Appel au patriotisme

Au rédacteur en chef du Daily News,

Monsieur - À l'approche du jour du Référendum, je tiens à envoyer un avertissement aux pêcheurs et aux fils de pêcheurs de nos villages isolés.

L'auteur du présent article, un des plus vieux résidants de Terre-Neuve, a des souvenirs qui remontent à plus de soixante-dix ans, bien plus loin que ne le pourraient M. Clyde Lake ou de tout autre partisan de la Confédération, et n'a jamais été témoin de la famine, du froid et de la misère qu'il a évoqués récemment à la radio de façon si dramatique. Ces hommes équitables, honnêtes et honorables qui ont gouverné notre pays durant des années n'ont jamais laissé ces tragédies survenir par quelque négligence ou mauvaise administration. Lorsque des événements comme l'Incendie de 1892 et la Crise bancaire de 1894 ont provoqué la famine et la misère dans notre peuple, ceux qui tenaient les rênes du pouvoir ont veillé à ce que les pasteurs de chaque confession viennent en aide à leurs ouailles dans le besoin et, dans bien des cas, ont contribué de leurs propres poches au soutien des nécessiteux.

« Quelle honte! », disons-nous. Honte à ceux qui tentent de diffamer et de calomnier la mémoire de leurs propres concitoyens, de ces défunts que nous avons révérés et aimés, et de polluer les esprits de nos jeunes hommes et femmes avec l'idée que les nobles pionniers d'antan, qui ont travaillé si dur, avec un tel dévouement, n'étaient que des gredins et des voleurs – ces Terre-Neuviens loyaux dont les noms sont immortels et que nous espérons replacer par d'autres qui, s'ils servent leur pays aussi justement et honnêtement que l'ont fait leurs aïeux, seront tout aussi irréprochables.

Quant à moi, il se peut que je ne reste pas en vie assez longtemps pour profiter de notre liberté; ceci dit, puisqu'après Dieu vient le pays, je mourrai heureux quand je verrai ma mère-patrie libérée des chaînes qui l'accablent depuis quatorze ans et quand elle sera à nouveau reconnue comme la plus ancienne colonie d'Angleterre et la pierre angulaire de l'Empire britannique, plutôt que comme le pion se plus insignifiant du Dominion du Canada.

Vous, pêcheurs et fils de pêcheurs – vous, les os et les nerfs de notre pays, êtes-vous prêts à voter, au jour du Référendum, pour une forme de gouvernement qui taxerait vos foyers, vos fermes, vos champs, votre bétail, vos bateaux et vos engins de pêche, et qui, si vous étiez incapables de payer, s'emparerait de votre propriété?

Les Confédérés ou leurs partisans ne vous diront rien de cela, car ils veulent vous tenir dans l'ignorance.

J'ai vécu nombre d'années de ma jeunesse dans un village de pêche, parmi les pêcheurs. Je les aimais, et je les aime toujours : j'aime leurs petites maisons gaies, leurs jardins bien tenus, leurs cœurs honnêtes et sincères, leur célèbre hospitalité. Je les aime trop pour les voir sacrifier leurs logis, qui sont leurs seuls biens, pour des taxes qui grèveront tant de leurs revenus qu'ils risqueront de perdre tout ce qu'ils possèdent à ce jour.

Ne l'oubliez pas, le Canada s'intéresse à nous uniquement pour s'emparer du Labrador, que nous nous proposons de léguer

« Immense, fier et libre
Aux fils et aux filles de Terre-Neuve. »

Alors, pêcheurs et fils de pêcheurs, au jour du Référendum, votez Gouvernement responsable, afin que les enfants de vos enfants vous bénissent à tout jamais.

STATIA M. ENGLISH.

English version


Reproduit avec l'autorisation de la banque Toronto-Dominion. Extrait de "A Patriotic Appeal," de Statia M. English, The Daily News, 22 juillet 1948, p. 6.