Les Terre-neuviens et les Labradoriens dans les autres forces alliées

Bien que la plupart des recrues de Terre-Neuve-et-Labrador se soient enrôlées dans les Forces armées britanniques pendant la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup ont servi dans les rangs d'autres forces alliées. La plus importante était l'Armée canadienne, qui a recruté 1160 hommes de Terre-Neuve-et-Labrador. Nombre d'entre eux vivaient au Canada au moment où la guerre a éclaté et ont décidé de s'enrôler dans les Forces armées canadiennes plutôt que britanniques.

Citons l'exemple de Harold Lester Pittman, de l'île Random, qui travaillait dans une mine de charbon de Sydney, en Nouvelle-Écosse, lorsqu'il s'est engagé dans l'Armée canadienne dans le but de servir outre-mer. Même s'il n'était pas obligé de s'enrôler puisqu'il n'était pas un citoyen canadien, il est devenu membre de l'armée et est allé se battre en Europe. Toutefois, le 21 juillet 1944, Pittman est mort lorsque l'engin explosif qu'il était en train de poser pour miner un pont a malencontreusement explosé.

Des membres de la 7e Compagnie de campagne, le 16 septembre 1944
Des membres de la 7e Compagnie de campagne, le 16 septembre 1944
Des soldats de la 7e Compagnie de campagne, Corps du génie royal canadien, à la recherche de mines sur une route de Bergues, en France.
Photographe: Ken Bell. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-137307), Ottawa, Ontario.

De même, certains hommes de Terre-Neuve-et-Labrador qui travaillaient aux États-Unis au moment où la guerre a éclaté ont choisi de s'enrôler dans les Forces armées américaines. Ce fut le cas de Maxwell James Bryant, qui a quitté Hickman's Harbour pour Boston dans les années 1920 et a acquis la citoyenneté américaine. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Bryant s'est engagé dans la United States Air Force et s'est battu en Birmanie (aujourd'hui le Myanmar).

Même si des recrues ont servi dans les Forces armées américaines et d'autres forces alliées, il n'est pas facile de déterminer leur nombre exact puisque seules les Armées canadienne et britannique conservaient des dossiers d'enrôlement pour les Terre-Neuviens et les Labradoriens. On sait toutefois qu'au moins quatre recrues du pays ont perdu la vie pendant leur service dans les autres forces alliées.

Le fait de pouvoir servir dans les autres forces offrait des possibilités intéressantes aux femmes de Terre-Neuve-et-Labrador – qui n'ont pas eu le droit de s'enrôler dans le service militaire avant mai 1942. La Division féminine de l'Aviation royale canadienne (Royal Canadian Air Force Women's Division – RCAF-WD) n'a pas tardé à envoyer une équipe de recrutement dans l'île. Auparavant, les femmes qui désiraient participer à l'effort de guerre étaient contraintes d'accepter un rôle plus traditionnel, notamment en travaillant comme infirmières, travailleuses civiles, ou encore bénévoles au sein de la Croix-Rouge et de divers organismes caritatifs. À la fin de la guerre, 524 femmes de Terre-Neuve-et-Labrador s'étaient enrôlées dans l'Armée canadienne.

Les femmes pendant la guerre

Bien que les quartiers généraux de la Défense nationale du Canada aient évalué les recrues féminines en juin 1940, ce n'est que l'été suivant que l'Aviation royale canadienne a créé la Canadian Women's Auxiliary Air Force, qui a pris le nom de Royal Canadian Air Force Women's Division – RCAF-WD (Division féminine de l'Aviation royale canadienne), au printemps de 1942. En juillet 1942, l'armée et la marine acceptaient aussi les femmes.

L'uniforme de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne, 10 juillet 1942
L'uniforme de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne, 10 juillet 1942
Une des membres des forces aériennes arbore l'uniforme des recrues de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-064342), Ottawa, Ontario.

L'Armée canadienne croyait qu'en enrôlant des femmes pour le travail de bureau et d'autres postes non liés au combat, les hommes recrutés seraient forcément plus disponibles pour aller servir au front. La devise adoptée par la Division féminine de l'Aviation royale canadienne reflétait bien leurs valeurs : "We Serve That Men May Fly; We Serve That Men May Fight; We Are the Women Behind the Men Behind the Guns." (« Nous servons pour que les hommes puissent voler; nous servons pour que les hommes puissent se battre; nous sommes les femmes derrière les hommes qui se tiennent derrière les canons »). [Traduction libre]

Pendant qu'elles déployaient des efforts pour aider à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, celles qui se sont enrôlées pour le service militaire ont subi beaucoup de discrimination à l'intérieur et à l'extérieur des forces armées. Les femmes qui y servaient avaient des salaires inférieurs à leurs homologues masculins. Elles ne pouvaient pas aller au front et recevaient des allocations uniquement pour leurs parents, frères et sœurs à charge, mais pas pour leur mari. Pendant ce temps, dans le grand public, un mythe tenace laissait croire que ces femmes étaient immorales et imprévoyantes et qu'elles rentraient souvent à la maison enceintes sans être mariées. Néanmoins, environ 50 000 femmes – dont un grand nombre de Terre-Neuve-et-Labrador – se sont enrôlées dans les Forces armées canadiennes pendant la guerre.

La Division féminine de l'Aviation royale canadienne

La première organisation militaire qui a commencé à enrôler des femmes de Terre-Neuve-et-Labrador était la Division féminine de l'Aviation royale canadienne, qui a envoyé des éclaireurs à St. John's, Grand Falls et Corner Brook au printemps de 1942. Les recruteurs acceptaient les femmes de 21 à 49 ans ayant une onzième année (un préalable qui a été changé ultérieurement pour une huitième année) et pouvant passer un examen médical. Les femmes ne pouvaient pas poser leur candidature si elles étaient mariées et avaient de jeunes enfants, ou encore si elles avaient un emploi permanent dans la fonction publique. À la fin de la guerre, la Division féminine de l'Aviation royale canadienne avait recruté 260 femmes de Terre-Neuve-et-Labrador, un nombre plus important que l'armée ou la marine.

Le premier contingent de huit recrues est parti pour l'Ontario le 14 juillet 1942, et des centaines d'autres femmes n'ont pas tardé à faire de même. La plupart des recrues ont fait leur entraînement de base à Ottawa, après quoi elles devaient se rendre à Toronto pour recevoir une formation dans différents métiers. Au début, les femmes enrôlées dans la Division féminine pouvaient opter pour neuf différents métiers – employée de bureau, sténographe, cuisinière, conductrice, assistante à l'entretien du matériel, ouvrière du textile, aide-hospitalière, téléphoniste ou employée dans un poste administratif. Avant la fin de la guerre, l'Aviation royale canadienne offrait aux recrues féminines la possibilité de choisir 62 métiers parmi les 102 disponibles.

Des recrues de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne à St. John's, le 24 septembre 1942
Des recrues de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne à St. John's, le 24 septembre 1942
Des recrues de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne à St. John's, le 24 septembre 1942
Photographe: Gerald Milne Moses. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-190792), Ottawa, Ontario.

Par exemple, Ursula Sybil Loder, de l'île Random, devenue membre de la Division féminine de l'Aviation royale canadienne en juillet 1942, a étudié la météorologie à Toronto. De septembre 1942 au 24 mars 1944, elle a travaillé comme officière de navigation dans les quartiers généraux jumelés de l'Aviation royale canadienne et de la Marine royale du Canada à St. John's, où elle était chargée d'indiquer la position des navires torpillés, des convois et des aéronefs sur une grande carte de l'océan Atlantique. Les pilotes de l'Aviation royale canadienne et des bateaux alliés utilisaient cette information afin de pouvoir naviguer de façon plus sécuritaire.

Après la guerre, la Division féminine de l'Aviation royale canadienne a démobilisé tous ses membres, puis elle a été démantelée le 31 décembre 1946.

Le Service féminin de l'Armée canadienne

Le Service féminin de l'Armée canadienne (Canadian Women's Army Corps – CWAC) a commencé à recruter à Terre-Neuve-et-Labrador au cours de l'été 1943. Ce corps d'armée acceptait les femmes, sujets britanniques, âgées de 21 à 55 ans mesurant au moins 1,52 m (5 pi) et pesant au moins 48 kg (105 lb) qui avaient fréquenté l'école secondaire. Elles devaient aussi être en bonne condition physique et ne pas avoir d'enfant à charge.

Des soldates du Service féminin de l'Armée canadienne, en avril 1944
Des soldates du Service féminin de l'Armée canadienne, en avril 1944
Des membres du personnel du Service féminin de l'Armée canadienne au Centre d'entraînement de base no 3, Kitchener, Ontario.
Photographe inconnu. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-145516), Ottawa, Ontario.

Le premier contingent de 47 femmes a quitté St. John's en juillet 1943. Avant la fin de la guerre, un second contingent de 143 femmes les a rejointes. La plupart des recrues suivaient un entraînement préliminaire à Halifax, en Nouvelle-Écosse, où elles recevaient leur uniforme et passaient des examens médical et dentaire. Par la suite, les recrues devaient faire un entraînement de base d'une durée d'un mois à Kitchener, en Ontario, avant de se spécialiser dans différents métiers militaires. Bien que la plupart des recrues du Service féminin de l'Armée canadienne étaient affectées au travail de bureau, beaucoup ont servi comme standardistes, techniciennes de laboratoire, assistantes dentaires, rédactrices militaires, photographes, employées des postes, cuisinières, conductrices et blanchisseuses. En 1945, environ 55 différents emplois étaient offerts aux recrues du Service féminin de l'Armée canadienne.

Après la guerre, et malgré le souhait de nombreuses femmes de rester dans l'armée, le Service féminin a été démantelé le 30 septembre 1946.

Le Service féminin de la Marine royale du Canada

La troisième branche des Forces armées canadiennes ayant recruté des femmes de Terre-Neuve-et-Labrador est le Service féminin de la Marine royale du Canada (Women's Royal Canadian Naval Service – WRCNS). Les recruteurs sont arrivés sur l'île en 1943 et, à la fin de la guerre, ils avaient accepté 74 candidates âgées de 18 à 45 ans.

WRCNS Recruits Leave St. John's, 29 August 1943
Les recrues du Service féminin de la Marine royale du Canada quittent St. John's, le 29 août 1943
Un groupe de nouvelles recrues du Service féminin de la Marine royale du Canada se prépare à quitter St. John's pour aller faire leur entraînement à Galt, en Ontario.
Photographe: John Daniel Mahoney. Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada (PA-116993), Ottawa, Ontario.

Le Service féminin de la Marine royale du Canada a envoyé les nouvelles recrues à Galt (aujourd'hui Cambridge), en Ontario, où elles ont suivi leur entraînement de base au HMCS Conestoga, un immeuble en brique ayant précédemment servi d'école de réhabilitation pour filles. Les officiers ont toutefois ordonné aux recrues de se comporter comme si elles étaient à bord d'un navire. Pendant leurs quatre semaines d'entraînement de base, elles ont pratiqué différents exercices et manœuvres militaires, ont été initiées aux traditions et à la culture dans la marine et ont vaqué à différentes tâches. Elles ont ensuite assumé des fonctions opérationnelles au sein de la marine ou fait d'autres travaux visant à les préparer à exercer divers métiers. Les recrues du Service féminin de la Marine royale du Canada ont travaillé comme encodeuses, conductrices, télétypistes, sténographes, employées des postes, coordonnatrices, cuisinières, messagères et préposées à la buanderie. Elles ont aussi occupé de nombreux autres emplois non liés au combat.

Après la guerre, le Service féminin de la Marine royale du Canada a démobilisé toutes les recrues, puis il a été démantelé à l'été 1946. Il a recommencé à accepter de nouvelles recrues en 1951 pendant la guerre de Corée.

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