extérieur de St. John's ont été fondés à Brigus et à Carbonear en 1886. Au début des années 1890, on comptait plus de 2000 adeptes de l'Armée du Salut à Terre-Neuve. Des postes furent aussi fondés dans la baie Fortune, la baie Trinity, la baie de Bonavista, la baie Notre-Dame et la péninsule de Burin. Plusieurs nouveaux convertis ont d'abord été abordés sur les quais de St. John's. Les casernes de l'Armée du Salut étaient accueillantes pour les pêcheurs qui, une fois de retour dans leurs villages, servaient à promouvoir les activités ultérieures de l'Armée du Salut.

En 1892, le chef d'état-major John Read a été nommé commandant divisionnaire. Il a veillé à ce que l'Armée obtienne une plus grande reconnaissance officielle et, grâce à ses efforts, les écoles de l'Armée du Salut se sont vu accorder un statut juridique la même année (bien qu'elles aient été assujetties à l'autorité du chef de l'Église d'Angleterre jusqu'en 1910). Read a aussi obtenu la permission que les officiers puissent célébrer les mariages. Sa femme, Blanche Read, s'impliquait activement dans le travail social et elle multipliait notamment les efforts pour sauver les filles « dévoyées ». En 1894, c'est au poste de St. John's que William Booth a choisi d'effectuer sa première visite dans le cadre de sa tournée nord-américaine.

La lieutenante-colonelle Blanche Read
La lieutenante-colonelle Blanche Read
Blanche Read, la femme du chef d'état-major John Read, s'impliquait activement dans le travail social. Elle était particulièrement préoccupée par le sort des filles « dévoyées ».
Photographie tirée de The Lady with the Other Lamp: The Story of Blanche Read Johnston, de Mary Morgan Dean, Toronto, 1919.

Pendant le 20e siècle, l'Armée du Salut a poursuivi sa croissance de manière significative en recrutant de nouveaux membres sur la côte ouest de Terre-Neuve, puis au Labrador. L'essor de cette Église, qui comptait plus de 20 000 membres en 1945, a toutefois été plus important dans les régions où elle était déjà établie. En 1923, l'Armée du Salut de St. John's a parrainé la construction du Grace Hospital, le premier hôpital de la colonie spécialisé dans les soins de maternité.

Le Grace Hospital, St. John's, T.-N.-L.
Le Grace Hospital, St. John's, T.-N.-L.
Le Grace Hospital a été le premier hôpital de Terre-Neuve-et-Labrador spécialisé dans les soins de maternité.
Avec la permission du George Scott Railton Heritage Centre, North York, Ontario.

La structure organisationnelle de l'Armée du Salut à Terre-Neuve-et-Labrador comprend trois divisions (Est, Ouest et Centre) et elle comptait plus de 30 000 membres en 1993. Terre-Neuve-et-Labrador est la province canadienne où l'on trouve le plus haut pourcentage d'effectifs de l'Armée du Salut. Les salutistes de la province ont donc joué un rôle important, de diverses manières, aux niveaux national et international.

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