La Royal Air Force

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les bénévoles de Terre-Neuve-et-Labrador ont connu un taux de pertes humaines dans la Royal Air Force (RAF) plus élevé que dans toute autre branche des Forces armées britanniques. C'est peut-être une chance que la RAF ait recruté beaucoup moins de Terre-Neuviens et de Labradoriens que la Royal Navy ou l'Artillerie royale. Environ 20 % des 713 recrues ont perdu la vie avant la fin des hostilités.

Lloyd Burry, recrue de la RAF, dans les années 1940
Lloyd Burry, recrue de la RAF, dans les années 1940
Lloyd Burry, de Greenspond (Terre-Neuve), a servi en tant que radiotélégraphiste-mitrailleur au sein de la Royal Air Force pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Société historique Greenspond.

Servir dans la RAF était un travail aussi varié que dangereux et les recrues de Terre-Neuve-et-Labrador ont occupé diverses fonctions à travers le monde. Ces hommes ont patrouillé l'océan pour déceler les navires ennemis, effectué des raids au-dessus des territoires contrôlés par les forces de l'Axe, défendu la Grande-Bretagne contre les attaques aériennes et occupé différents emplois (p. ex. : mécaniciens, électriciens) avec les équipes au sol. Plusieurs d'entre eux ont aussi servi dans une unité de la RAF portant le nom de leur pays – le No. 125 (Newfoundland) Squadron (le 125e Escadron, Terre-Neuve).

Le Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique

Lorsque la guerre a éclaté, la RAF avait terriblement besoin de recrues supplémentaires, mais elle n'avait pas toutes les ressources nécessaires pour les entraîner de façon rapide et efficace. De plus, il n'y avait pas suffisamment de volontaires en Grande-Bretagne pour répondre aux besoins des forces aériennes en pilotes, navigateurs, artilleurs, etc. Par conséquent, en 1939, le ministère de l'Air a élaboré le Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique (aussi appelé Empire Air Training Scheme) afin de recruter et de former des pilotes de chasse originaires des Dominions de l'Empire. La RAF a choisi le Canada comme principal champ de manœuvres parce que ce pays était relativement près de la Grande-Bretagne tout en étant situé à bonne distance des hostilités; qu'il possédait des espaces ouverts peu peuplés idéals pour l'entraînement aérien; et qu'il pouvait fabriquer des cadres pour les aéronefs d'entraînement.

Signature du Plan d'entraînement aérien, le 16 décembre 1939
Signature du Plan d'entraînement aérien, le 16 décembre 1939
Le premier ministre canadien Mackenzie King (assis, à gauche) au moment de la signature du Plan d'entraînement aérien du Commonwealth britannique.
Photographe: Walter J. Turnbull. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-200350), Ottawa, Ontario.

En octobre 1939, la Commission de gouvernement a manifesté son intérêt pour le recrutement de volontaires intéressés par ce programme, mais le ministère de l'Air n'était pas encore prêt à accepter des recrues puisque les négociations relatives à l'élaboration du Plan d'entraînement aérien n'étaient pas encore terminées. Le ministère a toutefois invité la Commission à enrôler entre-temps des gens de métier aptes à travailler avec le personnel au sol de la RAF.

Le 23 mai 1940, le gouverneur sir Humphrey Walwyn a fait une annonce publique dans le but de recruter des volontaires de l'île et du Labrador, de 18 à 35 ans mesurant au moins 1,6 m (5 pi 4 po), pesant au moins 51 kg (112 lb) et « possédant une formation dans l'un des métiers suivants : appareilleur (mécanique de moteur), ingénieur en radiotélégraphie, mécanicien en radiotélégraphie, horloger ou horloger-réparateur, confectionneur d'instruments électriques, électricien et serrurier ». Le recrutement s'est fait lentement, car les gens de métier qualifiés dans ces domaines étaient peu nombreux. À la mi-juin, seulement 23 volontaires avaient quitté St. John's pour aller s'entraîner au Royaume-Uni. Par la suite, le recrutement de la RAF pour combler ses équipes au sol a aussi été freiné par le fait que la Royal Navy et l'Artillerie royale cherchaient elles aussi à enrôler des volontaires de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le recrutement pour le personnel navigant de la RAF

Au début de l'été, la RAF était enfin prête à intégrer des volontaires de Terre-Neuve-et-Labrador dans son Plan d'entraînement aérien. Le 22 juin, Walwyn a fait une deuxième annonce publique en demandant cette fois des hommes de 18 à 28 ans intéressés à devenir pilotes ou des hommes de 18 à 32 ans capables de servir comme radiotélégraphistes à terre/mitrailleurs de bord. Au mois d'août, un comité d'officiers de la RAF et de l'Aviation royale canadienne (ARC) s'est rendu à St. John's afin de procéder à la sélection des candidats. Avant la fin du mois, un premier contingent de 52 recrues – quatre pilotes, quatre navigateurs et 44 radiotélégraphistes-mitrailleurs – est arrivé à Toronto pour l'entraînement. La moitié de ces hommes sont morts avant la fin de la guerre.

Une fois arrivées au Canada, les recrues se sont entraînées dans un simulateur de vol, ont étudié la navigation et ont été initiées à divers exercices et manœuvres militaires. En octobre, la RAF a affecté ces hommes à l'une des nombreuses Écoles élémentaires canadiennes de pilotage où ils ont finalement effectué leurs premiers vols en solo avant d'être envoyés dans une École intermédiaire de pilotage. Après environ 100 heures de vol et 10 mois d'entraînement, les recrues accomplies recevaient leurs ailes de pilote et étaient déployées au Royaume-Uni.

Le 125e Escadron (Terre-Neuve)

Pendant ce temps, les efforts de recrutement à Terre-Neuve-et-Labrador s'avéraient de plus en plus difficiles et environ la moitié des candidats ne répondaient pas aux exigences médicales de la RAF. Pour remédier à la situation, au début de 1941, la Commission de gouvernement a remis 500 000 $ à la RAF afin d'aider à la mise sur pied du 125e Escadron (Terre-Neuve). En plus de contribuer à l'effort de guerre britannique, la Commission espérait que la création d'un escadron de Terre-Neuve inciterait plus de Terre-Neuviens et de Labradoriens à s'enrôler dans la RAF. C'est d'ailleurs au sein de cette force que plusieurs, parmi les 52 premières recrues, ont servi.

Écusson du 125e Escadron (Terre-Neuve)
Écusson du 125e Escadron (Terre-Neuve)
Avec la permission de Brian O'Malley.

Même si la Commission souhaitait que l'escadron soit uniquement composé de membres du personnel navigant et du personnel au sol de Terre-Neuve-et-Labrador, le Dominion ne comptait pas suffisamment de personnel expérimenté pour former une unité. La RAF a donc permis aux pilotes qui avaient participé précédemment à la bataille d'Angleterre et aux aviateurs des autres Dominions de venir compléter cette unité. Tout au long de la guerre, les recrues de Terre-Neuve-et-Labrador n'étaient qu'une minorité parmi le personnel de l'unité.

L'escadron de Terre-Neuve a fait de la chasse de nuit afin de déceler les avions et les navires ennemis à partir de 22 heures et parfois jusqu'après minuit. Les pilotes se voyaient d'abord confier un Defiant Mark I, un chasseur biplace doté d'une tourelle à l'arrière. Par la suite, ils pouvaient prendre les commandes d'appareils de types Beaufighter et Mosquito équipés d'un radar. Le poste de pilotage des Beaufighter portait le nom d'une ville ou d'une collectivité de Terre-Neuve – St. John's, Corner Brook, Deer Lake, Buchans, Harbour Grace, Grand Falls, Bell Island, Bonavista, St. George's, Heart's Content, Grand Bank et Botwood.

Membres du 125e Escadron (Terre-Neuve), s.d.
Membres du 125e Escadron (Terre-Neuve), s.d.
Avec la permission de Brian O'Malley.

Avant la fin de la guerre, l'escadron a détruit 44 avions ennemis et en a endommagé 20. Bien que des pilotes d'autres pays aient été crédités du succès de ces attaques, des volontaires de Terre-Neuve-et-Labrador y ont pris part. La nuit du 28 juillet 1944, le sergent de section Royal Cooper, de baie Trinity, a descendu le premier missile V1 – un nouveau type de missile guidé utilisé avec grand succès par les forces allemandes.

Royal Cooper (à gauche) et Patrick O'Malley, vers 1944
Royal Cooper (à gauche) et Patrick O'Malley, vers 1944
Cette photo fut prise par un photographe officiel qui se trouvait sur le terrain d'aviation lors du retour d'une sortie de Cooper et O'Malley. L'avion de guerre Mosquito était équipé d'un canon dans la section visible de l'appareil derrière les deux aviateurs. Cooper a écrit un livre intitulé Tales from a Pilot's Logbook au sujet de sa carrière d'aviateur avant et durant la guerre.
Photographe inconnu. Avec la permission de Brian O'Malley, fils de Patrick O'Malley dans la photo.

Le 26 avril 1942, le lieutenant d'aviation Randal George White, de St. John's, a attaqué un avion allemand, ce qui a valu à son escadron une mention de « destruction probable ». Le 11 février 1945, White est devenu le Terre-Neuvien ayant accédé au rang le plus élevé au sein de la RAF alors que les autorités l'ont nommé commandant de l'escadron.

Divers autres rôles

En plus de servir dans le 125e Escadron (Terre-Neuve), des volontaires de Terre-Neuve-et-Labrador ont fait partie de diverses unités de la RAF et ont accompli une grande variété de tâches sur tous les théâtres de guerre. Par exemple, l'aviateur-chef Hubert French, de l'île Bell, a servi comme artilleur en Inde et au Myanmar (ex-Birmanie), tandis que le lieutenant d'aviation Walter Vatcher a fait partie d'un escadron de chasse qui a procédé à un raid aérien sur Dieppe en août 1942.

Le pilote le plus décoré de Terre-Neuve-et-Labrador a été le navigateur Allan Ogilvie, de Grand Falls, qui a reçu la Croix du service distingué (DFC - Distinguished Flying Cross) dans l'aviation après avoir accompli sa 50e mission de combat. Toutefois, le 11 mars 1943, alors qu'il revenait de sa 51e mission, un avion de chasse ennemi a descendu son avion, ce qui l'a contraint d'atterrir en parachute dans une zone du nord de la France occupée par les Allemands. Avec l'aide de la résistance française, Ogilvie a effectué un long et dangereux voyage de trois mois pour se rendre en Angleterre, où la RAF n'a pas tardé à ajouter une agrafe à sa DFC pour souligner son courage et son héroïsme.

La fin de la guerre

À la fin des conflits sur le front européen, en mai 1945, la RAF a continué d'envoyer des recrues sur le théâtre du Pacifique jusqu'à ce que le conflit contre le Japon prenne fin au mois d'août. Le 125e Escadron (Terre-Neuve) est resté en Angleterre et a consacré la plus grande partie de l'été à faire des vols d'essai avec un nouveau modèle d'Avion Mosquito au-dessus du Royaume-Uni et de l'Allemagne occupée. L'unité a été démantelée le 20 novembre 1945 et, à la fin de la guerre, la plupart des recrues de la RAF de Terre-Neuve-et-Labrador étaient de retour à domicile. Les pertes étaient toutefois élevées : de 1940 à 1945, 135 hommes sont morts en devoir parmi les aviateurs et le personnel au sol.

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