Résolutions adoptées à la Conférence de Québec (1864)

"Rapport sur les résolutions adoptées à la Conférence des délégués des Provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et des Colonies de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard, tenue dans la ville de Québec le 10 octobre 1864, à titre de base d'une proposition de Confédération de ces Provinces et Colonies." Journal de l'Assemblée législative, 1865, annexe, p. 854-873.

1. Une union fédérale sous la Couronne de la Grande-Bretagne aurait l'effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité de l'Amérique du Nord britannique, pourvu qu'elle puisse s'effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces.

2. Le meilleur système de fédération pour les provinces de l'Amérique du Nord britannique, le plus propre, dans les circonstances, à protéger les intérêts des diverses provinces et à produire l'efficacité, l'harmonie et la stabilité dans le fonctionnement de l'union, serait un gouvernement général chargé du contrôle des choses communes à tout le pays, et des gouvernements locaux pour chacun des deux Canadas, et pour la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, lesquels seraient chargés du contrôle des affaires locales dans leurs juridictions respectives, des dispositions étant prises pour admettre dans l'union, à des conditions équitables, Terre-Neuve, le Territoire du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et Vancouver.

3. En élaborant une constitution pour le gouvernement général, la Conférence, afin de resserrer autant que possible les liens qui nous unissent à la mère-patrie et de servir les plus chers intérêts des habitants de ces provinces, désire, autant que le permettront les circonstances, prendre pour modèle la Constitution anglaise.

[La résolution 4 confie « le pouvoir et le gouvernement exécutif au Souverain du Royaume- Uni »; et la résolution 5 désigne le Souverain commandant en chef des forces armées.]

6. Les provinces fédérées seront représentées par une législature ou un Parlement général, composé d'un Conseil législatif et d'une Chambre des communes.

7. En vue de la formation du Conseil législatif, les provinces fédérées seront divisées comme suit : 1. Le Haut-Canada; 2. Le Bas-Canada; 3. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, chaque division ayant un nombre égal de représentants dans le Conseil législatif.

8. Le Haut-Canada sera représenté au Conseil législatif par 24 membres, le Bas-Canada par 24, et les trois provinces maritimes aussi par 24, dont dix pour la Nouvelle-Écosse, dix pour le Nouveau-Brunswick et quatre pour l'Île-du-Prince-Édouard.

9. La colonie de Terre-Neuve aura le droit de se joindre à l'union projetée avec une représentation de quatre membres au sein du Conseil législatif.

[La résolution 10 prévoit l'entrée future du « Territoire du Nord-Ouest, de la Colombie Britannique et de Vancouver ». Les résolutions 11-16 traitent de la composition du Conseil législatif ou Sénat.]

17. La représentation à la Chambre des communes aura pour base la population dont le chiffre sera déterminé par un recensement officiel fait tous les dix ans; et le nombre des membres sera d'abord de 194, distribués comme suit :

Haut-Canada :  ..........  82
Bas-Canada :  ..........  65
Nouvelle-Écosse :  ..........  19
Nouveau-Brunswick :  ..........  15
Terre-Neuve :  ..........    8
Île-du-Prince-Édouard :  ..........    5


[Les résolutions 18 à 28 traitent plus en détail de la Chambre des communes.]

29. Le Parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées (sans porter atteinte à la souveraineté de l'Angleterre), et en particulier sur les sujets suivants :

  1. la dette et la propriété publiques;
  2. la réglementation du commerce;
  3. l'imposition ou la réglementation des droits de douane sur les importations et sur les exportations (…);
  4. l'imposition ou la réglementation de droits d'accise;
  5. le prélèvement de deniers par tous autres modes ou systèmes de taxation;
  6. les emprunts d'argent sur le crédit public;
  7. le service postal.

[Les sous-résolutions 8 à 37 énumèrent les autres attributions du gouvernement fédéral. Les résolutions 30 à 37 traitent des affaires extérieures et du système juridique.]

GOUVERNEMENTS LOCAUX

38. Chaque province aura un officier exécutif appelé lieutenant-gouverneur, lequel sera nommé par le gouverneur général en conseil (...).

[Les résolutions 39 et 40 traitent du bureau du lieutenant-gouverneur]

41. Les gouvernements et les parlements des diverses provinces seront constitués de la manière que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos d'établir.

42. Les législatures locales auront le pouvoir d'amender ou de modifier de temps à autre leur constitution.

43. Les législatures locales auront le pouvoir de faire des lois sur les sujets suivants :

  1. la taxation directe (…);
  2. les emprunts d'argent sur le crédit de la province;
  3. l'établissement de bureaux locaux et la manière dont ils seront tenus, et la nomination et le paiement des officiers locaux;
  4. l'agriculture;
  5. l'immigration;
  6. l'éducation (sauf les droits et privilèges que les minorités catholiques ou protestantes dans les deux Canadas posséderont par rapport à leurs écoles séparées au moment de l'union);
  7. la vente et la gestion des terres publiques, à l'exception de celles qui appartiendront au gouvernement général;
  8. les pêcheries des côtes maritimes et de l'intérieur;
  9. l'établissement, l'entretien et l'administration des pénitenciers (…);
  10. l'établissement, l'entretien et l'administration des hôpitaux (…);
  11. les institutions municipales;
  12. les licences des boutiques, des auberges, des commissaires-priseurs et autres licences;
  13. les travaux locaux;
  14. la constitution en corporation de compagnies privées ou locales (…);
  15. la propriété et les droits civils, à l'exception de ce qui est attribué au Parlement général;
  16. les punitions par amendes, pénalités, emprisonnement ou autrement, pour contravention aux lois qui sont de leur compétence législative;
  17. l'administration de la justice, y compris la constitution, le maintien et l'organisation des cours de juridiction civile et criminelle ainsi que la procédure en matière civile;
  18. et généralement toutes les matières d'une nature privée ou locale non assignées au Parlement général.

[La résolution 44 traite des pardons aux criminels et les résolutions 45 à 53 de diverses questions.]

PROPRIÉTÉS ET DETTES

54. Tous fonds, tout argent en caisse, tous soldes entre les mains des banquiers et toutes autres valeurs appartenant à chaque province, à l'époque de l'union, appartiendront au gouvernement général, excepté pour ce qui est mentionné ci-dessous.

55. Les ouvrages et propriétés publics de chaque province, énumérés ci-dessous, appartiendront au gouvernement général :

  1. les canaux;
  2. les havres publics;
  3. les phares et les jetées ou quais;
  4. les bateaux à vapeur, les dragues et les autres vaisseaux publics;
  5. les améliorations sur les rivières et les lacs;
  6. les chemins de fer et actions ferroviaires, les hypothèques ou autres dettes des compagnies de chemin de fer;
  7. les routes militaires;
  8. les bureaux de douane, les bureaux de poste et les autres édifices publics, excepté ceux qui seront réservés par le gouvernement général à l'usage des législatures et des gouvernements locaux;
  9. les propriétés transférées par le gouvernement impérial, et connues sous le nom de propriétés d'artillerie;
  10. les arsenaux, les salles d'exercice, les habillements militaires et les munitions de guerre; et
  11. les terres réservées à des fins publiques.

56. Toutes les terres, toutes les mines, tous les minéraux et toutes les redevances qui appartiennent à Sa Majesté dans les provinces du Haut-Canada, du Bas-Canada, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard, pour l'usage de ces provinces, appartiendront respectivement aux gouvernements locaux des territoires où ils sont situés, sous réserve toutefois des fidéicommis et des intérêts d'autres tiers qui pourront exister relativement à ces terres.

57. Toutes les sommes d'argent dues par les acquéreurs ou les locataires de ces terres, mines ou minéraux à l'époque de l'Union appartiendront aussi aux gouvernements locaux.

58. Toutes valeurs ou propriétés se rattachant aux parties de la dette publique d'une province dont seront chargés les gouvernements locaux, appartiendront aussi à ces gouvernements respectivement.

59. Les diverses provinces demeureront en possession de toutes les autres propriétés publiques situées dans leurs limites; mais le gouvernement général aura le droit de s'approprier les terres ou les propriétés publiques dont il aura besoin pour les fortifications ou la défense du pays.

60. Le gouvernement général devra assumer toutes les dettes et les obligations des diverses provinces.

61. La dette du Canada qui ne sera pas spécialement à la charge du Haut et du Bas-Canada respectivement,

ne devra pas, au temps de l'union, dépasser  ..........  62 500 000 $.
La Nouvelle-Écosse entrera dans l'union avec une dette ne dépassant pas  ..........    8 000 000 $
et le Nouveau-Brunswick avec une dette ne dépassant pas  ..........    7 000 000 $.

62. Dans le cas où la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick ne contracteraient pas d'obligations au-delà de celles auxquelles ces provinces sont actuellement assujetties, et que leurs dettes seraient respectivement inférieures à 8?000?000 $ et 7 000?000 $ au moment de l'union, elles auront droit à un intérêt de cinq pour cent sur la différence qui existera, de la même manière qu'il est établi ci-dessous pour Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard. (…)

63. Comme Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard n'ont pas contracté de dettes égales à celles des autres provinces, leurs gouvernements respectifs auront droit de recevoir à l'avance du gouvernement général, en paiements semi-annuels, l'intérêt de cinq pour cent sur la différence qui existera entre le montant de leurs dettes respectives au moment de l'union, et la moyenne du chiffre de la dette, par tête, de la population du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

64. En considération du transfert du pouvoir de taxer à la législature générale, les provinces auront droit respectivement à un octroi annuel de 80 cents par tête, d'après le recensement de 1861. La population de Terre-Neuve est évaluée, pour cet objet, à 130?000 âmes. Les provinces ne pourront rien réclamer de plus à l'avenir du gouvernement général pour les besoins locaux, et cette aide sera payée d'avance tous les six mois, à chacune d'elles.

65. Comme la position du Nouveau-Brunswick est telle qu'il devra imputer immédiatement des dépenses considérables sur son revenu local, il recevra annuellement, durant dix ans, une somme additionnelle de 63?000 $. Mais, tant que ses dettes resteront au-dessous de 7?000?000 $, on déduira, sur cette somme de 63?000 $, un montant égal à l'intérêt sur la différence.

66. Terre-Neuve, en considération de l'abandon de ses droits sur les mines, les minéraux et les terres de la Couronne non encore vendues ni occupées, recevra annuellement 150?000 $ en paiements semestriels. Mais cette colonie se réserve le droit d'ouvrir, de construire et de contrôler les chemins et ponts dans les limites de ces mêmes terres, sous réserve toutefois des lois que le Parlement général croira devoir adopter à cet égard.

67. Le gouvernement général devra remplir tous les engagements qui pourront avoir été pris, avant l'Union, avec le gouvernement impérial, pour la défense des provinces.

68. Le gouvernement général devra faire compléter sans délai le chemin de fer Intercolonial, de Rivière-du-Loup à Truro, en Nouvelle-Écosse, en le faisant passer par le Nouveau-Brunswick.

69. La Convention considère les communications avec le Territoire du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement du commerce du Grand-Ouest avec la mer comme étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées (…).

70. Il faudra réclamer la sanction du Parlement impérial et des Parlements locaux pour l'union des provinces selon les principes adoptés par la Conférence.

71. Sa Majesté la Reine sera priée de déterminer le rang et le nom des provinces fédérées.

72. Les délibérations de la Conférence seront signées par les délégués et soumises par chaque délégation locale à son gouvernement respectif, et le président de la Conférence est autorisé à en soumettre une copie au gouverneur général afin que celui-ci puisse la transmettre au secrétaire d'État pour les colonies.

English version