La Newfoundland Ranger Force

La Commission de gouvernement a créé la Newfoundland Ranger Force (unité des rangers de Terre-Neuve et du Labrador) pendant l'hiver de 1935 pour offrir les services du gouvernement dans les régions isolées et du nord du pays. Pendant ses 15 années d'existence, l'unité constituait un lien important entre le gouvernement et les résidents des villages côtiers qui n'avaient aucun représentant élu pour faire part de leurs besoins quand la Commission était au pouvoir. Le travail des rangers prenait toute son importance au Labrador car c'était souvent les seuls à faire le lien entre la population et le gouvernement.

Les rangers Harold et Gladstone Guzzwell (à droite), vers 1935-1950
Les rangers Harold et Gladstone Guzzwell (à droite), vers 1935-1950
La Commission de gouvernement a créé la Newfoundland Ranger Force en 1935 pour offrir les services du gouvernement dans les régions isolées et du nord du pays.
Photographie reproduite avec la permission de Norman Crane.

Les rangers étaient des jeunes gens bien éduqués et en pleine forme physique, capables d'effectuer diverses tâches avec un minimum de supervision. Ils étaient chargés des paiements d'aide sociale, de faire appliquer les lois concernant la criminalité et la chasse, ils inspectaient les chantiers forestiers, ils aidaient à construire des routes, des ponts et d'autres travaux publics, ils ramassaient les frais douaniers et faisaient toutes sortes d'autres tâches. Lorsque l'unité a été dissoute en 1950, de nombreux rangers se sont joints à la Gendarmerie royale du Canada.

Le recrutement

Quand la Commission de gouvernement a été établie en 1934, la Royal Newfoundland Constabulary (RNC) était la seule force policière du pays mais elle n'était guère présente dans les régions rurales. En 1933-34, environ la moitié des quelques 170 hommes de la RNC servaient dans la péninsule d'Avalon. Les autres étaient éparpillés sur l'île de Terre-Neuve et au Labrador. Dans le but de renforcer leur administration dans les régions plus isolées, les responsables du gouvernement ont formé la Newfoundland Ranger Force. Ils voulaient que cette unité serve autrement qu'une force policière traditionnelle et les responsabilités supplémentaires d'un ranger comprenaient celles d'un inspecteur de la santé et responsable du bien-être social, sur le modèle de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). La GRC était un organisme paramilitaire chargé d'une variété de rôles, en particulier dans les régions éloignées et du nord du Canada. Alors que la RNC continuait à patrouiller dans les régions les plus peuplées du pays, notamment Corner Brook, Grand Falls et la péninsule d'Avalon, les rangers étaient envoyés dans les régions éloignées.

En septembre 1934, le commissaire des Ressources naturelles, John Hope Simpson, est allé à Ottawa où il a retenu les services d'un sergent-major nommé Fred Anderton pour créer un programme de formation pour les rangers. La première recrue, Brian J. White, a pris son service le 9 juillet. À la fin du mois, on comptait 30 hommes qui étaient en formation au quartier général des rangers à Whitbourne.

Les premières recrues, vers 1935
Les premières recrues, vers 1935
Sur cette photo, on voit quelques-unes des 30 premières recrues qui se sont engagées dans la Newfoundland Ranger Force.
Photographie reproduite avec la permission de Norman Crane.

Des exigences très strictes régissaient le recrutement des membres de l'unité. Les stagiaires devaient être en bonne forme physique, être âgés de 21 à 28 ans, mesurer au moins 1m75 (5' 9”) et peser au maximum 83 kg (185 livres). Ils devaient aussi avoir complété les études secondaires (11e année), ce qui éliminait beaucoup de jeunes gens dans les années 30 et 40. Ils s'enrôlaient pour une période de cinq ans et si un ranger souhaitait se retirer avant ça, il devait déverser une somme d'argent. Les recruteurs acceptaient seulement les célibataires mais si un ranger souhaitait se marier, il devait demander la permission après avoir complété cinq ans de service. Les rangers qui se mariaient sans demander la permission risquait d'être expulsés de l'unité.

Le gouvernement donnait des uniformes à toutes les nouvelles recrues et on s'attendait à ce que celles-ci maintiennent une apparence soignée et professionnelle pendant leur service. L'uniforme des rangers ressemblait à celui des officiers de la GRC mais il était de couleur kaki plutôt que rouge. En hiver, les hommes portaient une tuque en fourrure et un manteau et l'uniforme de cérémonie pour les occasions spéciales était en serge bleue.

Le service actif

Après trois mois d'entraînement, les trente recrues du premier groupe sont allées prendre leur poste. Sept rangers travaillaient au quartier général de Whitbourne et les vingt-trois autres patrouillaient dans les détachements du pays, dans seize postes dont six au Labrador et dix sur l'île. Il n'était pas rare de voir un seul ranger dans chacun des détachements et parfois, les hommes avaient des difficultés à s'habituer à la solitude de la vie dans les collectivités isolées. Les rangers envoyés au Labrador étaient aussi obligés de construire leur propre logement et espace de travail.

Chaque ranger devait patrouiller un vaste territoire par le moyen le moins coûteux de se déplacer, souvent à pied, en traineau à chiens ou par bateau. Quelquefois, les rangers prenaient le train et c'était souvent en seconde classe. L'unité possédait aussi quelques motocyclettes mais elles étaient généralement réservées aux endroits qui avaient plus de population, par exemple Deer Lake, Badger et le long de la péninsule de Burin.

Navire de patrouille 303, vers 1935-1950
Navire de patrouille 303, vers 1935-1950
Les rangers de Terre-Neuve devaient se déplacer par le moyen le moins coûteux, généralement à pied, en traineau à chiens ou par bateau. L'unité possédait quelques motocyclettes et des voitures ainsi que trois navires de patrouille connus sous les numéros 301, 302 et 303.
Photographie reproduite avec la permission de Norman Crane.

Une fois sur le terrain, les recrues sans expérience ne pouvaient se fier qu'à leur seul jugement, avec un minimum de supervision. En général, le ranger était le seul représentant du gouvernement dans une collectivité, en particulier au Labrador, et il devait prendre des décisions sans pouvoir consulter ses collègues ou ses supérieurs. La nature variée de son travail signifiait qu'il était confronté à une vaste gamme de problèmes. Certains étaient des questions de routine alors que d'autres étaient plus complexes et pénibles sur le plan émotionnel tels que, par exemple, la distribution d'aide financière.

Si les rangers dépendaient directement du ministère des Ressources naturelles, ils effectuaient toutefois diverses tâches pour les six autres ministères du gouvernement. Notamment : encaisser les droits de douane et autres montants pour le ministère des Finances; faire respecter les lois et enquêter sur les décès ou incendies suspects pour le ministère de la Justice; inspecter les camps forestiers, délivrer des permis de chasse et faire respecter les lois sur la chasse pour le ministère des Ressources naturelles; distribuer les paiements d'aide sociale pour le ministère de la Santé publique et du Bien-Être; aider à construire et à entretenir les routes, quais et autres structures pour le ministère des Services publics et agir comme agents de surveillance pour le ministère des Affaires intérieures et de l'Éducation.

Le ranger Norman Crane, vers 1940
Le ranger Norman Crane, vers 1940
Les rangers de la Newfoundland Ranger Force devaient effectuer une vaste gamme de tâches avec un minimum de supervision.
Photographie reproduite avec la permission de Norman Crane.

Les rangers devaient soumettre au gouvernement un rapport mensuel sur les conditions générales, en indiquant le nombre de personnes qui recevaient de l'aide sociale dans chaque détachement, comment l'argent était dépensé pour les paiements de cette aide financière, quelles étaient les activités de pêche, exploitation forestière, construction et autres, et sur l'état de la population en général.

Au début, les rangers ont été accueillis par un public qui a réagi de façon mitigée. Les résidents des collectivités isolées appréciaient d'avoir accès à un représentant du gouvernement pour s'occuper de leurs problèmes et faire le lien avec St. John's mais ils se méfiaient du mandat des rangers qui devaient faire respecter certaines lois du pays qui n'étaient pas très populaires, en particulier celles qui concernaient les pratiques de pêche et de chasse. Dans les collectivités rurales, ils étaient nombreux à dépendre de leur habileté à chasser du gibier ou à pêcher des saumons pour survivre, surtout pendant la Crise économique. Cependant, il n'y avait pas de saison d'ouverture de la chasse au gros gibier au milieu des années trente et si un ranger attrapait quelqu'un qui chassait illégalement l'orignal ou le caribou, il pouvait emmener cette personne devant un magistrat qui lui imposerait une amende de 20 $.

Des rangers en compagnie d'infirmières après les heures de travail, vers 1935-1950
Des rangers en compagnie d'infirmières après les heures de travail, vers 1935-1950
La plupart des résidents dans les villages côtiers et dans le nord, ont bien accueilli les rangers de terre-Neuve dans leur collectivité.
Photographie reproduite avec la permission de Norman Crane.

Pourtant, les rangers éprouvaient de la sympathie pour les difficultés éprouvées par les moins fortunés et la majorité des gens les accueillaient avec bienveillance dans leur collectivité. Contrairement à la Commission de gouvernement qui étaient située à St. John's, les rangers connaissaient de première main la misère terrible qui affectait les villages côtiers. Par conséquent, il n'était pas rare qu'ils distribuent des paiements plus élevés que ceux autorisés par le gouvernement. Et au lieu de réprimander les rangers pour cette divergence de politique, les responsables du gouvernement félicitaient fréquemment les rangers pour leur leadership et leur sensibilité. Pour beaucoup de résidents du Labrador, les rangers facilitaient le plus possible la possibilité de communiquer leurs besoins et soucis aux responsables du gouvernement à St. John's.

Expansion et démantèlement

En 1936, la Commission de gouvernement a demandé au British Dominions Office la permission d'élargir l'unité à 50 membres et elle en a reçu la permission. Elle a aussi établi 18 nouveaux détachements, deux au Labrador et seize dans le sud de l'île de Terre-Neuve et elle en a aussi fermé deux autres, à Westport et Harbour Deep. L'année suivante, l'unité a encore augmenté pour inclure douze recrues supplémentaires. L'unité comprendra 72 rangers à son sommet.

Le début de la Seconde guerre mondiale en 1939 a donné d'autres responsabilités aux rangers qui étaient chargés de faire respecter le rationnement et le black-out, de patrouiller pour détecter les sous-marins et les avions ennemis, arrêter les déserteurs, distribuer une carte nationale d'enregistrement aux résidents âgés de seize ans ou plus et aider à recruter des volontaires pour le service dans les forces armées. Même si certains rangers ont quitté l'unité pour s'engager et partir outremer pendant les premiers mois de la guerre, la Commission du gouvernement a rapidement désigné l'unité comme un service essential pour éviter que d'autres fassent la même chose.

Après la guerre, le gouvernement a demandé aux rangers de s'enquérir secrètement sur l'opinion publique concernant la confédération et d'autres questions politiques. Les rangers travaillaient aussi dans les bureaux de vote durant les référendums de 1948 et ils faisaient ce qu'il faut pour que tous les résidents de leur détachement soient capables d'aller voter.

Après la Confédération, l'administration Smallwood a décidé de démanteler la Newfoundland Ranger Force pour économiser de l'argent. Ses membres pouvaient demander à être transférés à la GRC s'ils le souhaitaient mais ils devaient le faire en baissant d'un grade car les salaires étaient plus élevés sur l'échelle des salaires de la GRC. Sur les 56 rangers qui étaient encore en activité quand Terre-Neuve (et le Labrador) est devenue une province du Canada, 52 ont rejoint la GRC; les quatre autres ont choisi de ne pas postuler un emploi. Avant le démantèlement du 31 juillet 1950, un total de 204 hommes avaient servi dans la Newfoundland Ranger Force.

English version

Vidéo: Les agents de la Newfoundland Ranger Force