La défense du territoire

Au début de la Deuxième Guerre mondiale, le Dominion de Terre-Neuve et du Labrador était pratiquement sans défense. Le Royal Newfoundland Regiment avait été dissous en 1919 et, depuis lors, la fragilité économique du pays avait empêché Terre-Neuve de constituer sa propre armée pour défendre son territoire. Pendant les mois qui ont précédé la guerre, sachant que Terre-Neuve aurait bientôt besoin d'avoir ses propres forces de défense, la Commission de gouvernement avait planifié le recrutement de 11 officiers et de 178 hommes de différents grades militaires. Le coût de cette opération avait été estimée à 50 000 $ pour la première année. Toutefois, lorsque les hostilités ont éclaté en septembre 1939, aucun homme n'avait encore été recruté. Les seules forces armées du pays étaient composées d'environ 50 Rangers et de 260 membres de la Force constabulaire de Terre-Neuve dont les armes étaient obsolètes et inefficaces.

Le début du recrutement

Conscient du besoin urgent de former une milice active, la Commission de gouvernement a mandaté P.J. O'Neill, chef de police de St. John's, pour recruter des volontaires. Les forces acceptaient les hommes âgés de 18 à 41 ans, célibataires ou veufs, qui n'avaient pas d'enfants. L'enrôlement, qui était volontaire, s'est poursuivi pendant toute la durée de la guerre. L'entraînement a commencé à la fin de septembre au moment de l'arrivée à St. John's du capitaine C. Fanning-Evans, des Forces armées britanniques, venu prendre la relève de O'Neill pour constituer une armée.

À la fin d'octobre, 23 hommes faisaient leur entraînement tandis que le corps d'armée, connu jusque-là sous le nom de Home Defence Force, a été reconstitué sous le nom de Newfoundland Militia (Milice de Terre-Neuve). Toutes les candidatures en provenance de l'île étaient acceptées, mais le manque de casernes a fait en sorte que l'enrôlement demeure temporairement limité à la ville de St. John's, car seuls ceux qui pouvaient continuer d'habiter chez eux et aller s'entraîner chaque jour ont pu s'inscrire. L'acquisition de casernes temporaires au King George V Seamen's Institute de Water Street a permis de régler ce problème en novembre et des lieux d'hébergement plus convenables ont été aménagés le mois suivant dans les casernes de pompiers situées dans les parties Est et Ouest de St. John's.

À la mi-décembre, 55 hommes répartis en deux escadrons faisaient leur l'entraînement. Les détachements de la milice surveillaient les régions vulnérables de St. John's, dont le réservoir d'eau de Windsor Lake, les cales sèches, la station radio de la Newfoundland Broadcasting Company à Mount Pearl et les réservoirs de stockage de la société Imperial Oil du côté sud du port. Les activités de surveillance de la milice se sont accrues au cours de l'année suivante et incluaient désormais un camp d'internement de prisonniers allemands à Pleasantville et les mines de l'île Bell, où le gouvernement canadien avait installé deux canons et deux phares de recherche pour assurer la défense côtière.

À l'été 1940, avant de poster des troupes sur l'île Bell, la milice a envoyé deux officiers et neuf militaires de différents rangs à Halifax pour suivre un entraînement avec la Royal Canadian Artillery (Artillerie royale canadienne). À leur retour, ces hommes ont participé à la création de la 1re batterie de défense côtière, qui comptait à l'origine 37 hommes, tous rangs confondus. Les membres de cette unité étaient postés à l'île Bell pendant la guerre. Ils s'occupaient notamment de l'entretien des armes et de la surveillance des mines.

L'expansion

Cet été-là, la milice a élargi son programme de recrutement et emménagé dans des casernes de Shamrock Field, à St. John's. Le nombre d'unités a augmenté de façon continue au cours des premières années pour atteindre un sommet de 27 officiers et de 543 membres, tous rangs confondus, à la fin de 1943. Des détachements ont été envoyés pour surveiller d'autres régions de Terre-Neuve, dont les mines de fluorite de St. Lawrence, le dépôt de munitions de Whitbourne et les stations d'aboutissement de câble de Bay Roberts et Harbour Grace.

En juillet 1942, le département de la Défense de Terre-Neuve (Newfoundland Department of Defence) a ordonné à la milice de recruter et de former des troupes de renfort pour deux régiments de la British Royal Artillery affectés outre-mer et composés de Terre-Neuviens – le 59e régiment d'artillerie lourde et le 166e régiment d'artillerie de campagne. Les 100 premières recrues sont parties pour la Grande-Bretagne en septembre 1942 après avoir subi 12 semaines d'entraînement à St. John's.

Pendant ce temps, la milice a accédé au statut régimentaire en 1943 et a été renommée Newfoundland Regiment le 2 mars. Les militaires faisaient des quarts de travail de six semaines au quartier général et ils étaient ensuite affectés aux avant-postes pendant six autres semaines. Leur devise non officielle était “Not Found Lying Down” (« Ne jamais être trouvé allongé ») [Traduction libre], inspirée des lettres NFLD [l'ancienne abréviation de Terre-Neuve en anglais] de couleur cuivre que les soldats portaient sur leur uniforme.

À la fin de la guerre, le Régiment avait recruté 1668 Terre-Neuviens et en avait envoyé environ 800 outre-mer. Trente hommes sont morts en service – huit de causes naturelles et 22 dans un incendie qui a détruit la salle des Chevaliers de Colomb à St. John's le 12 décembre 1942. Leurs noms sont inscrits dans le Livre du Souvenir de la tour de la Paix, à Ottawa. Peu après la capitulation de l'Allemagne, le 8 mai 1945, le Régiment a commencé à démobiliser ses soldats et à fermer ses installations de l'île Bell, St. John's, Harbour Grace et Bay Roberts. Les derniers soldats ont quitté Shamrock Field le 15 juillet 1946.

La garde territoriale

Pendant la guerre, en plus du Régiment, les Terre-Neuviens ont aussi formé des unités militaires de garde territoriale (Home Guard) dans les villes de Grand Falls et de Corner Brook, là où se trouvaient des usines de pâtes et papiers. Les usines de papier réclamant que leurs installations soient protégées, la Commission de gouvernement a adopté à la fin de 1940 une loi (Auxiliary Militia Act) autorisant la formation d'unités œuvrant à temps partiel composées de volontaires non rémunérés. Cette loi stipulait qu'aucun volontaire d'âge militaire ne pouvait devenir membre de la garde territoriale à moins qu'il soit médicalement inapte au service militaire ou employé dans des emplois civils jugés essentiels à l'effort de guerre.

La première compagnie affectée à la garde territoriale a été formée à Grand Falls à l'automne 1940 et regroupait de 160 volontaires. Corner Brook a recruté sa compagnie, connue sous le nom de Bay of Islands Home Guard, en avril 1942. Le Newfoundland Regiment commandait ces deux unités et l'Armée canadienne aidait les recrues à apprendre le maniement des armes d'infanterie, à comprendre la communication par signaux et à administrer les premiers soins.

Lorsqu'ils étaient en devoir, tous les volontaires devaient porter l'uniforme et porter une arme à feu. Leur mission consistait à défendre Corner Brook et Grand Falls des attaques ennemies jusqu'à l'arrivée des renforts. Les unités de la garde territoriale ont pris le nom de Newfoundland Militia en mars 1943 alors que la Newfoundland Militia d'origine a été rebaptisée Newfoundland Regiment.

Se prémunir contre les attaques aériennes

Pendant la guerre, une troisième unité composée de volontaires, connue sous le nom d'organisation Air Raid Precautions (ARP), a aussi été formée pour participer à la défense du territoire. L'ARP a recruté quelque 1000 volontaires et les a entraînés pour les interventions d'urgence, les premiers soins, la lutte contre les incendies et l'extinction des bombes incendiaires. Basée à St. John's, l'ARP avait pour mission de protéger la ville contre les attaques ennemies, faire des opérations de sauvetage et s'assurer que toutes les lumières visibles étaient éteintes. Les volontaires parcouraient les rues de la ville chaque soir pour vérifier les fenêtres, les portes et les quais afin de déceler toute forme d'éclairage pouvant attirer l'attention des navires ou des avions ennemis. Bien qu'elle n'ait jamais été sollicitée pour défendre St. John's contre une attaque importante, l'ARP a contribué à la protection de la ville en faisant respecter le couvre-feu.

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Vidéo: Terre-Neuve-et-Labrador pendant la Seconde Guerre mondiale : Les forces de défense du territoire