Les installations des Alliés

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Terre-Neuve a joué un rôle crucial dans l'Atlantique Nord pour la stratégie navale des Alliés. Trois des installations militaires de l'île revêtaient une importance particulière : la base de la Marine royale canadienne (MRC) de St. John's, la base de l'Aviation royale canadienne (ARC) de Torbay et la base aéronavale américaine d'Argentia.

Outre la défense de l'hémisphère occidental, la défense des convois transatlantiques alliés contre les Allemands était aussi une priorité. Protégés par les forces aériennes et navales canadiennes, britanniques et américaines, les convois transportaient du ravitaillement indispensable entre l'Amérique du Nord et la Grande-Bretagne. Sans cette liaison, la Grande-Bretagne n'aurait pas eu les moyens de survivre à l'attaque nazie.

Basée à St. John's, la Newfoundland Escort Force (NEF) [Force d'escorte de Terre-Neuve] a été créée en 1941 pour escorter les convois dans cet espace dangereux où les escortes de la Royal Navy prenaient le relais des escortes canadiennes en plein milieu de l'océan. Cette force comportait 6 destroyers et 17 corvettes de la Marine royale canadienne ainsi que 7 destroyers et 4 corvettes de la Royal Navy.

La base navale de St. John's: HMCS Avalon

Au moment où la création de la Force d'escorte de Terre-Neuve a été approuvée en mai 1941, St. John's était déjà sur la voie de devenir un port bien protégé et la base des forces de défense de Terre-Neuve. Un système de défense anti-torpilles a été installé à l'entrée du port et un service d'inspection a été créé à l'aide de deux anciens cutters (garde-côtes) de la douane de Terre-Neuve. Un réservoir de carburant de 4000 tonnes a été construit pour l'Amirauté tandis qu'un poste de transmission de guerre, une station de radiogoniométrie haute fréquence et un radiophare ont été érigés au cap Spear. De plus, la tour Cabot servait de poste de transmission et Fort Amherst était employé comme batterie pour la défense côtière. Cette batterie a été complétée par l'Armée canadienne à l'automne 1941, mais en attendant, quatre canons mobiles de 155 millimètres et deux canons sur rails de 8 pouces ont été installés à St. John's et dans les environs sous la supervision des troupes américaines.

St. John's était considéré malgré tout pour avoir « les installations les plus modestes ». Son petit port n'avait que 700 mètres de largeur et environ deux kilomètres de longueur. Il y avait là un fouillis de bâtiments de pêche, d'entrepôts et de jetées décrépits pour la plupart. La Marine royale canadienne a élaboré un plan pour aménager un espace comprenant plus de 7000 pieds linéaires de jetées, des réservoirs de carburant et un arsenal souterrain du côté sud de la ville, une caserne pour 1000 hommes, un hôpital de 250 lits et une station de radiodiffusion à Mount Pearl.

Ces installations ont été agrandies en 1943 après une rencontre à St. John's entre une délégation de l'Amirauté et les officiers supérieurs du Quartier général du service naval (QGSN) dans le cadre de la planification des travaux visant à améliorer la base militaire. Afin de pouvoir continuer à consolider les forces en Grande-Bretagne dans l'éventualité d'une invasion de l'Europe, St. John's devait maintenir au moins 50 escortes. La délégation de l'Amirauté a recommandé qu'un nouveau complexe d'atelier d'usinage et un bâtiment d'approvisionnements navals soient construits du côté sud de la ville, et que l'entrepôt de l'arsenal maritime soit converti en petit atelier d'ingénierie et d'électronique. Elle a aussi ordonné l'aménagement d'un nouvel atelier de réparation de bateaux et d'embarcations de 1000 mètres carrés doté d'un chemin de halage ainsi que la construction d'un garage pour 80 véhicules destiné au complexe militaire existant. De plus, un nouvel hôpital de 250 lits devait être construit dans la partie ouest de la ville.

Des moyens de formation étaient également inclus dans ce plan, notamment une salle de cours et un espace de formation pour le décodage et l'analyse des signaux dans une annexe aux casernes du côté sud de la ville. Des installations destinées aux cours de perfectionnement en simulation, dont une coupole antiaérienne et un simulateur tactique anti-sous-marin, devaient aussi être aménagées tout près. De plus, un site d'entraînement équipé pour la défense des navires marchands devait être érigé sur les falaises du cap Spear, et au moment de sa complétion en 1944, on l'a équipé de pièces d'artillerie anti-aérienne et d'autres pièces de plus gros calibre destinées à la pratique. Les défenses du port de St. John's devaient être renforcées grâce à la modernisation et à l'élargissement du champ de mines surveillé du goulet (connu sous le nom de Narrows) et à la construction d'un dépôt de ligne de barrage pleinement équipé pour défendre le littoral là où se trouvait le stockage des marchandises de l'amirauté du côté sud. Ces nouvelles installations allaient nécessiter 2350 employés de plus.

Pendant la guerre, 545 escortes étaient stationnées à St. John's à différents moments, et ce, sans compter les chaloupes à moteur (vedettes). Au cours de cette même période, le nombre de membres du personnel de la marine posté à St. John's est passé de moins de 1000 à plus de 5000. Ce port, qui ne devait d'abord être équipé convenablement que pour être bien défendu, était devenu une base très importante à la fin de la guerre.

La station de l'Aviation royale canadienne à Torbay

À peu près au même moment où le Canada a décidé d'installer une base navale à St. John's, le gouvernement a aussi approuvé la construction d'une base de l'Aviation royale canadienne près de la collectivité de Torbay, située non loin de St. John's. Les forces stationnées à cet endroit devaient protéger le port de St. John's, Wabana et l'île Bell, ainsi qu'assurer la patrouille des routes de convoi à l'est de Terre-Neuve.

En juillet 1941, le quartier général du 1er Bataillon a été aménagé à St. John's et, le 15 août, le capitaine C.M. McEwen prenait son commandement. Ses responsabilités incluaient le contrôle de toutes les unités de l'ARC de Terre-Neuve (il y avait aussi des aéronefs de l'ARC à Gander et à Botwood) et, plus particulièrement, les opérations visant à soutenir la Force d'escorte de Terre-Neuve. La base de l'ARC à Torbay a ouvert ses portes en octobre 1941 et comportait deux pistes de décollage. En novembre, elle a été dotée de quatre bombardiers Hudson du 2e Escadron (britannique) en provenance de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse.

Désormais, les convois pouvaient compter sur une couverture aérienne jusqu'à 400 milles vers l'est. Les opérations de ratissage anti-sous-marins et les patrouilles de reconnaissance effectuées à l'aide des bombardiers anti-sous-marins Hudson et Digby assuraient une protection jusqu'à 600 milles dans l'Atlantique. En février 1942, à la suite de l'augmentation spectaculaire du trafic de passagers entre Terre-Neuve et le Canada, le gouvernement de Terre-Neuve a accepté la demande du gouvernement canadien d'élargir le rôle de la base de Torbay pour assurer un service régulier de la compagnie Trans-Canada Airlines entre les deux dominions.

La station aéronavale des États-Unis à Argentia

La base militaire américaine d'Argentia était particulièrement importante, puisque c'est à cet endroit que le commandant de toutes les forces navales de l'Atlantique occidental (jusqu'en 1943) avait hissé son drapeau. Les États-Unis avaient d'abord considéré Argentia comme une base pour les escortes transatlantiques et les avions servant à la patrouille maritime. Le 17 septembre 1941, cinq destroyers américains d'Argentia sont allés à la rencontre d'un convoi à l'est de Terre-Neuve afin de l'escorter à travers l'Atlantique. Six mois plus tard, un avion d'Argentia a provoqué le premier naufrage d'un U-boot (sous-marin allemand) attribué aux forces américaines, juste au sud de Trepassey.

Toutefois, à ce moment-là, la marine américaine avait sorti la plus grande partie de sa flotte de l'Atlantique pour aller contrer l'avancée des Japonais dans l'océan Pacifique. D'autre part, les Britanniques avaient établi la base aéronavale royale à Argentia et utilisaient les installations américaines pour réparer et rééquiper les escortes de la Royal Navy. Malheureusement, même si les équipements de réparation et de rééquipement d'Argentia n'étaient pas utilisés à pleine capacité, l'Amirauté les réservait à l'usage exclusif des groupes d'escorte britanniques, limitant leur accès à la MRC pour les réparations d'urgence seulement. La MRC a fini par aménager des installations de réparation et d'entretien à Bay Bulls, juste au sud de St. John's.

Les installations d'Argentia ont continué de grossir. Avec l'ajout d'une unité de réparation de bateaux de 3 millions de dollars, d'une cale sèche flottante de 7000 tonnes et de diverses installations récréatives, Argentia a servi de base pour mettre à l'épreuve certains des cuirassés les plus récents de la marine américaine. En 1943, la guerre du Pacifique ayant tourné en faveur des Alliés, la marine américaine est retournée dans l'Atlantique en pleine force. Les groupes d'escorte patrouillaient l'Atlantique pour détecter les U-boots désormais plus rares mais toujours aussi dangereux. Il est intéressant de souligner que le dernier navire de guerre ayant été perdu dans l'Atlantique au cours de la Deuxième Guerre mondiale était le USS Frederic C. Davis, qui était basé à Argentia. Il a été coulé par le sous-marin allemand U-546 au sud du cap Flemish le 24 avril 1945, ce qui a entraîné la perte de 115 membres de son équipage.

English version