Discours de H. W. Hoyles en faveur de la Confédération, 1865

Extraits d'un discours du premier ministre H. W. Hoyles (conservateur, circonscription de Burin), Débats de l'Assemblée, 14 février 1865. The Newfoundlander, 16 mars 1865.

(...) Je me suis souvenu qu'il y a sept ou huit ans, lorsque le gouverneur général a d'abord soulevé la question, je n'étais pas très chaud à l'idé, qui me paraissait (...) impliquer une augmentation des dépenses pour un gouvernement fédéral et des gouvernements et législatures locaux, sans contrepartie apparente. Mais quand l'idée m'a été soumise comme une option sérieuse, (...) j'ai été amené à la considérer non seulement quant à ses incidences sur la situation présente de cette colonie, mais aussi quant à son avenir; j'ai alors compris que j'avais commis une grave erreur en jugeant que la décision devait être influencée entièrement par des considérations pécuniaires. De fait, elle mettait en jeu nombre de facteurs importants de nature sociale, politique, morale et commerciale, qu'il nous fallait évaluer très attentivement. Bien que cette question, à certains égards, dusse être envisagée comme quelque peu spéculative, (...) j'en suis venu à la conclusion que nous devions accepter sans réserve cette offre de Confédération. (...) Un facteur qui a fortement influencé ma réflexion (...) est le contraste qu'on peut esquisser entre la situation actuelle de Terre-Neuve et ce qu'elle pourrait devenir au sein de la Confédération. Nous n'étions alors qu'un établissement de pêche insignifiant (...) dépourvu de ressources exploitables à part le produit de notre pêche, lui-même insuffisant pour soutenir notre population (...). Nous n'avions aucun espoir de devenir autre chose qu'une petite colonie sans influence, pouvoir, importance ou considération et qui, sans la protection de la Grande-Bretagne, serait une proie facile pour la première puissance qui déciderait de s'en emparer. (...) En contrepartie, qu'aurions-nous pu devenir dans le cadre de la Confédération? Nous étions invités à nous joindre à une Confédération qui, en un demi-siècle, pourrait tenir tête à toute autre puissance de la planète, dont la population se chiffre déjà à quatre millions d'habitants, et qui s'étend de l'Atlantique au Pacifique, (...) riche d'un territoire aux ressources abondantes qui ne manqueraient pas, dans les mains d'une population laborieuse, de nous placer au premier rang des nations de la Terre. (...) En comparant cette vision à celle de Terre-Neuve hors de la Confédération, avec ses 130 000 habitants vivotant des pêcheries côtières et des quelques ressources minérales que l'île est censée posséder, j'ai conclu que nous avions le devoir, tant pour nous que pour la postérité, d'accepter l'invitation qui nous était faite (...). Mais il faut rappeler que la question qu'il nous fallait considérer n'était pas si nous devions entrer dans la Confédération ou rester comme nous sommes en ce moment – mais plutôt, assumant que les autres provinces allaient former cette Confédération (ce qui ne faisait aucun doute), si nous étions prêts à accepter les conséquences de notre refus. (...) Supposons donc que la Confédération ait bien lieu; et que les autres provinces s'y engagent et endossent la disposition suggérée pour la défense des provinces confédérées, et que nous soyons restés sur la touche – de quelle façon serions-nous perçus par le gouvernement et la population de l'Angleterre? Ils se désintéresseraient de nous, (...) et [nous] serions ce peuple dont les intérêts ont très peu d'importance, et qui, ayant rejeté les chances qui lui ont été offertes, doit être traité comme un enfant têtu et rétif; et à quoi pouvons-nous alors nous attendre, sinon à être relégués aux soins de quelque sous-fifre du Colonial Office, et à recevoir encore moins de l'attention minimale qui nous est présentement accordée. Éventuellement, nous pourrions voir les navires de guerre (...) envoyés ailleurs, les troupes (...) retirées et l'attention reportée à ceux qui se sont montrés plus soucieux de souscrire aux désirs du gouvernement britannique. (...) D'aucuns ont déclaré que la Grande-Bretagne n'abandonnerait jamais Terre-Neuve en raison de sa position géographique, mais cela me paraît une lubie, une illusion puérile. Si Terre-Neuve avait une telle importance, pourquoi n'y a-t-on pas installé une base navale, plutôt que dans les Bermudes au climat pestilentiel ou à Halifax, qui ont toujours été des bases navales? (...) Si la Grande-Bretagne nous trouvait si importants, pourquoi a-t-elle investi si peu dans nos fortifications? (...) Si nous refusons de nous joindre à la Confédération, les autres colonies ne nous considéreront plus par comme une colonie-sœur, mais comme celle qui aura (...) refusé tout commerce avec elles. Advenant qu'une autre offensive des Français nous menace, nous ne mériterons ni leur sympathie, ni leur soutien, et leurs marchés opposeront à nos produits des tarifs prohibitifs (...). Quant à savoir s'il y aurait des avantages matériels à tirer de la Confédération, il me semble qu'il y en a beaucoup. À nos politiciens, elle ouvrirait un horizon digne de leur ambition. Que l'honorable député de Ferryland, M. Glen, considère l'élargissement de ses chances d'avancement dans une Confédération où il pourrait se retrouver député à une Chambre des Communes où le talent est reconnu à sa juste valeur, qu'il vienne de Terre-Neuve ou de Vancouver. (...) Du même coup, il serait bien placé pour bénéficier à ses électeurs Terre-Neuviens et à l'île en général en faisant la promotion de grands travaux publics, plutôt que de se vouer, comme il le fait présentement, à défendre les intérêts des pêcheurs en réclamant la construction d'un brise-lames à Toad's Cove. (...) [La Confédération] profiterait certainement aux jeunes gens de toutes les professions, qui verraient se déployer devant eux un champ plus vaste où s'employer et des chances immensément accrues d'œuvrer dans les exercices du droit et de la médecine. (...) Voyons ensuite les avantages commerciaux de la Confédération. Songez à notre pêche au hareng, par exemple, qui dépérit à l'heure actuelle. Ne serait-ce pas opportun de compter sur un marché comme le Canada qui, en quelques années, pourrait absorber toute notre production? (...) Et si nous faisons partie du Canada quand il s'engagera dans de vastes programmes de travaux publics, comment peut-on assumer qu'aucun d'entre eux ne serait réalisé ici? Quant à ceux réalisés ailleurs, ne fourniraient-ils pas des emplois à nombre de nos citoyens et travailleurs? (...) Et cela ne soulagerait-il pas les pêcheries de la pression des surplus? (...) Certains ont objecté qu'en nous joignant à l'union nous renoncerions à notre indépendance – à notre droit d'adopter nos propres lois. Or, en se joignant à la société, tout individu cède une part de son indépendance, mais perd-il vraiment au change? Il est vrai qu'en adhérant à la Confédération nous renoncerions à une partie du contrôle que nous avons sur nos affaires. Mais il y a lieu de penser que cela ne nous nuirait pas tant que ça. Considérez l'histoire de la colonie depuis qu'elle a une législature locale… Il n'y a certes pas lieu de s'en satisfaire. (...) Si les dissensions entre les partis avaient un cadre plus étroit et moins d'amertume, (...) cela ne profiterait-il pas à la communauté? Par ailleurs, si nous cédions certains pouvoirs, (...) n'en recevrions-nous pas l'équivalent du gouvernement fédéral? (...) Il est clair qu'aucun argument pour ou contre l'union ne peut être tiré en contrastant les tarifs des deux pays, et ce, pour la simple raison que les tarifs du Canada, étant établis pour le seul Canada, ne seraient pas applicables entièrement (...) aux intérêts commerciaux très différents des provinces subalternes, et que le premier dossier auquel la législature de l'union devrait s'attaquer serait l'encadrement de tels tarifs (...) pour qu'ils satisfassent à l'intérêt général. (...) [Nos tarifs] ont augmenté au cours des dernières années (...) et sont encore insuffisants. Combien de temps encore avant que nous imposions à nos citoyens, volontairement et par pure nécessité, des tarifs supérieurs à ceux que même nos alarmistes les plus incendiaires craignent de la part de l'union? (...) Les gens d'affaires de chez nous dont le capital est investi dans la manufacture ou l'importation de denrées britanniques pourraient souffrir un certain temps du changement [apporté par la Confédération], mais la population générale en profiterait. (...) En dernier lieu, (...) que proposent les opposants à la Confédération (...) pour faire sortir le pays de sa dépression? Songez à notre situation actuelle. En dépit de tous nos efforts, même en comptant sur de bons revenus, nous n'arrivons pas, année après année, à éviter de nous endetter pour subvenir à nos dépenses courantes. (...) Certains ont objecté : « Oh, une bonne pêche suffira à nous rétablir ». Mais, en premier lieu, qui nous apportera cette bonne pêche, et ensuite, en supposant qu'elle survienne, que nous apprend l'histoire de la colonie? Que, même quand nous avons connu de bonnes pêches, nous n'avons jamais épargné pour les mauvais jours ou remboursé un shilling de notre dette; tout au contraire, que la pêche ait été bonne ou mauvaise, chaque année nous a vus nous endetter davantage. Le mieux que nous puissions espérer serait une alternance de bonnes et de mauvaises pêches, et quel en serait le résultat, compte tenu de notre expérience? Au fil du temps, notre dette a augmenté d'année en année, tandis que nos ressources diminuaient, et le tiers de notre population crève de faim le tiers de l'année. Il est facile d'imaginer l'issue de tout cela : une faillite nationale certaine et inévitable. Si tel était le cas, quel espoir aurions-nous, dans notre isolation présente, pour l'avenir de Terre-Neuve? Joignons-nous à la Confédération et ces malheurs, dans une large mesure, s'évanouiront. (...) Si cette proposition est rejetée, il n'y a rien à espérer pour le pays.

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