La Royal Navy

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, fidèle à sa culture maritime, Terre-Neuve-et-Labrador a fourni plus de volontaires à la Royal Navy (Marine royale) qu'à toute autre branche des Forces armées. Contrairement à leurs homologues du Régiment royal d'Artillerie, qui étaient regroupés dans deux régiments terre-neuviens, ces recrues étaient dispersées dans les forces navales et étaient appelées à servir de différentes façons à travers le monde. Ces conscrits ont escorté des convois pendant la bataille de l'Atlantique, contribué aux débarquements de Normandie et de Madagascar, aidé à rescaper les troupes alliées sur les plages de Dunkerque et de Grèce et fourni un service de navette aux troupes le long du littoral de l'Afrique du Nord.

Pierce Woodland, Royal Navy, dans les années 1940
Pierce Woodland, Royal Navy, dans les années 1940
Pierce Woodland était l'une des quelque 3232 recrues de Terre-Neuve-et-Labrador à s'enrôler dans la Royal Navy au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
Photographe inconnu. Photographie reproduite avec la permission de la Société historique Greenspond.

Les débuts du recrutement

Au moment où le conflit a éclaté, Terre-Neuve-et-Labrador n'avait pas de forces navales spécialisées dans la défense du territoire. La branche locale de la Royal Naval Reserve (réservistes volontaires de la Royal Navy), créée en 1902 pour entraîner les pêcheurs et les marins de la région à collaborer avec la Royal Navy, avait été démantelée en 1921 pour des raisons économiques. La Royal Navy a été néanmoins le premier organisme militaire à engager des volontaires de Terre-Neuve-et-Labrador. Le 14 septembre 1939, elle a demandé à la Commission de gouvernement de recruter 625 pêcheurs ou hommes de mer expérimentés pour une mission spéciale au sein de la Northern Patrol (Patrouille du Nord), chargée de surveiller les routes maritimes de l'Atlantique. Winston Churchill, qui était alors Premier Lord de l'Amirauté, a porté une attention particulière à cette entreprise et a affirmé que « les Terre-Neuviens étaient les marins les plus robustes et les plus compétents qui soient sur les mers agitées ». [Traduction libre]

Le 24 octobre, sir Humphrey Walwyn, gouverneur de Terre-Neuve, a fait une annonce publique dans l'espoir d'attirer des volontaires intéressés à servir pendant toute la durée de la guerre. Les recruteurs acceptaient les hommes âgés de 18 à 35 ans qui mesuraient au moins 1,6 m (5 pi 2 po) et pesaient au moins 51 kg (112 lb). Les recrues devaient avoir une vision parfaite et savoir lire et écrire. Les recruteurs recherchaient surtout des postulants célibataires, mais ils examinaient également les candidatures des hommes mariés.

Des membres du personnel de la Royal Navy, dans les années 1940
Des membres du personnel de la Royal Navy, dans les années 1940
Jim White (à droite) de Greenspond, Terre-Neuve, et deux membres non identifiés du personnel maritime.
Photographe inconnu. Photographie reproduite avec la permission de la Société historique Greenspond.

La réponse a été enthousiaste. Les volontaires venaient de toutes les parties de l'île, mais l'intérêt était particulièrement élevé dans les villages côtiers, où la plupart des hommes travaillaient sur les bateaux depuis leur enfance. La possibilité de gagner régulièrement deux shillings par jour au sein de la marine était une offre alléchante pour de nombreuses personnes de Terre-Neuve-et-Labrador qui n'étaient pas encore tout à fait sorties de la période de difficulté économique qui avait suivi la Première Guerre mondiale et la Grande Dépression. Le 27 novembre, un premier contingent de 198 recrues a quitté St. John's en direction de Liverpool à bord du SS Newfoundland; à la fin de janvier, les 625 militaires affectés à la mission spéciale avaient tous été recrutés.

Le service militaire outre-mer

Une fois rendues en Angleterre, les recrues ont travaillé sur des dragueurs de mines ou des croiseurs marchands armés. Ces derniers étaient un ensemble de navires – souvent des paquebots de ligne – que l'Amirauté britannique avait réquisitionnés, blindés et armés dès le début du conflit. Leur mission consistait à intercepter les navires neutres qui transportaient des denrées vers les ports ennemis, à capturer les bateaux marchands ennemis et à défendre les convois alliés contre les navires de guerre et les sous-marins ennemis. Les croiseurs passaient généralement 18 ou 19 jours en mer, suivis d'environ une semaine dans un port allié pour se réapprovisionner et se ravitailler en carburant. Pendant qu'ils étaient en service, les marins de la Northern Patrol passaient beaucoup de temps à surveiller les vaisseaux ennemis. Cette tâche était entrecoupée quotidiennement par des exercices militaires et diverses corvées.

La Northern Patrol était en fonction pendant les premières phases de la guerre et, en avril 1940, elle avait déjà intercepté 400 bateaux. Les sous-marins et les navires de guerre allemands ont toutefois imposé de lourdes pertes aux croiseurs marchands, qui avaient un arsenal moins imposant. À la fin de 1940, 10 croiseurs ont été coulés, dont six qui transportaient des Terre-Neuviens. Un de ces croiseurs, le Scotstoun, comptait 23 Terre-Neuviens parmi son équipage quand, le 13 juin 1940, il a sombré près des côtes de l'Irlande après avoir été frappé par une torpille allemande. Six hommes ont perdu la vie pendant ce naufrage, dont le matelot de 3e classe H.G. Squires originaire d'Old Perlican, dans la baie Trinity. Les survivants ont passé huit heures dans des bateaux de sauvetage avant d'être rescapés.

Au cours des années suivantes, l'Amirauté a retiré la tâche d'escorte aux croiseurs marchands afin de leur assigner d'autres fonctions moins exigeantes, notamment le transport des troupes et la surveillance du détroit de Danemark.

Un besoin accru de volontaires

Immédiatement après avoir recruté les 625 militaires nécessaires à une mission spéciale en janvier 1940, la Commission de gouvernement a lancé une deuxième campagne à la demande de la Royal Navy afin de trouver 1000 volontaires de plus pour accomplir différentes tâches au sein du service naval. Les exigences concernant l'âge, la taille et le poids étaient les mêmes que pour les militaires affectés à la mission spéciale, mais les volontaires n'étaient pas obligés d'avoir de l'expérience en mer pourvu qu'ils soient en bonne condition physique. Les pêcheurs et les marins n'étaient donc plus les seuls à pouvoir s'enrôler, puisque les mineurs, les bûcherons et des hommes de divers métiers et professions étaient aussi acceptés. Cette fois encore, plusieurs hommes se sont portés volontaires, mais environ 40 % des candidatures ont été rejetées pour des raisons médicales. Néanmoins, les recruteurs ont vite atteint leurs quotas et, à la fin de juillet, les 1000 nouvelles recrues étaient arrivées en Angleterre.

Le 6 décembre 1940, l'Amirauté a demandé deux autres contingents de 1000 hommes. Étant donné que l'Artillerie royale et la Royal Air Force avaient commencé elles aussi à recruter à Terre-Neuve-et-Labrador, moins d'hommes étaient disponibles pour le service en mer. Parmi les 2000 volontaires dont on avait besoin, seulement 1264 ont été envoyés outre-mer. On sait que 343 autres se sont enrôlés au Royaume-Uni et ont servi principalement dans la marine marchande ou la Newfoundland Overseas Forestry Unit (Unité forestière de Terre-Neuve).

Le service actif

Les militaires de Terre-Neuve-et-Labrador affectés aux tâches générales étaient disséminés au sein de la Royal Navy et exerçaient diverses fonctions. Certains travaillaient comme poseurs de mines dans les eaux ennemies, tandis que d'autres fouillaient les eaux amies à bord de chalutiers pour détecter des mines. D'autres ont servi sur les barges de débarquement qui ont permis aux Alliés de pénétrer en Normandie, en Sicile, en Afrique du Nord et dans d'autres lieux, ou encore sur des torpilleurs à moteur qui ont attaqué les côtes françaises et norvégiennes occupées par les Allemands.

Gordon Wheeler, Royal Navy, dans les années 1940
Gordon Wheeler, Royal Navy, dans les années 1940
Gordon Wheeler de Greenspond, Terre-Neuve, a servi comme officier marinier dans la Royal Navy pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Photographe inconnu. Photographie reproduite avec la permission de la Société historique Greenspond.

La plupart des marins de Terre-Neuve-et-Labrador ont toutefois collaboré à la bataille de l'Atlantique à bord de nombreux escorteurs qui ont aidé les convois alliés à envoyer du ravitaillement en Grande-Bretagne et dans d'autres pays européens. Ce travail était à la fois dangereux et difficile puisque les matelots devaient affronter les conditions météorologiques imprévisibles de l'Atlantique et vivre avec la menace constante d'être attaqués par un sous-marin allemand. Le 19 décembre 1941, par exemple, 16 Terre-Neuviens ont été tués alors qu'un sous-marin a torpillé leur destroyer, le HMS Stanley, qui escortait un convoi se dirigeant vers la Grande-Bretagne. Les hommes sont morts au large des côtes de Cabo da Roca, près de Lisbonne.

La fin de la guerre

À la fin des conflits sur le front européen, en mai 1945, la Royal Navy a continué d'enrôler des recrues pour servir dans le Pacifique. Plusieurs matelots de Terre-Neuve-et-Labrador se sont élevés contre cette décision en insistant sur le fait qu'au moment de s'engager pour toute la durée du conflit, ils avaient tenu pour acquis qu'ils s'enrôlaient pour la guerre contre l'Allemagne et non contre le Japon. Néanmoins, la Royal Navy a continué d'envoyer des hommes en Extrême-Orient jusqu'à la fin des hostilités, en août, et ce n'est qu'à la fin de 1945 que la plupart des recrues ont pu retourner à Terre-Neuve-et-Labrador.

La guerre a fait plusieurs victimes. Environ 350 matelots du pays ont perdu la vie avant la fin des hostilités. Malgré les morts et les difficultés, les marins de Terre-Neuve-et-Labrador se sont distingués en tant que recrues pleines de ressources qui avaient le cœur à l'ouvrage. Ils étaient particulièrement doués pour manœuvrer les petits bateaux. À l'été 1940, R.H.T. Raikes, vice-amiral de la Royal Navy, a déclaré que « tous les commandants étaient unanimes pour faire l'éloge de l'enthousiasme et de l'habileté des hommes de Terre-Neuve ». [Traduction libre]

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