Rapport des délégués de Terre-Neuve à la Conférence de Québec (1865)
Journal de la Chambre d'assemblée, 1865, Annexe.
St. John's, le 21 janvier 1865
Monsieur,
Le Gouvernement de notre Colonie nous ayant conféré l'honneur d'agir comme ses délégués à Québec pour la Convention générale des Colonies sur l'Union des Provinces de l'Amérique du Nord britannique, nous sommes montés à bord du vapeur St. George le 23 septembre et sommes arrivés à destination sans encombre. (...)
Précédemment, alors que des délégués de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard s'étaient réunis à Charlottetown pour étudier la possibilité d'une Union législative de ces Provinces, des membres du Gouvernement canadien ont profité de l'occasion pour leur proposer une Union de toutes les Provinces; cette suggestion a été reçue avec un tel intérêt que l'étude de la question préalable a été suspendue et que celle de la nouvelle proposition a été évaluée et discutée. La réunion s'est ensuite prolongée à Halifax, où les délégués ont poursuivi leurs délibérations, qui ont mené à une résolution sur la tenue d'une autre conférence, à Québec cette fois, à laquelle Terre-Neuve serait invitée à envoyer ses représentants.
Bien que le sujet ait été discuté dans toutes ses grandes lignes à ces réunions antérieures, il était maintenant nécessaire de le considérer plus spécifiquement en relation avec la position que les Colonies respectives occuperaient dans l'Union envisagée; en outre, les délégués de Terre-Neuve n'ayant pas assisté aux réunions précédentes, il a été suggéré qu'on leur expose le projet en détail. L'idée a été approuvée et les délibérations ont été entamées par l'Hon. John A. MacDonald, Procureur général du Haut-Canada, qui a exposé les nombreux avantages de réunir les collectivités partageant le statut de Colonies de l'Amérique du Nord britannique, non seulement en raison de la situation de ces Provinces dans leur état actuel vis-à-vis les unes des autres, mais aussi de l'expérience du bon fonctionnement de l'Union des Canadas et de l'exemple plus éloquent des États voisins qui, une fois séparés de leur mère-patrie, se sont constitués en une Union puissante. M. McDonald a aussi été souligné la pertinence d'une telle Union comme la politique clairement désirée par le Gouvernement britannique qui estime, avec justesse, le moment venu pour les Provinces de l'Amérique du Nord britannique d'assumer la position exigée par leurs populations, leur richesse, l'étendue de leur territoire, et leur importance croissante : ce ne serait donc que par une Union de l'ensemble qu'elles pourraient se tailler la place de choix qui s'offre à elles, place qu'elles ne sauraient atteindre isolément.
Pour la formulation d'une Constitution, on a considéré attentivement les défauts du système américain. Si la sagesse des personnes qui ont formulé cette Constitution a été confirmée par son succès depuis trois-quarts de siècle, elle comporte des principes qui l'ont rendue inapte à résister aux pressions de la crise qui a éventuellement éclaté, une leçon qui s'est révélée fort utile dans nos réflexions. Le principal défaut du système fédéral des États-Unis réside dans la faiblesse de son exécutif : confrontés à une crise, ils ont été contraints d'appliquer des pouvoirs extérieurs à la loi et de soumettre les libertés privées et publiques à des pouvoirs arbitraires.
On a relevé à la Conférence un consensus à l'effet qu'une union législative serait la plus avantageuse à la Confédération générale; en vertu d'un tel système, le Gouvernement aurait un pouvoir plus étendu et une influence plus directe. Mais plusieurs arguments sont venus limiter la faisabilité de cette idée. Les citoyens du Bas-Canada s'opposeraient à tout plan susceptible de limiter leur contrôle direct sur leurs institutions particulières; il semble aussi que l'opinion publique dans ces provinces n'était pas prête au bouleversement qu'entraînerait l'abrogation de leurs législatures locales.
Ces idées ayant été évaluées à fond, la Conférence a donné son accord à sa première résolution : « Que les meilleurs intérêts et la prospérité présente et future de l'Amérique du Nord britannique soient favorisés par une Union fédérative soumise à la Couronne de Grande-Bretagne, en s'assurant qu'une telle Union soit fondée sur des principes équitables pour les diverses Provinces. »
Dans les Résolutions adoptées à la Conférence pour réaliser cette Union, on s'est efforcé d'éviter les causes de faiblesse révélées par l'application de la Constitution américaine. Le Gouvernement général sera fondé sur les principes du système colonial actuel, les responsabilités exécutives demeurant les mêmes, tout en n'étant pas dépendantes, en termes d'organisation et de pouvoir, du bon vouloir ou des actions de l'un ou l'autre des Gouvernements locaux, comme c'est le cas aux États-Unis. La structure de ces dernières administrations demeure dans chaque cas la prérogative des législatures locales actuelles; une uniformité organisationnelle n'étant pas nécessaire, on leur laisse à chacune le loisir de formuler les arrangements à cet égard que motivent les circonstances et les conditions spécifiques à chaque province. Les attributions du Gouvernement général et des Gouvernements locaux sont déterminées de manière à prévenir toute cause de conflit prévisible – tous les pouvoirs de nature générale étant confiés au Gouvernement général, et les affaires locales étant laissées aux organismes subalternes.
Il a été décidé à l'unanimité que le principe de Conseils élus ne soit pas adopté dans la nouvelle Constitution, et que des représentants, nommés pour la vie, soient assignés au Gouvernement général. Dans la composition de cette section de la Législature, les Basses Provinces disposeraient d'une représentation supérieure à leur poids, si seule la population était considérée. Aux fins de cet arrangement, il a été proposé aux réunions tenues à l'Île-du-Prince-Édouard et à Halifax que le Haut-Canada et le Bas-Canada constituent chacun une section, et que les Basses Provinces en forment une troisième, chaque section étant dotée d'une représentation égale. Quelques désaccords sont survenus quant à l'idée d'inclure Terre-Neuve dans le nombre accordé aux Basses Provinces, mais les délégués canadiens, qui avaient d'abord voulu inclure Terre-Neuve dans cet arrangement, ont fini par céder sur ce point, ajoutant quatre membres additionnels pour cette colonie. Il pourrait sembler dans ce cas que nous ayons reçu moins de représentants que ne le justifierait notre poids relatif, mais ce serait aussi le cas pour le Haut-Canada et la Nouvelle-Écosse si cette question était considérée d'un strict point de vue mathématique. Si un projet de l'envergure de cette Union des Provinces, avec les intérêts nombreux et variés qu'il comporte, n'était pas envisagé dans un esprit de compromis équitable, on comprendra sans mal qu'aucun résultat satisfaisant ne pourrait être atteint; à cet égard, les délégués du Haut-Canada, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve ont accepté une concession de droits extrêmes au profit des autres Provinces, même si notre colonie, en regard du total des populations, en tire une plus grande part que ne lui accorderait la simple application de cette règle.
Seul le principe des populations gouverne la composition de la Chambre basse, qui devra compter 196 membres, dont huit seraient accordés à notre Colonie. On verra que ce nombre nous donnerait une représentation complète dans la Chambre populaire, qui est l'organisme doté de l'influence et du pouvoir de tout gouvernement fondé sur les principes du gouvernement responsable.
Le Gouvernement général assumera les dettes publiques des diverses Provinces selon un calcul équitable, aucune Province n'étant tenue de payer plus que ses propres obligations.
La cession au Gouvernement général des recettes des douanes inclut la disposition que ce dernier remettra aux diverses Provinces des subventions pour défrayer leurs institutions locales. Aucune des Provinces n'est heureuse avec le principe d'une imposition directe, bien qu'elle existe jusqu'à un certain point partout, sauf dans notre colonie. Nous croyons toutefois qu'à cet égard nous ne pouvions pas accepter de nuire à notre position exceptionnelle, bien que le montant de la subvention proportionnelle, suffisant pour les besoins des autres Provinces, ait été insuffisant pour nos besoins. Pour nous éviter de devoir recourir à une taxation directe pour combler cette insuffisance de moyens, il a été convenu que Terre-Neuve reçoive une subvention spéciale de cent cinquante mille dollars par an, en compensation pour le transfert au Gouvernement général du contrôle de nos ressources minérales et de nos terres de la Couronne non concédées et inoccupées, arrangement qui répond de manière satisfaisante à la question de nos moyens.
La nature complète et explicite du compte rendu de la Conférence, que nous vous prions d'accepter en annexe, rend inutile de décrire plus en détail ce sujet important qui a tenu les délégués occupés dix heures par jour entre le 10 et le 27 octobre, date où nos travaux ont pris fin et où le rapport a été accepté à l'unanimité.
Des représentants de tous les partis, venus des diverses Provinces de l'Amérique du Nord britannique, ont pris part à la Conférence; mais le poids des différences locales n'a pas affecté les délibérations. C'est sans hésitation que nous voulons certifier qu'aucune conférence n'a jamais été conduite avec une conscience plus vive de l'importance de l'occasion, ou avec un désir plus unanime de parvenir aux meilleurs résultats vu les intérêts considérables en jeu. S'il est impossible de conclure que le rapport satisfait sur tous les points aux opinions personnelles de chacun des Délégués, il a été adopté dans son ensemble sans réserve. Il marque l'aboutissement du meilleur jugement de la Conférence, dénué de parti-pris pour l'avancement indu des intérêts d'un parti ou d'un secteur; l'esprit de discussions éclairées qui a dominé le processus dont a résulté le présent rapport ne manquera pas de lui valoir un attention soutenue de tous ceux dont il affectera les intérêts. Quant à nous, nous sommes heureux de déclarer que nous avons signé ce rapport avec l'entière conviction que le bien-être de la Colonie sera assuré par l'adhésion à l'Union qui y est proposée, et que nous ne saurions le rejeter sans aggraver les retombées néfastes de notre isolement actuel.
Nous vous prions de considérer en annexe un état des montants et des détails des charges dont notre colonie serait soulagée en vertu de la Confédération, et le montant dont pourrait disposer le Gouvernement local.
Nous sommes honorés de demeurer, Monsieur,
Vos plus fidèles serviteurs,
F. B. T. CARTER.
A. SHEA.
TERRE-NEUVE
Frais payables par le Gouvernement Général.
Gouverneur et secrétaire | ........... | 2 280 £ |
Receveur général | ........... | 500 £ |
Administration des douanes | ........... | 7 625 £ |
Arpenteur en chef | ........... | 400 £ |
Ingénieur | ........... | 150 £ |
Trois juges | ........... | 2 548 £ |
Intérêt sur la dette | ........... | 10 210 £ |
Service postal par vapeurs | ........... | 5 150 £ |
Protection des pêches | ........... | 600 £ |
Bureau de poste | ........... | 3 281 £ |
32 744 £ Sterling |
Actifs applicables aux fins du Gouvernement Local
Intérêt de 5 pour cent sur la subvention de $3 250 000 | ........... | 162 500 $ |
80 cents par personne pour 130 000 habitants | ........... | 104 000 $ |
Subvention pour la cession de terres de la Couronne | ........... | 150 000 $ |
416 500 $ | ||
Moins l'intérêt à payer sur la dette publique de 10 210 £ Sterling | ........... | 47 124 $ |
369 376 $ |