Souvenirs de la vie d'un premier ministre de Terre-Neuve

Extrait des archives de The Gazette Ffévrier 1994.

S'il est un peu tombé dans l'oubli aujourd'hui, le nom de Sir William Whiteway a sans doute été il y a un siècle l'un des plus célèbres à Terre-Neuve. Il était ce premier ministre qui, après avoir remporté une majorité à l'élection de novembre 1893, se battait pour sa survie politique dès janvier 1894 : en effet, les Conservateurs avaient déposé des pétitions contre Whiteway et plusieurs de ses collègues Libéraux, les accusant de fraude électorale.

Sir William Whiteway au début des années 1900.
Sir William Whiteway au début des années 1900.
Cette photo a été prise entre 1901 et 1908 par Lafayette Ltd. de Londres, Dublin, Glasgow, Manchester et Belfast, un studio qui s'annonçait fièrement « Photographes du Roi et de la Reine ».
Reproduction autorisée par Archives and Special Collections (Coll - 026), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.).

Sir William Vallance Whiteway (1828-1908) est né et a fait ses études à Devon, en Angleterre. À 15 ans, il est arrivé à Terre-Neuve comme apprenti-commis, mais s'est vite dirigé vers l'étude du droit. Appelé au barreau en 1852, il a pratiqué le droit plusieurs années avant de se lancer en politique. Il a d'abord été élu député de Twillingate et Fogo à la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve à l'élection partielle de 1858. Réélu aux élections générales de 1859, 1861 et 1865, il a été nommé président de la Chambre en 1865, et a participé à cette époque aux délibérations sur la Confédération avec le Canada.

Son engagement en faveur de la Confédération a précipité sa défaite en 1869, mais il a été réélu député de Trinity en 1873, siège qu'il a conservé jusqu'en 1885, puis repris de 1889 à 1894. En 1874, il a été invité à se joindre à titre de solliciteur général au Cabinet de Sir Frederick Carter, auquel il a succédé en 1878 au poste de premier ministre. Il a occupé ces fonctions jusqu'en 1885, lorsque divers facteurs (sectaires, politiques et judiciaires) liés à la tristement célèbre Bagarre de Harbour Grace l'ont contraint à s'éloigner de la scène politique.

Il est redevenu premier ministre en 1889 et a été réélu en 1893. Disqualifié de la Chambre d'assemblée par la Cour suprême à la suite des pétitions susmentionnées, il a profité d'une loi spéciale pour redevenir député en 1895. Il a agi deux autres années comme premier ministre, jusqu'à sa défaite aux mains des Conservateurs à l'élection générale de 1897. Premier Terre-Neuvien nommé au Conseil privé du Royaume-Uni, il a été fait chevalier pour ses services à l'Empire. Membre à vie de l'Ordre des francs-maçons, il en est devenu le Grand Maître pour Terre-Neuve. Il est décédé à St. John's en 1908.

Médaille du jubilé de diamant de la Reine Victoria
Médaille du jubilé de diamant de la Reine Victoria
Reproduction autorisée par Archives and Special Collections (Coll - 026), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.).

Whiteway aura siégé pendant 30 ans à la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve, dont 14 ans comme premier ministre. Il croyait que l'avenir de Terre-Neuve résidait dans le développement de l'intérieur de l'île. Pour promouvoir ce développement, il a été le principal promoteur de l'aménagement d'un réseau ferroviaire à travers Terre-Neuve et un acteur de premier plan dans la construction de la cale sèche de St. John's et dans l'ouverture des mines de fer de l'île Bell. Il s'est battu pour l'extinction des droits accordés par traité à la France sur la côte ouest de Terre-Neuve et a joué un rôle crucial dans le règlement d'un conflit sur la pêche avec les États-Unis en 1887.

La résidence Whiteway, au 6, av. Riverview, à St. John's
La résidence Whiteway, au 6, av. Riverview, à St. John's
Reproduction autorisée par Archives and Special Collections (Coll - 026), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.).

En 1964, le fils de Whiteway, Maxse, a décidé de mettre en vente la résidence familiale de l'avenue Riverview, à St. John's. Au même moment, la bibliothécaire Agnes O'Dea était chargée par la bibliothèque de l'Université Memorial d'étoffer sa collection de livres de Terre-Neuve. C'est ainsi que la bibliothèque de l'université a acheté ce qu'il restait de la collection de livres de Whiteway, ainsi que les quelques documents personnels qui subsistaient. Le tout a été mis en réserve plusieurs années. Une fois triés et catalogués, on a réalisé qu'ils occupaient moins d'un mètre d'étagère, une quantité incroyablement faible de documents pour une personne qui avait passé plus de 30 ans en politique, avait exploité un cabinet d'avocats prospère, avait été Grand Maître de l'Ordre maçonnique de Terre-Neuve et avait vécu 80 ans!

Catherine, Lady Whiteway, et ses filles
Catherine, Lady Whiteway, et ses filles dans la salle de séjour
Reproduction autorisée par Archives and Special Collections (Coll - 026), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial of Newfoundland, St. John's (T.-N.-L.).

Cette collection comprend une abondante correspondance avec des électeurs et le grand public, des documents associés à la construction du chemin de fer et aux nombreux problèmes qui l'ont accompagnée, divers documents sur les pêches, la prospection minière, la force constabulaire, la banque Union, le grand incendie, l'Ordre des francs-maçons et des excursions de chasse et de pêche, ainsi que diverses plaidoiries et des papiers résidentiels. On y trouve des agendas et des albums de coupures, tant personnels que politiques, des livres de comptes et des documents immobiliers, notamment un plan d'étage de la maison familiale de Riverview, et plus de 300 photos de membres de la famille à la maison et durant divers voyages outre-mer, de Whiteway en expédition de chasse dans l'intérieur de Terre-Neuve, et un portrait très distingué de Whiteway réalisé par le studio Lafayette Ltd., en Angleterre. La collection comprend aussi la médaille qu'il a reçue à titre de représentant officiel de la colonie durant les célébrations du jubilé de diamant de la Reine Victoria, et une pétition manuscrite signée par plus de 300 résidants de la baie de la Trinité l'implorant de présenter sa candidature à l'élection de 1889. Malgré sa minceur, cette collection documentaire offre un témoignage remarquable d'un personnage qui aura peut-être été le Terre-Neuvien le plus influent du dernier quart du dix-neuvième siècle.

English version

Table des matières d'Archives and Special Collections (en anglais)