La Commission de gouvernement et l'éducation

La Commission de gouvernement a été établie en 1934, au moment où le système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador méritait d'être fortement amélioré. Les enseignants étaient mal formés et touchaient un salaire de misère, les programmes d'études n'avaient pas été mis à jour depuis longtemps et le nombre des élèves inscrits dans les écoles était très faible. La plupart des élèves qui fréquentaient les écoles se retrouvaient dans des édifices qui étaient en très mauvais état et des classes surpeuplées, rarement chauffées et sans eau courante. Les élèves n'avaient guère accès aux manuels et autres fournitures scolaires et des douzaines de villages n'avaient même pas une école à distance raisonnable.

Élèves devant l'école, s.d.
Élèves devant l'école, s.d.
L'établissement de la Commission du gouvernement en 1934 survenait alors que les programmes d'études n'avaient pas été mis à jour depuis longtemps, le nombre d'élèves inscrits était très faible et les édifices en très mauvais état.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137 26.02.008), biliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Même si la Commission a réussi à effectuer des changements significatifs dans le domaine de l'éducation, elle a fait face malgré tout à de nombreux obstacles. La situation financière déplorable du pays, aggravée par la crise économique à l'échelle mondiale, ne facilitait pas la construction de nouvelles écoles ni l'amélioration des écoles existantes ou la mise en œuvre de changements. Le système d'éducation confessionnel créait de fortes tensions entre l'état et les diverses églises alors que la population s'étendait sur un vaste territoire, ce qui ne facilitait pas l'accès à l'éducation.

L'éducation et la Crise économique

Du point de vue de l'économie, les années 1930 ont été des années très difficiles pour Terre-Neuve et le Labrador. À mesure que la Crise empirait, les prix des exportations baissaient de façon dramatique. Les revenus du gouvernement étant en baisse, celui-ci se voyait obligé de couper les dépenses de divers services, notamment l'éducation. Le budget de l'éducation qui s'élevait à 1 million de dollars en 1932 était tombé à moins de la moitié pendant l'année fiscale 1933-34. Par conséquent, le salaire des enseignants avait aussi diminué de plus de 50 p. 100 durant la même période, ce qui poussait de nombreux enseignants dans la pauvreté.

Cette année-là, le nombre des écoles à Terre-Neuve et au Labrador était tombé de 1 214 à 1 103. Celles qui restaient ouvertes était en très mauvais état mais le gouvernement n'avait pas les moyens de les réparer; il ne pouvait pas non plus fournir des manuels et fournitures scolaires convenables à la plupart des enfants.

École méthodiste à The Gulch, vers 1940
École méthodiste à The Gulch, vers 1940
Pendant la Crise économique, des douzaines d'écoles ont été fermées à Terre-Neuve et au Labrador. Celles qui étaient restées ouvertes étaient en très mauvais état mais le gouvernement n'avait pas les moyens de les réparer.
Photographe inconnu. Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-285.026), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Lorsqu'un inspecteur nommé C.A. Richardson est arrivé d'Angleterre en 1933, il a été choqué de trouver que des enseignants visiblement mal nourris enseignaient à des élèves qui, dans de nombreux cas, n'avaient pas autre chose que des sacs en papier sur lesquels écrire. Deux ans plus tard, un sondage du gouvernement sur le système d'éducation a révélé qu'il manquait des équipements de base dans la moitié des écoles alors que 85 p. 100 n'avaient même pas un seul livre sur leurs étagères.

La fréquentation scolaire était un autre problème. Selon le recensement de 1935, 25 p. 100 des enfants âgés de six à quatorze ans à Terre-Neuve et au Labrador ne fréquentaient pas l'école régulièrement. Certains habitaient trop loin de l'école; d'autres quittaient l'école pour aller travailler dans le secteur de la pêche ou ailleurs et beaucoup d'autres restaient à la maison parce que leurs parents n'avaient pas les moyens de payer les frais scolaires. Même si ces frais n'étaient pas obligatoires, de nombreux parents étaient trop gênés pour envoyer leurs enfants à l'école sans payer.

La Commission de gouvernement

Quand la Commission de gouvernement a pris le pouvoir en 1934, on comptait parmi ses priorités immédiates le rétablissement des salaires des enseignants, l'amélioration de la formation des enseignants et de la fréquentation scolaire, la remise en état des écoles et l'établissement de nouveaux programmes d'études. Les revenus limités du pays empêchaient d'atteindre rapidement ces objectifs mais l'aide financière de la Grande-Bretagne a permis au gouvernement d'augmenter graduellement ses dépenses en éducation.

Au cours de l'année fiscale 1934-35, la Commission a dépensé 716 807 $ pour l'éducation; l'année suivante le coût est monté à 956 168 $ et en 1937 il dépassait le million de dollars. Une grande partie de ces montants servait à payer le salaire des enseignants et en 1939 le gouvernement l'avait rétabli au niveau d'avant la Crise – ce qui représentait environ 450 $ par an. Les représentants du gouvernement reconnaissaient qu'il faudrait continuer à augmenter le salaire des enseignants car de nombreux enseignants expérimentés quittaient leur emploi pour travailler dans des domaines mieux payés. En 1945, le salaire moyen annuel d'un enseignant atteignait 992 $.

Le gouvernement reconnaissait aussi qu'il fallait mieux former les nouveaux enseignants et en 1935, il a réouvert un programme de formation des enseignants au Memorial College, programme qui avait été fermé en 1932 à cause du manque de financement. Seulement une centaine d'étudiants recevaient un diplôme chaque année. Ce n'était pas suffisant pour remplacer le nombre d'enseignants qui quittaient la profession. La Commission a établi une école d'été de cinq semaines pour former d'autres enseignants mais ce programme plus court ne pouvait pas offrir le même niveau de formation que le collège et il convenait mieux pour des cours de recyclage ou rattrapage ou encore spécialisés.

Même si en 1935, la Commission avait nommé douze superviseurs pour conseiller les enseignants et inspecter les activités dans les salles de classe, malgré tout, ces personnes passaient la plus grande partie de leur temps à se déplacer entre les villages isolés le long des centaines de kilomètres de côtes. En 1946, le gouvernement avait nommé dix superviseurs supplémentaires mais le volume du travail qu'ils devaient fournir continuait à affecter négativement leur efficacité – chaque employé était responsable d'environ 64 écoles et 117 enseignants.

Fréquentation scolaire et programmes d'études

En 1934, deux facteurs majeurs contribuaient à la faible fréquentation scolaire à Terre-Neuve et au Labrador : il n'y avait pas assez d'écoles pour recevoir convenablement les enfants du pays et beaucoup de parents n'avaient pas assez d'argent pour acheter des manuels ou payer les frais scolaires. Pour résoudre ces problèmes, la Commission a établi des services de prêts gratuits de manuels et autres fournitures scolaires aux élèves ainsi qu'un programme de construction pour de nouvelles écoles ou de rénovations d'écoles existantes. En 1949, le gouvernement avait rénové 264 écoles et construit 555 nouvelles, pour un coût total de 3,4 $ millions.

Une fois ces mesures en place, la Commission a fait voter, le 1er septembre 1942, la Loi sur la fréquentation scolaire qui obligeait tous les enfants âgés de sept à quatorze ans à fréquenter régulièrement l'école, à condition qu'ils habitent à une distance raisonnable d'une école. Même si le résultait de cette loi était une faible augmentation de la fréquentation, on l'estimait à 76 p. 100 en 1949, ce qui était un résultat décevant. Cette situation était due en grande partie à la pauvreté extrême qui affectait une grande partie de la population du pays. Il a fallu attendre l'administration de Smallwood, qui a introduit les allocations familiales après l'entrée dans la Confédération, pour que la loi ait un effet réel à Terre-Neuve et au Labrador.

Groupe d'élèves et d'enfants du niveau préscolaire à Haystack, 1942
Groupe d'élèves et d'enfants du niveau préscolaire à Haystack, 1942
Environ 25 p. 100 des enfants d'âge scolaire à Terre-Neuve et au Labrador ne fréquentaient pas l'école régulièrement.
Photographe inconnu. Avec la permission des Archives d'histoire maritime (PF-285.010), Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N-.L.

Durant son mandat, la Commission a beaucoup fait pour réviser les programmes d'études du pays. Les responsables étaient d'avis que les programmes en vigueur étaient trop académiques, plaçaient trop d'importance sur les notes obtenues et favorisaient l'apprentissage par cœur plutôt que la compréhension. Ils croyaient aussi que ce que les élèves apprenaient ne leur servirait pas à grand-chose dans leur vie adulte, qui serait probablement occupée par la pêche, le secteur forestier ou autres semblables. En 1936, le gouvernement a réorganisé les programmes d'études pour inclure la santé, l'éducation sociale et la formation industrielle.

La Commission a aussi établi quelques écoles publiques à Deer Lake, Buchans, Gander, North West River ainsi qu'ailleurs, dans lesquelles on acceptait des élèves de toutes les classes sociales et religions. La Commission a également ouvert des écoles non confessionnelles d'éducation populaire dans plusieurs collectivités dans le cadre de son programme de colonisation rurale. Dans ces écoles d'éducation populaire on enseignait la menuiserie, le jardinage, l'histoire naturelle, l'instruction civique ainsi qu'une variété d'autres sujets. Même si de nombreux représentants du gouvernement pensaient que ces écoles représentaient un succès, celles-ci ont dû être fermées quand la Commission a abandonné son projet de colonisation rurale dans les années 1940. Les élèves sont retournés dans le système confessionnel régulier.

Le sytème scolaire confessionnel

Malgré les efforts du gouvernement pour remplacer le système scolaire confessionnel de Terre-Neuve et du Labrador par un système laïque, il y avait peu de résultats positifs et beaucoup d'opposition. Lorsque la Commission a pris le pouvoir en 1934, les églises anglicane, catholique et méthodiste jouaient un rôle central dans l'administration de l'éducation. Elles avaient le pouvoir d'accepter les élèves sur une base confessionnelle, d'embaucher ou de renvoyer les enseignants et leur influence s'exerçait sur ce qu'on enseignait à l'intérieur de leurs écoles.

École presbytérienne à St. John's, s.d.
École presbytérienne à St. John's, s.d.
Lorsque la Commission de gouvernement a pris le pouvoir en 1934, plusieurs églises jouaient un rôle central dans l'administration de l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador.
Photographe inconnu. Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales (Coll. 137 02.03.005), bibliothèque Queen Elizabeth II, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

En 1935, la Commission a essayé de réorganiser un système laïque mais elle a fait face à une forte résistance de la part des églises. Par crainte que le changement ne soit pas politiquement bien accepté, le gouvernement a éventuellement abandonné toute tentative de créer un système scolaire laïque. En 1937, il a créé un Conseil d'éducation chargé d'administrer les politiques du pays en matière d'éducation. La majorité des membres du conseil représentaient les principales églises.

Pendant toute la durée de son mandat et malgré ses efforts pour améliorer le système d'éducation – notamment par l'élargissement des programmes d'études et l'adoption de la Loi sur la fréquentation scolaire – le manque de financement affectait négativement le travail de la Commission. En 1949, de nombreuses écoles de Terre-Neuve et du Labrador n'avaient toujours pas l'eau courante ou l'électricité; plus de la moitié avaient une seule salle de classe et la majorité n'avaient pas de bibliothèque, laboratoire, gymnase ou autre infrastructure. Les taux de malnutrition et d'analphabétisme étaient malheureusement encore très élevés parmi les élèves et parmi les 2 375 enseignants, il y en avait seulement 57 qui étaient diplômés.

L'éducation des adultes

Pendant son mandat, la Commission de gouvernement a aussi tenté de promouvoir l'éducation des adultes, en particulier dans le domaine de l'agriculture. Les responsables espéraient ainsi résoudre en partie le problème du chômage, et les problèmes qui en découlent, en rendant la population adulte plus autonome. Une ferme modèle et une école d'agriculture ont ainsi été établies pour former les futurs agriculteurs et soutenir financièrement les personnes qui souhaitaient s'inscrire dans les collèges agricoles canadiens. La Commission a aussi établi plusieurs collectivités agricoles dans le cadre de ses projets de colonisation rurale et de petites exploitations agricoles.

Pendant les années 1930 et 1940, des centaines de familles bénéficiant de l'assistance du gouvernement ont déménagé dans les nouvelles collectivités agricoles à Markland, Haricot, Brown's Arm ou ailleurs. La majorité des résidents n'avaient que peu d'expérience en agriculture mais ils ont rapidement appris à cultiver des légumes, élever du bétail ou travailler dans les laiteries. Cependant, une planification insuffisante de la part du gouvernement a fait obstacle à l'efficacité du programme qui a éventuellement échoué.

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