Pourquoi Dora Russell n'est-elle pas plus connue ?

Extrait des dossiers de The Gazette du 21 mars 1996.

Dora Oake est née le 7 mars 1912 aux îles Change où elle a fait ses premières années de scolarité. Alors qu'elle était encore étudiante, ses parents ont déménagé à St. John's où son père a commencé à exploiter une petite épicerie à l'angle des rues John et Casey. Elle a terminé son secondaire au collège Bishop Spencer et, après avoir suivi un cours de formation à l'enseignement à l'École normale, elle a accepté un poste d'enseignante à l'école anglicane St. Mary's (du quartier Southside), St. John's, en 1933.

Cette année-là a été très importante dans la vie de Dora Oake. En plus d'obtenir son premier poste d'enseignante, elle a rencontré Ted Russell au cours de l'été 1933. Après une année de fréquentations, ils se sont fiancés à l'été 1934, puis ils se sont mariés le 6 janvier 1935 à l'église anglicane St. Thomas de St. John's.

Elle a quitté son poste d'enseignante peu après son mariage et, à l'automne 1935, les Russell se sont installés à Springdale où Ted a été nommé magistrat. Ils y ont vécu jusqu'en 1939, puis ont passé un an à Harbour Breton après quoi ils se sont établis à Bonne Bay où ils ont vécu de 1940 à 1943. Durant cette période, ils sont devenus les parents de quatre filles, Rhona, Elizabeth, June et Peggy. En 1943, ils sont retournés vivre à St. John's où Ted a accepté le poste de directeur de coopératives avec la Commission de gouvernement.

The Week Before Christmas, at Our House par Dora Russell
"The Week Before Christmas, at Our House" par Dora Russell
(La semaine avant Noël dans notre foyer)
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll - 171), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial, St. John's, T.-N.-L.

De retour à St. John's après huit années d'absence, Dora Russell avait hâte de retourner travailler même si elle avait quatre jeunes enfants à élever. Beaucoup de gens auraient considéré que l'entretien du foyer était en soi un véritable travail à temps plein, mais Dora était déterminée à élever une famille tout en poursuivant sa carrière.

Vers la fin de 1945, elle est devenue la première femme à occuper le poste d'éditrice au journal The Evening Telegram de St. John's. Ce poste lui a permis de faire autre chose que des chroniques traitant de cuisine, de couture ou d'arts ménagers et de ne pas limiter sa démarche journalistique en écrivant uniquement des articles destinés aux femmes.

En tant qu'éditrice, elle a créé une chronique éditoriale intitulée The Women's Angle (le point de vue des femmes) qu'elle rédigeait quotidiennement pour la page féminine. Tous les samedis, elle publiait un article sur la Femme de la semaine pour mettre en valeur le travail et les réalisations des femmes remarquables de la région. Elle a aussi écrit deux autres chroniques régulières : Day by Day, un journal fictif racontant le quotidien d'une petite famille du point de vue de l'épouse/mère, et Spectatler by Portia, une chronique d'humeur consacrée aux événements locaux. Elle a aussi continué à faire régulièrement du journalisme de terrain et, en 1946 et 1947, elle a couvert les travaux de la convention nationale pour le journal.

Elle a pris sa retraite du The Evening Telegram en 1949 en conservant toutefois une chronique hebdomadaire sur les étoiles intitulée All About Stars (Tout sur les étoiles) qu'elle a rédigée pendant environ 10 ans dans les années 1960.

Dans les années 1950, elle a aussi été rédactrice pendant quelques années de la page féminine du journal The Daily News et, en 1956, elle a donné naissance à son cinquième enfant, un fils prénommé Kelly.

Son intérêt pour les étoiles l'a bien servie. En tant que cheftaine engagée depuis longtemps au sein du mouvement guide, elle a transmis ses connaissances aux jeunes filles afin qu'elles acquièrent les compétences nécessaires pour obtenir le Badge d'astronome. Elle a fait partie des membres fondateurs de la Société royale d'astronomie, section St. John's Centre, et a reçu la convoitée Médaille du mérite de la Société royale d'astronomie pour son engagement. Son travail auprès des Guides lui a valu la Médaille de la reine.

La plus grande partie du travail de Russell consistait à écrire des chroniques pour le journal, mais elle ne s'est pas limitée à ce média. Elle a écrit des nouvelles et a gagné le deuxième prix du Concours d'œuvres de fiction Margaret Duley commandité par la Guilde des écrivains de Terre-Neuve en 1974. Plus de 200 personnes avaient participé à ce concours. Elle a aussi écrit des pièces de théâtre pour la radio et la télévision. Elle a publié un livre intitulé Day by Day: Pages from the Diary of a Newfoundland Woman (1983) inspiré de la chronique qu'elle rédigeait pour le journal dans les années 1940 et elle travaillait à la rédaction d'un second ouvrage, The Fire Folk, lorsqu'elle est décédée le 9 février 1986.

En novembre 1986, Elizabeth Russell Miller, fille de Dora Russell et membre du département d'anglais de l'Université Memorial a fait don des documents écrits de son père et de sa mère au Centre for Newfoundland Studies. Les écrits de Dora Russell incluaient 10 nouvelles originales, dont One Good Turn qui lui avait mérité le prix de la Guilde des écrivains, quatre scénarios pour la radio et la télé, ainsi que des copies de la plupart des chroniques qu'elle avait publiées dans son journal dans les années 1940.

Dora Russell est une auteure de Terre-Neuve peu connue et certainement mésestimée. En tant que première femme à avoir occupé le poste d'éditrice d'un des journaux les plus importants de St. John's dans les années 1940, elle a établi des normes en matière de journalisme. Elle a refusé que son poste soit purement symbolique et n'a pas accepté qu'on lui délègue les affectations « peu exigeantes » souvent offertes aux femmes reporters à cette époque. Elle était déterminée à allier sa vie familiale et sa carrière journalistique à une époque où il était mal vu qu'une mère agisse de la sorte. Ses écrits sont des témoignages durables de son engagement et de sa réussite dans la profession qu'elle avait choisie.

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