Autres rencontres avec des U-Boot

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les autorités canadiennes et américaines craignaient les raids éclair sur des cibles nord-américaines. En fait, des sous-marins allemands ont réellement débarqué des agents sur les côtes est du Canada et des États-Unis et le personnel du U-boot 537 a même installé une station météorologique sur la côte du Labrador en 1943. Il s'agit de la seule information documentée concernant des combattants allemands armés ayant amerri en territoire allié en Amérique du Nord. L'équipage du U-537 a jeté l'ancre pendant 28 heures à Martin Bay, près du cap Chidley, pour procéder à l'aménagement de cette station. Les raids éclair représentaient une grande menace pour les navires en mer, mais les Alliés craignaient également les attaques éventuelles sur les installations terrestres à partir des U-boot.

Le Commandement allié avait de bonnes raisons d'intensifier sa campagne contre les sous-marins allemands tant redoutés qui avaient Terre-Neuve-et-Labrador dans leur collimateur depuis le début de la guerre. Alors que la bataille de l'Atlantique progressait, les avions se sont avérés d'une importance capitale dans le combat contre les U-boot. Un avion pouvait couvrir une vaste zone plus rapidement que n'importe quel navire de guerre et perpétrer une attaque meurtrière contre les sous-marins les moins vigilants. L'amiral Karl Dönitz, chef de la flotte de U-boot, a riposté à cette menace aérienne en équipant ses U-boot d'armes antiaériennes plus puissantes et en incitant ses équipages à se battre en surface. Malgré ses recommandations, la plupart des capitaines de U-boot préféraient plonger pour éviter le danger. Cependant, ils savaient que leur sous-marin pouvait perdre la trace d'un convoi et prendre des heures pour le rattraper, si jamais il y parvenait. C'est pourquoi les Alliés ont stationné des avions sur le territoire terre-neuvien à Stephenville, Gander, Argentia et Torbay, tout près de St. John's. Comme la base de l'Aviation royale canadienne de Torbay était pleinement opérationnelle depuis les premiers mois de 1942, ses avions étaient en mesure de protéger les convois vers l'est jusqu'aux Grands Bancs de Terre-Neuve, le terrain de chasse préféré des U-boot.

"Sighted Boat, Sank Same"

L'exploitation de la base aérienne de Torbay coïncidait avec une plus grande activité de U-boot dans les eaux de Terre-Neuve. Le 3 mars 1942, par exemple, le U-587 a lancé trois torpilles sur la ville de St. John's. Selon certains rapports, l'une d'elles a frappé Fort Amherst et les deux autres ont touché les falaises situées en bas de la tour Cabot en faisant éclater toutes les fenêtres du bâtiment. Deux jours plus tôt, en plein jour, un avion Liberator d'Argentia piloté par l'enseigne William Tepuni avait repéré en plein jour et détruit le U-656, commandé par le Kapitänleutnant Ernst Kröning, qui se trouvait en surface à seulement 40 km (25 milles) au sud de Trepassey. Le naufrage a donné lieu à l'un des signaux radio les plus mémorables de la guerre : “Sighted Sub, Sank Same” (« Sous-marin repéré, sous-marin coulé »). [Traduction libre]

Les journaux américains ont rapporté qu'après avoir disposé du U-656, l'enseigne William Tepuni avait transmis le fameux message à Argentia. Mais les faits le démentent. Cette histoire était une pure invention et “Sighted Sub, Sank Same” est apparu dans d'autres reportages à divers moments et sur différents sites d'opérations militaires durant la guerre. Mais cette histoire alimentait les journaux et, à cette époque, les Américains avaient besoin qu'on leur remonte le moral. L'attaque dévastatrice de Pearl Harbor avait eu lieu en décembre et les Japonais se déplaçaient sans surveillance dans presque toute la partie occidentale du Pacifique. Au même moment, les U-boot allemands détruisaient des navires tout au long du littoral est des États-Unis. Le public réclamait des mesures fermes et le naufrage du U-656 provoqué par l'enseigne William Tepuni a démontré que les forces américaines savaient riposter. Que l'attaque se soit produite sur la côte de Terre-Neuve plutôt que sur celle du New Jersey était sans importance. En fait, certains éléments laissent croire que ce sont les torpilleurs appelés sur les lieux par Tepuni qui auraient coulé le U-656. C'est toutefois lui qui a récolté tout le mérite et cet événement a marqué le début d'une longue série de victoires de la US Navy contre les U-boot dans l'océan Atlantique.

Malgré des anecdotes prétextant le contraire, très peu de civils terre-neuviens ont réellement vu des U-boot ou rencontré des membres de leur personnel pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des histoires locales racontent que des gens ont croisé sur des chemins déserts des hommes étranges qui sentaient le carburant diesel ou que des U-boot remontaient parfois à la surface à proximité des bateaux de pêche pour acheter du poisson frais. Des récits transmis par des personnes ou des journaux prétendent même qu'un grand nombre de U-boot ont été détruits dans les eaux de Terre-Neuve. La vérité est que moins d'une demi-douzaine d'épaves de sous-marins allemands reposent aujourd'hui au fond de ces eaux désormais canadiennes, et l'une d'elles a été prise pour cible après la guerre. Il semble toutefois qu'un combat a bel et bien eu lieu dans ces eaux et qu'il impliquait une petite goélette de la côte sud de la péninsule de l'Avalon.

Zimmerman et le U-548

Le 1er mai 1944, un avion Liberator de l'Escadron no 10 a aperçu le U-548 commandé par le Kapitänleutnant Heinrich Zimmermann à l'est de la baie de la Conception. L'avion l'a attaqué et Zimmermann a riposté à son tour avant de s'enfuir à la faveur de l'obscurité. Une alerte a toutefois été lancée et quand le U-548 a refait surface près de Cape Broyle deux jours plus tard, le HMS Hargood était là à l'attendre. Zimmermann a trouvé refuge près des falaises et pendant que le navire de guerre britannique poursuivait ses recherches pour repérer le U-boot, la goélette Mary Coady, qui était sur son chemin de retour en partance de St. John's, a pénétré dans le périmètre de recherche. Le Hargood a alors intercepté le Mary Coady et a ordonné à son capitaine, Tom Coady, de passer la nuit en mer pendant que se poursuivraient les recherches pour retrouver le U-boot. Coady a obéi et quitté la région. Environ une heure plus tard, en regardant par-dessus bord, un membre de l'équipage du Mary Coady a aperçu sous la goélette une forme noire avançant à la même vitesse. Le Mary Coady n'ayant pas de radio ni aucun autre moyen de demander de l'aide, le capitaine a poursuivi sa route en espérant que le U-boot profiterait de la noirceur pour fuir. Ce fut le cas et, au matin, le U-boot n'était plus là.

Quelques jours plus tard, Zimmermann et le U-548 ont croisé le HMCS Valleyfield au large de la côte sud de Terre-Neuve. Ce dernier était en route vers Halifax après avoir escorté un convoi. Le Valleyfield a manqué de vigilance et Zimmermann l'a attaqué avec une torpille acoustique. Le navire de guerre a coulé si rapidement que les deux bateaux qui l'accompagnaient ont réalisé le naufrage de la frégate seulement une demi-heure plus tard. Le temps de retourner sur les lieux et de localiser les survivants, il ne restait plus que 39 hommes vivants parmi les 165 membres d'équipage. La plupart étaient morts de froid.

Le territoire de Terre-Neuve-et-Labrador faisait partie de la zone de guerre même s'il était situé à des milliers de kilomètres des principaux champs de bataille européens. Des navires et des U-boot ont été coulés sur ses côtes et il était constamment menacé de subir une attaque directe de l'ennemi. Le black-out a été imposé peu de temps après et on avait pris des mesures pour incendier les installations militaires de St. John's en cas d'attaque. De plus, des milliers de troupes alliées étaient stationnées à Terre-Neuve-et-Labrador pendant la Deuxième Guerre mondiale pour protéger le territoire et combattre l'ennemi. Terre-Neuve-et-Labrador a joué un rôle important dans la défense de l'Amérique du Nord et la bataille de l'Atlantique, et elle a vécu la guerre de façon très tangible.

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