La guerre maritime – Rôle de Terre-Neuve

La Deuxième Guerre mondiale a métamorphosé St. John's : de havre bien abrité, la ville est devenue la deuxième base d'escorteurs en importance de la Marine royale canadienne (MRC) dans l'Atlantique Nord derrière Halifax, dont la base navale existait depuis la Première Guerre mondiale.

Port de St. John's, juillet 1941
Port de St. John's, juillet 1941
La Deuxième Guerre mondiale a métamorphosé St. John's : de havre abrité, la ville est devenue une base navale d'une importance considérable.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (MF 413 3.04), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Même si toutes les bases de la MRC en temps de guerre étaient subordonnées à celle de Halifax, la base HMCS Avalon, nom officiel de la base de St. John's, aura été la seule placée sous les ordres d'un Amiral commandant; elle est restée indépendante de Halifax (sauf sur les questions de dotation en personnel), et ce, jusqu'à la création du Commandement du Nord-Ouest de l'Atlantique canadien en mai 1943.

Les forces d'escorte terre-neuviennes

À la fin de 1940, les U-boot (sous-marins allemands) engagés dans la Bataille de l'Atlantique avaient coulé pour près de deux millions de tonneaux en navires alliés. Lorsque les tactiques anti-sous-marins sont devenues plus efficaces aux environs de la Grande-Bretagne, les submersibles allemands se sont aventurés plus loin dans l'océan pour intercepter les convois de ravitaillement essentiels à l'Angleterre.

Sous-marin allemand (U-889),  le 13 mai 1945
Sous-marin allemand (U-889), le 13 mai 1945
À la fin de 1940, les U-boot engagés dans le cadre de la Bataille de l'Atlantique avaient coulé pour près de deux millions de tonneaux en navires alliés.
Photographe : Richard Graham Arless. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-173333), Ottawa (Ontario).

À l'origine, la Royal Navy escortait les convois jusqu'à 22o de latitude O; puis, comme les torpillages augmentaient au milieu de l'Atlantique, la Grande-Bretagne a reculé cette limite jusqu'à 35o de latitude O et occupé l'Islande – tant pour empêcher que l'île soit prise par les Allemands que pour l'utiliser comme point de ravitaillement. Sur la côte canadienne, la base de la MRC à Halifax ne pouvait offrir d'escorte que jusqu'aux Grands Bancs, laissant les convois sans protection sur quelque 2000 kilomètres d'océan avant le point de jonction avec la Royal Navy dans l'est de l'Atlantique. Dans ce secteur surnommé « la Fosse », les U-boot pouvaient attaquer en toute impunité.

En ouvrant une base à St. John's, comme les Britanniques l'avaient fait en Islande, la MRC pouvait allonger de quelque 900 km sa couverture dans l'océan. Créée le 27 mai 1941, la Force d'escorte de Terre-Neuve était constituée de six destroyers et 17 corvettes de la MRC, ainsi que de sept destroyers et quatre corvettes de la Royal Navy.

Les convois étaient dorénavant assemblés dans le bassin Bedford, à Halifax, d'où la Force d'escorte locale de l'Ouest l'accompagnait jusqu'au Point de rendez-vous océanique de l'Ouest, un peu à l'est des Grands Bancs. La Force d'escorte de Terre-Neuve encadrait ensuite le convoi à travers « la Fosse » jusqu'au Point de rendez-vous au milieu de l'Atlantique, au large de l'Islande. De là, le convoi était pris en charge par la Royal Navy. Les navires de la Force d'escorte de Terre-Neuve, après s'être ravitaillés en Islande, se joignaient à un convoi venu d'Angleterre et le couvraient jusqu'au Point de rendez-vous océanique de l'Ouest. De là, la Force d'escorte locale de l'Ouest suivait le convoi jusqu'à Halifax, d'où il se dispersait. De leur côté, les navires de la Force d'escorte de Terre-Neuve rentraient faire relâche à St. John's.

Autres rôles

St. John's aura été beaucoup plus qu'une base d'escorteurs transatlantiques. Pour servir le grand nombre de collectivités et de hameaux disséminés sur ses côtes, Terre-Neuve recourait à une flotte marchande de moyenne importance, tandis que des vapeurs reliaient régulièrement l'île à divers ports de l'Est canadien. Le papier produit à Corner Brook était expédié à Montréal et à New York, tandis que l'île Bell fournissait aux fonderies de Sydney, au Cap-Breton, le gros de leur minerai de fer. Avant les liaisons aériennes régulières, le trafic de passagers entre Terre-Neuve et le Canada se faisait aussi par bateau. L'un des naufrages les plus tragiques de l'histoire de Terre-Neuve s'est produit le 14 octobre 1942, quand un sous-marin allemand a coulé le SS Caribou, qui faisait la navette entre North Sydney et Port aux Basques, tuant 136 de ses passagers.

À titre de port principal de l'île, St. John's est devenu un point de rassemblement pour les convois locaux comme pour ceux qui faisaient l'aller-retour avec le Canada. Le premier convoi côtier a appareillé le 16 janvier 1942; au cours des quatre mois suivants, 298 navires seraient escortés entre St. John's et divers ports. C'est à la Force de défense de Terre-Neuve, stationnée à St. John's, qu'était confiée la protection de ces convois au long de leurs périples.

La capitale de l'île a aussi été le site de la seule cale sèche et station de halage de Terre-Neuve, et ce, jusqu'à l'achèvement en 1944 de la base navale de réparations de Bay Bulls. Les Américains ont permis aux forces de la Royal Navy et de la MRC d'utiliser leur quai flottant d'Argentia; toutefois, même si ces installations de réparation de navires n'étaient utilisées qu'à 75 p. 100 de leur capacité, l'Amirauté les réservait exclusivement aux groupes d'escorte britanniques. L'accès de la MRC était limité aux navires qui « avaient besoin d'une aide urgente ». En mars 1943, quelque 25 escorteurs en moyenne étaient accostés en tout temps à HMCS Avalon; durant ce seul mois, la base a effectué 2300 réparations sur 143 navires de guerre.

Même si les bateaux de guerre de la MRC y avaient droit en priorité, les navires marchands ont tout de même reçu leur part de réparations. Comme l'a fait valoir Sir Wilfred Woods, Commissaire aux services publics, devant le Comité de réparations des navires alliés à sa réunion d'août 1943 à Ottawa, St. John's était le havre naturel pour de nombreux navires marchands endommagés par les éléments et par l'ennemi; ainsi, dans la seule journée du 31 janvier 1941, 53 navires marchands y ont trouvé refuge.

Entre 1939 et 1944, à titre de port de refuge le plus rapproché, St. John's a aussi hébergé en sécurité plus de 6000 survivants de nombreux navires marchands torpillés et endommagés par les tempêtes.

Survivants, le 15 septembre 1942
Survivants, le 15 septembre 1942
Survivants d'un navire marchand torpillé à bord du HMCS Arvida à St. John's (Terre-Neuve).
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-136285), Ottawa (Ontario).

St. John's, base d'entraînement

La base HMCS Avalon a aussi dispensé une formation d'appoint aux équipages de navires récemment mis en service par la MRC. À la fin des hostilités, le Centre d'instruction tactique de St. John's incluait l'École de lutte contre les sous-marins, l'École de tir au canon, l'École de radar et l'École de Loran (navigation à longue distance), ainsi qu'un formateur en escortes nocturnes.

Selon un rapport publié en juin 1945, entre 9 h et 17 h 30 le 6 avril 1945 seulement, le Centre a dispensé 51 cours, soit 35 de tir au canon, 11 de lutte contre les sous-marins, un de radar, deux de Loran et deux d'escorte nocturne, qui incluait l'utilisation du lance-grenades anti-sous-marins.

Ceci dit, la première et principale responsabilité de St. John's a été le ravitaillement et l'entretien des flottilles d'escorteurs transatlantiques qui appuyaient les convois vitaux pour alimenter l'effort de guerre des Alliés en Europe. Entre janvier 1942 et mai 1945, 545 escorteurs ont mouillé à St. John's, sans compter les chaloupes à moteur. Durant la même période, le nombre de militaires en service à St. John's est passé de moins d'un millier à plus de 5000, ce qui en a fait la deuxième base navale en importance au Canada après Halifax. Le gouvernement canadien aura investi 16 millions de dollars à St. John's, plus que pour toute autre base d'escorteurs de la MRC.

Le HMCS Glace Bay à St. John's, le 19 juin 1945
Le HMCS Glace Bay à St. John's, le 19 juin 1945
Équipage de la frégate HMCS Glace Bay, accostée à St. John's (Terre-Neuve).
Photographe : Archer. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-145881), Ottawa (Ontario).

Des heures les plus sombres de la Bataille de l'Atlantique jusqu'à la fin des hostilités, la base HMCS Avalon aura facilité « l'arrivée sans encombre et ponctuelle » des convois transatlantiques. À la différence des autres bases de la MRC, dont le rôle allait s'atténuer avec les dernières années de la guerre, les installations de St. John's ont continué d'être améliorées jusqu'au 13 mai 1945, quand le dernier U-boot en eaux canadiennes a fait surface pour finalement capituler.

Even though St. John's was initially only conceived to be at best a temporary ocean escort base, HMCS Avalon ultimately developed into one of the most important Allied naval bases established in the North Atlantic during the Second World War.

English version