« Le deuxième programme de relocalisation »

L'entente avec le ministère de l'Expansion économique régionale (MEER), 1970-1975

Le partenariat qu'ils avaient conclu en 1965 ayant donné des résultats satisfaisants, les gouvernements fédéral et provincial prolongent de cinq autres années leur entente sur la relocalisation. Le 17 juillet 1970, ils ratifient la deuxième entente sur la relocalisation à Terre-Neuve et au Labrador. L'administration du programme relève du ministère fédéral de l'Expansion économique régionale (MEER) constitué en 1968. Au provincial, le programme relève des compétences du ministère du Développement communautaire et social. La relocalisation représente l'un des volets du programme d'adaptation sociale et de développement rural du ministère de l'Expansion économique régionale (MEER). Il a pour objectif de s'harmoniser avec la politique des « zones spéciales ».

Les zones spéciales

Une zone spéciale est une région nécessitant une aide financière pour en favoriser le développement économique. Cette définition laisse entendre que de grandes collectivités bénéficient davantage de possibilités de croissance économique. La province compte huit zones spéciales (des groupements de collectivités voisines). La principale activité économique de trois d'entre elles est la pêche (St. John's-baie de la Conception, la péninsule de Burin et Hawke's Bay-Port au Choix). Les collectivités d'accueil, qui font partie des zones spéciales, se subdivisent en grands centres de croissances associés au secteur de la pêche, en centres de croissance pour les pêcheurs et en centres de croissance désignés. Par ailleurs, dans ce deuxième programme de relocalisation, certaines collectivités d'accueil n'appartiennent pas à des zones spéciales du MEER, mais elles offrent un potentiel de croissance et des perspectives d'emploi. À noter que le mot « pêche » n'apparaît plus dans la deuxième entente même si la plupart des villages désignés sont des villages de pêcheurs, et les collectivités d'accueil, des localités comportant des usines modernes de transformation du poisson.

Église anglicane St. John, Grole, 1945
Église anglicane St. John, Grole, 1945
L'église anglicane St. John, de Grole, T.-N.-L., fut construite en 1945. En 1971, la collectivité avait été abandonnée. Consultez la section Grole du site des Archives d'histoire maritime (Maritime History Archive) pour de plus amples renseignements.
Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-328.011), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Plusieurs éléments du nouveau programme restent identiques à l'entente précédente. Ainsi, la subvention n'est accordée qu'au chef d'un ménage qui habite un village côtier désigné (où 80 p.100 de la population acceptent la relocalisation) ou, tel qu'énoncé dans la deuxième entente, lorsqu'un nombre important (15 p.100) d'habitants dans une collectivité très isolée veulent quitter. L'entente parle toujours de « chef d'un ménage admissible », « habitation » et « ménage ». La subvention est toujours versée après l'emménagement dans la nouvelle collectivité.

Les modifications à l'entente initiale sont peu nombreuses. La subvention de déplacement passe de 1000 $ à 1200 $. Le comité de relocalisation des pêcheurs se nomme désormais comité de relocalisation de Terre-Neuve. Chacun des deux ordres de gouvernement est dorénavant représenté par quatre fonctionnaires. Dans la première entente, le gouvernement fédéral remboursait les deux tiers des frais de relocalisation. Dans la deuxième entente, le gouvernement fédéral indemnise au complet les frais de déplacement et de transport. Il participe aussi à 75 p.100 de la subvention de relocalisation et à 50 p.100 de la subvention nécessaire à l'achat d'un terrain. Si les chefs de ménage s'installent dans une zone spéciale du MEER, le gouvernement s'engage à hausser les deux dernières subventions à 90 p.100 et 75 p.100 respectivement. C'est donc sans surprise que la contribution fédérale au programme de relocalisation se chiffre à 2,5 millions en 1970.

La gestion du programme de relocalisation

L'absence d'un personnel compétent et d'une stratégie efficace de déplacement de population continue de saper la gestion du programme de relocalisation. Même après la mise en application de la deuxième entente, des cadres supérieurs de l'administration publique insistent sur la nécessité de directives précises pour assurer la réussite du programme. Le gouvernement juge qu'il existe encore un trop grand nombre de petites collectivités dans les régions rurales. Les fonctionnaires élaborent des critères qui tiennent spécifiquement compte du degré d'isolement et du nombre de villages à faible démographie et non enregistrés, c'est-à-dire sans lignes de démarcation juridiques ou officielles. Ils peuvent alors déterminer le nombre visé par le programme de relocalisation. À partir des données du recensement de 1966, les fonctionnaires ciblent 1293 collectivités non enregistrées totalisant 48 615 ménages et 245 633 personnes. C'est près de la moitié de la population de la province.

La maison Piercey en ruine, Pass Island, baie Fortune, T.-N.-L, 1981
La maison Piercey en ruine, Pass Island, baie Fortune, T.-N.-L, 1981
Une partie de la maison a servi de magasin général. Le village est abandonné en 1974. Consultez la section Pass Island du site Resettlement des Archives d'histoire maritime (Maritime History Archive) pour de plus amples renseignements.
Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-328.012), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

L'indice d'isolement

Un indice d'isolement relatif à la province est créé pour permettre d'évaluer le degré d'isolement d'une collectivité dont les membres désirent se relocaliser. Une échelle de 0 à 10 quantifie trois paramètres essentiels : les infrastructures scolaires, les infrastructures médicales et les moyens de communication. Une cote 10 signifie une absence d'infrastructures ou des infrastructures déficientes. L'indice d'isolement facilite la hiérarchisation des priorités. Le potentiel d'accueil d'une collectivité est calculé en fonction d'un barème qui indique notamment le degré de bien-être, le taux de chômage et les possibilités de développement économique. Une collectivité d'accueil doit obtenir 56 points selon un système de pointage, respecter les critères en matière de croissance économique du ministère de l'Expansion économique régionale, et procurer de bons services et des perspectives d'emplois.

L'entente avec le ministère de l'Expansion économique régionale (MEER) donne lieu à la relocalisation de 24 collectivités seulement. Toutefois, 262 ménages supplémentaires reçoivent une subvention de relocalisation entre 1970 et 1975, même si tous les habitants n'ont pas quitté leurs collectivités. La deuxième entente prévoit aussi le versement d'une subvention aux ménages de collectivités très isolées ou moyennement isolées qui désirent partir, même s'ils sont peu nombreux (au moins 15 p.100 et 20 p.100 respectivement). C'est ce qui explique le nombre substantiel de ménages à se relocaliser.

La relocalisation semble perdre son élan quelques années après la signature de la nouvelle entente. C'est que très peu de collectivités (y compris les centres de croissance) obtiennent une cote suffisante pour devenir une collectivité d'accueil. Mis à part les huit zones spéciales désignées par le ministère de l'Expansion économique régionale, la province ne compte que 22 collectivités d'accueil agréées. Le choix est plutôt restreint. Quoique la relocalisation n'ait jamais été un enjeu politique, des universitaires de Memorial University manifestent leur opposition dans les années 1960. Ils condamnent les plans de relocalisation des habitants de l'île Fogo. Selon eux les efforts déployés par J. R. Smallwood en faveur de l'industrialisation constituent un échec. Il n'aurait que regroupé des populations et éliminé des centaines de villages ruraux. Bon nombre de ces déplacés n'ont pu trouver d'emploi dans leur nouvelle collectivité et ont dû faire face à un coût de la vie trop élevé pour eux. En réalité, le principal avantage qu'ils en ont retiré est l'accès à des soins de santé et à des infrastructures modernes.

English version

Vidéo : La relocalisation (en anglais seulement)