La Commission royale de Terre-Neuve, 1933 (La Commission Amulree)

En novembre 1932, en plein milieu de la Crise économique, le gouvernement de Terre-Neuve dirigé par F.C. Alderdice a fait savoir qu'il y aurait un défaut de paiement partiel sur la dette publique qui s'élevait à environ 100 $ millions. Les gouvernements britannique et canadien étaient alarmés, craignant des effets négatifs sur les marchés boursiers déjà fragiles et donc sur le crédit du Canada et des autres Dominions britanniques. On est donc tombé d'accord pour qu'à court terme, le Canada et la Grande-Bretagne aident Terre-Neuve à couvrir les paiements de la dette dans sa totalité, en attendant la publication du rapport d'une Commission royale d'enquête.

Le gouvernement britannique a nommé le président de la Commission, Lord Amulree. Le gouvernement canadien a nommé C.A. Magrath, et le gouvernement de Terre-Neuve, Sir William Stavert. Magrath et Stavert étaient tous les deux des banquiers canadiens. Les commissaires étaient aidés par un représentant du Bureau des Dominions, P.A. Clutterbuck, qui allait pendant longtemps avoir des liens avec Terre-Neuve.

Lord Amulree, vers 1936
Lord Amulree, vers 1936
Lord Amulree a été nommé président de la Commission royale par le gouvernement britannique.
Photo de Walter Stoneman. Image tirée du site Web de la National Portrait Gallery, Londres, à des fins non commerciales en vertu des termes du contrat de licence : Creative Commons Attribution-Non-Commercial-NoDervis (CC BY-NC-ND 3.0).

Discussion du système de gouvernement de Terre-Neuve

La Commission a tenu des audiences à huis-clos à Terre-Neuve, en commençant par St. John's et traversant l'île en train. Les membres de la Commission sont allés à Ottawa pour rencontrer des membres du gouvernement canadien. On a fait comprendre très clairement que de nombreux Terre-Neuviens n'avaient plus confiance dans le système de gouvernement responsable ni dans leurs chefs politiques. Ils cherchaient de l'aide et ils voulaient des changements : pourtant, ils ne voulaient pas de la confédération, pas plus que le premier ministre canadien, R.B. Bennett.

Sir William E. Stavert, s.d.
Sir William E. Stavert, s.d.
Stavert était un membre de la Commission royale ainsi qu'un conseiller financier du gouvernement de Terre-Neuve.
Avec la permission des archives (A 23-137), The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Les responsables du gouvernement à Londres avaient discuté de la crise de Terre-Neuve alors que la Commission royale était de l'autre côté de l'Atlantique. À son retour, Amulree a trouvé que le résultat de ces discussions était un plan qu'il allait devoir recommander. La dette publique de Terre-Neuve serait négociée à un taux d'intérêt réduit et garantie par le gouvernement britannique. Ceci éviterait le défaut de paiement, rassurerait les propriétaires d'obligations et empêcherait la panique dans les marchés boursiers. Mais l'intervention financière et ce genre d'aide étaient incompatibles avec le fonctionnement d'un gouvernement responsable. Par conséquent, Terre-Neuve devrait accepter d'abandonner temporairement ce système de gouvernement et permettre à la Grande-Bretagne d'administrer le pays par le biais d'une commission désignée.

Le rapport de la Commission Amulree

Cette option devint la recommandation principale de la Commission royale de Terre-Neuve, dans son rapport publié en octobre 1933. Elle était justifiée en disant que la situation difficile dans laquelle se trouvait Terre-Neuve résultait d'une mauvaise gestion, de l'inefficacité, de la corruption et de l'irresponsabilité financière. Par conséquent, il fallait donner au pays « des vacances politiques » et une période de stabilité, de réadaptation et de reconstruction sous le contrôle de la Grande-Bretagne. Le contrôle direct cesserait dès que Terre-Neuve serait devenue encore une fois « autonome ».

Le rapport de la Commission Amulree a été bien reçu par la presse et une grande partie du public. Il a été débattu en novembre dans la législature qui a voté de demander à la couronne de suspendre la constitution. En février 1934 la Commission de gouvernement a pris ses fonctions.

Inauguration de la Commission de gouvernement, 16 février 1934
Inauguration de la Commission de gouvernement, 16 février 1934
Le gouverneur de Terre-Neuve, Sir David Murray Anderson, prend la parole à l'inauguration de la Commission de gouvernement.
Avec la permission des archives (B 4-137), The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Critiques

Malgré tous les éloges dont le rapport de la Commission Amulree a fait l'objet lors de sa publication, certaines personnes avaient de sérieuses réservations en 1933 et il y en a eu bien d'autres depuis. Par exemple, les critiques des politiciens et du système politique de Terre-Neuve qui sont contenues dans le rapport semblaient injustes et exagérées, ou encore le refus de considérer le défaut de paiement comme une option sérieuse dénotait une vision à court terme. On avait donné trop peu de poids aux conséquences de la Première Guerre mondiale et de la Crise économique sur l'économie et les finances du pays, et de plus on avait mal représenté les dépenses des gouvernements successifs.

La plupart des universitaires modernes sont d'accord avec ces critiques et ils s'entendent pour dire que le diagnostic d'Amulree était faux et son analyse historique erronée. Cependant, ils diraient sans doute qu'il y avait aussi des choses intéressantes et valables dans ce rapport, par exemple sur l'économie de Terre-Neuve, et qu'il valait vraiment la peine de le lire. C'est un des documents les plus importants de l'histoire de Terre-Neuve-et-Labrador, qui marque la fin de 79 ans de gouvernement responsable et le début d'une interruption de 15 ans dans la vie politique et, comme certains le diront, l'ouverture de la voie vers la confédération.

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