Le tsunami de 1929

Le 18 novembre 1929, un tsunami déferle sur la péninsule de Burin à Terre-Neuve. Il provoque d'énormes dégâts matériels et de nombreuses pertes de vie. Des vagues géantes envahissent la côte à 40 km à l'heure. Elles submergent des douzaines de collectivités et jettent à la mer des habitations entières. Le tsunami fait 28 morts et laisse sans abri des centaines de citoyens. Cette catastrophe naturelle engendrée par un séisme est la plus dévastatrice de l'histoire de Terre-Neuve-et-Labrador et survient au début de la Crise économique mondiale.

Après le tsunami de novembre 1929
Après le tsunami de novembre 1929
Le tsunami de 1929 produit des dégâts matériels se chiffrant à environ 1 million de dollars dans la péninsule de Burin à Terre-Neuve.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 334.1.01), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Malgré la puissance du tremblement de terre qui donne naissance à ce tsunami, les habitants n'ont aucune idée du désastre qui les guette. L'est de l'Amérique du Nord subit rarement de forts tremblements de terre. Terre-Neuve et le Labrador encore moins. En 1929, le dominion ne peut même pas compter sur des sismographes et des marégraphes pour l'avertir de l'imminence d'un tsunami. Par ailleurs, la seule ligne télégraphique qui relie la péninsule au reste de l'île n'est plus en service en raison d'une récente tempête. Ce n'est que trois jours plus tard que le gouvernement Squires est informé de la tragédie et envoie du secours.

Un séisme dans les Grands Bancs

À 17 h 02, le lundi 18 novembre 1929, un tremblement de terre sous-marin secoue la partie limitrophe méridionale des Grands Bancs à environ 265 kilomètres au sud de la péninsule de Burin. D'aussi loin à l'ouest que New York et Montréal et à l'est que le Portugal, des sismographes enregistrent ce séisme d'une magnitude de 7,2 à l'échelle de Richter. Dans la péninsule elle-même, le sol tremble pendant environ cinq minutes sans occasionner de dégâts aux habitations et autres structures. Les habitants n'ont jamais vécu de tremblement de terre. Si certains devinent ce qui se passe, l'idée d'un tsunami est inexistante.

Dans les Grands Bancs, le séisme déclenche un immense glissement de terrain sous-marin qui génère à son tour une onde océanique. La surface de l'océan se plisse en grosses vagues. Le tsunami fonce vers Terre-Neuve à une vitesse avoisinant les 140 km à l'heure avant de ralentir à 40 km à l'heure en eau moins profonde. Les marégraphes des Bermudes, du Portugal, des Açores et ceux installés le long de la côte est des États-Unis suivent sa trajectoire. Pour leur part, les habitants de l'île ignorent que des vagues géantes se dirigent à toute vitesse vers le littoral méridional.

Le tsunami frappe la péninsule de Burin

Vers 17 h 30, des riverains de la péninsule remarquent une chute du niveau de la mer. C'est le creux de la première vague du tsunami qui touche la côte. À mesure que l'eau se retire vers la mer, de grands pans du plancher océanique se retrouvent à découvert. Les bateaux amarrés aux quais basculent sur leurs flancs. Quelques minutes plus tard, trois vagues se fracassent successivement sur le rivage. Le niveau de l'eau monte de façon spectaculaire. Le niveau de la mer s'élève de 3 à 7 mètres un peu partout, mais dans certaines baies, il dépasse 13 à 27 mètres comme à Port au Bras, St. Lawrence et Taylor's Bay.

Port au Bras après le tsunami de novembre 1929
Port au Bras après le tsunami de novembre 1929
Des débris s'entassent sur la côte de Port au Bras dans la péninsule de Burin à Terre-Neuve.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 334.1.03), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La surpuissance des vagues arrache les maisons de leur fondation et emporte les goélettes et d'autres embarcations vers la mer. Ces vagues destructrices n'épargnent pas les chafauds, les vigneaux, les quais, les entrepôts à poisson ni quelque autre bâtiment bordant le long littoral de la péninsule. Le tsunami balaie à la mer environ 127 000 kilogrammes de morue salée. Plus de 40 villages sont ravagés. À Point au Gaul, de gigantesques vagues démolissent près de 100 bâtiments, le matériel de pêche de la collectivité et le ravitaillement en vivres. St. Lawrence voit disparaître ses vigneaux, ses chafauds et ses bateaux à moteur. Le gouvernement évaluera plus tard l'étendue des dégâts dans la péninsule à 1 million de dollars.

Maison détruite, novembre 1929
Maison détruite, novembre 1929
Une des nombreuses maisons détruites par le tsunami dans la péninsule de Burin.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.01), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

L'importance des dégâts pâlit en comparaison du nombre de morts. Vingt-huit personnes perdent la vie dans le sud de l'île de Terre-Neuve, le plus grand nombre de décès associés à une catastrophe naturelle dûment recensée causée par à un séisme dans l'histoire du Canada. Vingt-cinq d'entre elles perdent la vie par noyade (six corps emportés par la mer ne seront jamais localisés), les trois autres, plus tard, d'un choc traumatique ou de leurs blessures. Les personnes décédées vivaient dans six collectivités : Allan's Island, Kelly's Cove, Point au Gaul, Lord's Cove, Taylor's Bay et Port au Bras. Parce que le tsunami a frappé en soirée, à une heure où les gens ne dormaient pas encore, ils ont pu réagir promptement à la montée des eaux. Nombreux sont ceux qui ont pu fuir et se réfugier dans les hauteurs.

Les conséquences

Les trois vagues principales du tsunami ne mettent que 30 minutes à parvenir à la péninsule de Burin, mais il s'écoulera deux heures avant que ne baisse le niveau de l'eau. Après ce désastre, des milliers de survivants désorientés et terrassés recherchent les morts et les blessés. Ils tentent aussi de récupérer ce qu'ils peuvent parmi les débris qui recouvrent la côte. À l'aide de rares bateaux encore intacts, des groupes secourent les survivants précipités dans la mer ou prisonniers d'habitations maintenant flottantes. Des centaines d'habitants sans foyer sont accueillis par des parents ou des voisins. Ainsi, à Taylor's Bay, seules cinq habitations sur 17 sont en état d'abriter des rescapés.

Débris du tsunami, 1929
Débris du tsunami, 1929
Les survivants cherchent à sauver ce qu'ils peuvent parmi les débris.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 391.1.10), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

La seule ligne télégraphique de la péninsule est endommagée à la suite d'une tempête qui a sévi le week-end précédent. La région est donc isolée du reste de l'île. La situation des habitants n'en est que plus précaire. Le tsunami a également saccagé toutes les lignes terrestres reliant entre elles les collectivités côtières de la péninsule. Un bateau amarré à Burin est muni d'une radio sans fil, mais ni l'équipage ni les citoyens n'en connaissent le fonctionnement. Les survivants, sans moyens de communication avec l'extérieur, mettent en commun denrées, abris et ressources médicales en attendant les secours.

En début de matinée, le 21 novembre, le SS Portia s'arrête comme prévu au port de Burin. Il est équipé d'une radio sans fil dont l'opérateur transmet immédiatement à St. John's un message l'informant de la situation. Westbury Kean, le capitaine, écrit plus tard au quotidien Evening Telegram qu'il a été stupéfait en constatant les dégâts : " Imaginez notre stupeur en contournant l'entrée de la manche d'apercevoir un grand entrepôt dérivant lentement le long de la rive. Un peu plus loin, un autre entrepôt ou une habitation. Neuf bâtiments sont bientôt dénombrés, qui jonchent le rivage avant même notre arrivée au port. Un spectacle de désolation s'offrait à nous au port même. "

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Vidéo: Le tsunami de Burin de 1929