Discours de F. B. T. Carter en faveur de la Confédération, 1865
Extraits du discours de F. B. T. Carter (Conservateur, comté de Burin), Débats de l'Assemblée législative, 2 février 1865. The Newfoundlander, 9 février 1865.
Il s'attendait à passer sa vie dans le pays, et ne prévoyait retirer de la fédération proposée aucun avantage personnel autre que la promotion de la prospérité du pays où il était né et où vivraient ses enfants. On a dit qu'ils cédaient les pêcheries. Or, ceux qui le prétendaient étaient de mauvaise foi. Ils savaient que tous les peuples de l'Amérique du Nord britannique étaient aussi intéressés aux pêcheries que nous le sommes. En outre, ils ont dit que nous allions détruire les libertés du peuple. Or, quiconque choisirait d'élire résidence en Grande-Bretagne, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou au Canada le ferait-il au prix de sa liberté? (...) D'ailleurs, la toute première décision adoptée à la Conférence a été que (...) le modèle de gouvernement de la Grande-Bretagne serait suivi, pour autant que les circonstances le permettent. (...) Nos rapports avec la Grande-Bretagne seraient garantis par une loi du Parlement impérial (...) Nos libertés ne seraient-elles pas tout aussi bien protégées qu'à l'heure actuelle, et nos relations avec la Grande-Bretagne perpétuées dans les siècles à venir? (...) Comment pourrions-nous maintenir une milice dans notre Colonie? Nos pêcheurs, du fait même de leur emploi, ne pourraient pas être organisés en milice. Quelque législation pourrait forcer le recrutement de volontaires, mais il est certain que la Grande-Bretagne continuerait d'utiliser la protection de ses troupes, et que la Marine ne serait pas rappelée. Mais certains ont dit « vous allez nous vendre pieds et poings liés au Canada ». Or, ceux qui nous racontent ça n'ont jamais vu le Canada, n'ont jamais mis les pieds hors de la Colonie; et peut-être serait-il bon pour certains de ces gens de voyager un peu et de visiter cette province magnifique, ainsi que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, qui progressent si rapidement en matière de prospérité, et de tout ce qui rend un peuple éminent et respecté. (...) Ces pays sont tous plus prospères que nous, car il nous faut bien admettre que nous sommes au plus creux de la dépression. (...) Mais ceux qui s'objectent à l'union ont invoqué le péril d'une hausse des taxes. Pourtant, ces honorables représentants se souviennent-ils que le leader des opposants à cette confédération a proposé, il y a quelques années à peine, d'imposer un tarif sur l'exportation du poisson et de l'huile? Et il vient aujourd'hui, s'autoproclamant ami des pêcheurs, s'opposer à l'union en prétextant une hausse des taxes. (...) Pourtant, à l'heure actuelle, les pêcheurs ne peuvent-ils pas importer leur farine hors-taxe en vertu du traité de réciprocité, et leur comptes ont-ils été réduits en conséquence? Or, nous devons réaliser qu'un avis a été déposé sur l'abrogation du traité de réciprocité, et que nous allons perdre avec lui notre libre échange avec les autres colonies, parce que nous ne pouvons espérer, si nous refusons de nous joindre à cette confédération, que les autres provinces continueront de laisser entrer nos produits hors-taxe. Pourtant, en vertu de cette confédération, non seulement les produits des pêches et de l'agriculture, mais aussi les biens manufacturés des diverses provinces, circuleraient-ils hors-taxe entre elles. (...) Si nous devions accepter cette convention, les provinces voisines fourniraient aliments et vêtements hors-taxe à nos pêcheurs. Encore une fois, ils devraient soutenir cette confédération en pensant à leurs enfants. (...) Quel avenir attend le jeune homme qui grandit dans ce pays? S'il rêve de trouver de l'emploi dans le commerce, où ira-t-il chercher sa formation? (...) Nos jeunes gens pourraient peut-être demander l'aide des représentants, qui pourraient être intéressés à promouvoir leurs points de vue. (...) Or, ne sommes-nous pas dans un état de profonde dépression? Et qu'y aurait-il de plus efficace que l'union pour nous en sortir (...)? (...) Les dispositions financières dont nous conviendrions nous apporteraient de meilleures recettes que nous en avons vu en moyenne dans les dix dernières années. (...) Nous recevrions aussi des liens directs par vapeur aux frais du Gouvernement fédéral, ainsi que des liens par vapeur avec le Canada, ce qui, à n'en pas douter, encouragerait les visites des détenteurs de capitaux, en plus de stimuler la création d'entreprises, encourageant une concurrence qui, si elle profitait à la communauté, ne serait peut-être pas du goût de certains. Mais même s'il s'agissait d'une façon de réduire les profits, toute mesure qui favorise l'emploi se doit de profiter aux classes laborieuses. On a dit qu'ils voulaient céder les terres de la Couronne et les ressources minérales de l'île. À entendre les hauts cris de certains Messieurs sur cette question, on croirait que les Canadiens s'apprêtent à envoyer une armada de navires avec des pics et des pelles pour nous voler le pays (...) Mais que voulions-nous? Que souhaitons-nous depuis des années? N'avons-nous pas prié pour que nos territoires sauvages soient exploités? Et par qui? N'était-il pas désirable d'amener des gens qui désiraient payer de fortes sommes pour le faire (...)? (...) rien de cela ne nuirait aux entreprises locales, nos terres nous étant tout aussi accessibles qu'à tout autre part de la Confédération, et les capitalistes locaux seraient mieux placés que ceux qui viennent d'ailleurs. Mais nos propres capitalistes, à l'exception de M. Bennett, n'ont montré à ce jour aucun désir de s'engager dans l'industrie minière. (...) Or, la Confédération fournirait quatre millions de consommateurs, un nombre en rapide croissance; et avec notre vaste potentiel hydraulique et notre main-d'œuvre à bon marché, nous pourrions offrir des avantages aux capitalistes désireux d'établir des manufactures, une fois que la Confédération ouvrirait le libre accès au marché de l'Amérique du Nord britannique. (...) Bien entendu, l'entrée dans la Confédération priverait certains de nos politiciens locaux des positions enviables qu'ils occupent depuis des années; et nous savons tous à quel point il est difficile pour les petits politiciens d'abandonner ce qui leur procure un certain prestige local. Ils réalisent qu'il est difficile pour ceux qui exploitent les passions et les préjugés de la population d'accepter un arrangement qui les condamnerait au chômage. Cette perspective leur répugnait, et c'est pourquoi ils ont prétendu défendre avec tant de zèle les intérêts du peuple. (…) Une autre retombée bénéfique de la Confédération serait la disparition de l'acrimonie qui a entaché nos affrontements politiques. Il existe depuis longtemps une lutte incessante entre les deux factions religieuses qui se partagent notre population, et une élection après l'autre a été contestée par des moyens que nous désapprouvons tous. Avec la Confédération, l'objet serait d'envoyer à la Chambre des Communes fédérale les représentants les plus qualifiés (...) sans égard à leur religion. Honorables députés, désirez-vous assister à d'autres émeutes électorales? La Confédération amènerait les politiciens à s'intéresser à des questions plus vastes. (...) Le thème de la taxation a causé toutes sortes de vociférations absurdes, comme si un Canada riche et populeux désirait s'approprier notre Colonie miséreuse afin de nous dépouiller davantage pour augmenter ses propres revenus considérables. Ceux qui le prétendent sont ceux-là même qui se sont toujours opposés à l'instauration d'un gouvernement constitutionnel chez nous. (...) Mais il est assuré que nous connaîtrions dans le cadre de la Confédération un niveau de progrès jamais envisagé jusqu'à présent. Nous serions soulagés de cet isolement qui, depuis si longtemps, retarde notre progrès. (...)