La Newfoundland Overseas Forestry Unit

En plus des marins, des pilotes d'avion et des soldats, Terre-Neuve-et-Labrador a envoyé quelque 3600 bûcherons outre-mer pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ces volontaires, qui formaient la Newfoundland Overseas Forestry Unit – NOFU – (l'Unité forestière terre-neuvienne d'outre-mer), ont aidé à fournir les produits de bois d'œuvre indispensables à l'exploitation charbonnière de la Grande-Bretagne.

Privé de ses sources d'importation habituelles, le gouvernement britannique a connu une sérieuse pénurie de bois à peine deux mois après le début des hostilités. Même si le Royaume-Uni comptait beaucoup de forêts, le pays manquait de bûcherons pour répondre à la hausse de la demande. L'industrie du charbon était au cœur de l'économie britannique en temps de guerre et dépendait d'un approvisionnement constant en soutènements miniers (pièces de bois servant de support pour le plafond des galeries souterraines).

Le 9 novembre, le Secrétaire d'État aux Dominions a fait parvenir un télégramme au gouverneur de Terre-Neuve, sir Humphrey Walwyn, lui demandant que 2000 hommes « capables de faire du bon travail avec une hache et une égoïne » soient envoyés en Grande-Bretagne pour travailler dans les forêts. Le gouvernement britannique propose alors la création d'une unité civile en alléguant qu'on manquerait de temps pour recruter, équiper et entraîner une unité militaire.

Les débuts du recrutement

La Commission de gouvernement a accepté la proposition des Britanniques et s'est empressée de rassembler les travailleurs requis. Dans un discours radiodiffusé le 17 novembre, le commissaire aux Ressources naturelles a lancé un appel à tous les volontaires de l'île. Deux jours plus tard, le gouvernement adoptait la Newfoundland Forestry Act (la Loi sur les forêts), laquelle autorisait la création de la Newfoundland Overseas Forestry Unit et édictait les règlements afférents. Les recruteurs ont noté une affluence de candidats intéressés à participer à l'effort de guerre outre-mer. Exception faite de la demande précédente de la Royal Navy britannique visant à recruter 625 volontaires, il s'agissait de la première opportunité offerte aux Terre-Neuviens de servir à l'étranger. À cause du nombre important de candidatures, on a dû trouver rapidement une façon d'identifier les candidats qui seraient les meilleurs pour travailler dans le domaine de la foresterie.

Les officiels ont conçu une procédure d'entrevue et un examen médical pour choisir les recrues. En moins de deux mois, les officiels ont sélectionné quelque 2150 volontaires âgés de 18 à 55 ans. Une fois acceptés, les hommes devaient s'engager pour une durée de six mois au Royaume-Uni et signer un contrat décrivant les modalités d'emploi. Ils seraient payés 2 $ par jour (le salaire minimum payé à l'époque par les sociétés papetières locales), mais ils devraient envoyer la moitié de leur salaire à leur famille restée à Terre-Neuve. Les salaires ont été réduits ultérieurement à 1 $ par jour pour toute absence au travail due à une maladie ou à un accident.

Le premier contingent de 350 hommes a quitté St. John's pour Liverpool le 13 décembre 1939. À la mi-février, l'unité entière était arrivée en Grande-Bretagne et avait commencé à travailler dans les forêts, lesquelles s'étendaient du sud de l'Angleterre aux Highlands d'Écosse. Les premières avancées ont été plutôt lentes. Tandis que le gouvernement britannique mettait l'accent sur les besoins immédiats en bûcherons, il continuait de tenter d'acquérir des terres à bois au moment de leur arrivée. De plus, il n'y avait aucun camp pour loger les forestiers à proximité des terres où ils étaient appelés à travailler. Certains hommes ont passé les premiers mois dans deux vastes camps militaires des Lowlands d'Écosse et ont commencé à bûcher de petits peuplements forestiers auxquels ils pouvaient accéder à pied; d'autres ont été dispersés à travers l'Écosse et l'Angleterre pour construire des camps près des forêts exploitables.

La plus grande partie du travail de construction des camps forestiers a pris fin au cours de l'été 1940, ce qui a permis aux forestiers d'aménager les camps militaires ailleurs et de concentrer leurs énergies à leur travail de bûcherons. Ils travaillaient 44 heures par semaine et avaient congé le samedi après-midi et toute la journée du dimanche. Ils appréciaient ce changement, eux qui au cours des premières semaines avaient dû travailler pendant 10 heures consécutives, et ce, six jours par semaine à la construction des camps. Les officiels du gouvernement ont aussi acquis de grandes terres à bois dans les Highlands d'Écosse, ce qui a permis d'étendre les opérations vers le nord. C'est là que les forestiers terre-neuviens ont fini par concentrer la plus grande partie de leurs efforts.

Au moment même où l'unité allait atteindre sa pleine capacité de production, elle a commencé à perdre certains de ses membres. À l'été 1940, après avoir terminé leurs six mois de service, de nombreux forestiers ont choisi de ne pas renouveler leur contrat afin de rentrer chez eux ou de s'enrôler dans les Forces armées britanniques. Le gouvernement britannique a alors demandé à Terre-Neuve de recruter 1000 autres volontaires, en exigeant cette fois que leur contrat soit valable pendant toute la durée de la guerre plutôt que pour une courte période de six mois. Le premier contingent de 205 hommes est arrivé en Angleterre le 14 juillet et un autre, composé de 800 hommes, est allé le rejoindre le mois suivant.

À la fin de 1940, quelque 30 camps de bûcherons avaient été établis dans environ 25 forêts d'Écosse et d'Angleterre. Chaque camp hébergeait de 30 à 100 hommes et comportait des baraquements, une cuisine de chantier, des cabinets de toilette, un bureau et divers bâtiments plus petits. Le travail était toutefois difficile et dangereux. Les hommes coupaient tout le bois à la main à l'aide d'une hache ou d'une scie à bûches en plus de monter les rondins sur les camions ou les trains chargés de leur transport. Certains d'entre eux ont eu des accidents de travail et 34 sont morts.

Pendant la période où le travail forestier était à son apogée, un camp typique de l'Unité forestière terre-neuvienne pouvait posséder un inventaire de soutènements miniers de plus de 100 différentes grosseurs variant de 60 cm (2 pi) de longueur et 5 cm (2 po) de diamètre à presque 3 m (10 pi) de longueur et 20 cm (8 po) de diamètre. L'unité produisait également des poteaux télégraphiques, du bois à pâte, ainsi que du bois d'œuvre utilisé pour la construction navale, la réparation des structures bombardées et l'édification d'abris contre les raids aériens. L'Unité forestière terre-neuvienne d'outre-mer envoyait tout son bois aux clients locaux par train ou par transport routier. La Grande-Bretagne n'était donc pas obligée d'importer du bois de l'étranger, ce qui aurait pris beaucoup trop de place sur les navires.

Le 3rd Inverness (Newfoundland) Battalion Home Guard

En plus de fournir au Royaume-Uni le bois d'œuvre dont il avait grandement besoin, l'Unité forestière terre-neuvienne a aussi participé à la défense nationale du pays. En 1940, lorsque le gouvernement britannique a lancé un appel pour recruter des civils aptes à former une garde nationale, de nombreux forestiers terre-neuviens se sont immédiatement portés volontaires. Deux ans plus tard, une grande concentration d'unités forestières dans le nord de l'Écosse a permis la formation d'une garde nationale entièrement composée de Terre-Neuviens. Le 30 septembre 1942, le 3rd Inverness (Newfoundland) Battalion Home Guard (le 3e Bataillon d'Inverness [Terre-Neuve] de la Garde nationale britannique) a été formé avec un effectif de plus de 700 hommes.

Les volontaires s'entraînaient le soir et en fin de semaine. Ils ont fait leur entraînement de base au cours du premier hiver pour être initiés ensuite au maniement des armes et aux exercices de combat. Un champ de tir et une piste à obstacles ont aussi été aménagés sur l'un des sites d'exploitation forestière déserts de Carrbridge. L'unité a été démantelée à la fin de 1944 (en même temps que toutes les compagnies de la Garde nationale britannique), et tous ses membres ont reçu la Médaille de la défense.

La fin de la guerre

Bien que le gouvernement ait libéré tous les forestiers de leur contrat lorsque les hostilités ont pris fin en mai 1945, environ 1200 Terre-Neuviens ont continué de travailler jusqu'à ce que les importations de bois d'œuvre reviennent aux niveaux d'avant-guerre. En juillet 1946, l'Unité forestière terre-neuvienne d'outre-mer ayant été démantelée, la plupart de ses membres sont retournés chez eux. Contre toute attente, leur réintégration dans la société d'après-guerre s'est avérée difficile. La Commission de gouvernement n'a pas reconnu les forestiers comme vétérans parce qu'ils avaient servi au sein d'une unité civile et non pas militaire. Elle les a également exclus des programmes de réinsertion sociale destinés à aider les soldats, les marins et les pilotes à se réadapter à la vie civile. Le gouvernement britannique a permis que les forestiers terre-neuviens aient accès à ses programmes de réinsertion sociale à condition qu'ils restent au Royaume-Uni. Après la Confédération, le gouvernement canadien a refusé de reconnaître les forestiers comme vétérans et de leur accorder les bénéfices liés à la guerre. La situation a changé en 1962 quand le gouvernement fédéral a, en vertu de la Loi sur les prestations de guerre pour les civils, officiellement reconnu la contribution des forestiers à l'effort de guerre. Presque quatre décennies plus tard, en 2000, George Baker, alors ministre des Anciens combattants, a annoncé que les membres de l'Unité forestière terre-neuvienne d'outre-mer avaient le droit de recevoir des bénéfices et des pensions.

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