Antécédents et construction

Les antécédents

Le poste de gouverneur de Terre-Neuve, un poste administratif devant satisfaire aux exigences particulières de la Couronne, n'existait pas jusqu'en 1729 malgré le fait que l'île était fréquentée par des pêcheurs depuis deux siècles. Ceux qui avaient utilisé ce titre avant cette époque, notamment John Guy et Richard Whitbourne, avaient été les gouverneurs de colonies spécifiques et leur rôle ressemblait davantage à celui d'un directeur de succursale d'une entreprise. La nomination d'un gouverneur de la marine a permis d'établir des mesures administratives à grande échelle sur le territoire qui avait été géré de façon plutôt anarchique jusque-là. Mais ces gouverneurs de la marine avaient aussi leurs limites. Comme ils n'étaient présents qu'au cours de l'été pendant la saison de la pêche, leur influence avait une portée limitée. Et sans une certaine forme de stabilité permanente, une certaine sécurité contre les caprices des voisins, le développement de Terre-Neuve ne pouvait être qu'incertain. La construction de Fort Townshend et la création d'un système judiciaire à la fin du 18e siècle ont contribué à instaurer une permanence.

Fort Townshend, vers 1796
Fort Townshend, vers 1796
Détail d'un tableau de St. John's en 1796. Fort Townshend est en haut, au centre.
Avec la permission de la Division des archives et collections spéciales, (ENL Photographic Collection), Bibliothèque Queen Elizabeth II, Université Memorial de Terre-Neuve, St. John's, T.-N.-L.; et les Archives nationales du Canada.

La première résidence du gouverneur

La première résidence du gouverneur a été construite à Fort Townshend. Mais il est possible que le gouverneur Richard Edwards (1779-1782) ait habité une autre maison en attendant que sa construction soit terminée. Selon Mgr Howley, il s'agissait de la « première véritable résidence du gouverneur ». Cette maison était située sur Stripling's Plantation, entre les actuelles rues Gower et York. Il n'existe pas d'archives au sujet de cette demeure, sauf la description que Howley en a faite : « sans être sophistiquée ni refléter les prétentions d'un gouverneur, elle est néanmoins d'un caractère plus durable et coûteux que les résidences en bois ordinaires de l'époque, comme en témoignent les poutres en chêne toujours visibles [vers 1886]. Ça rappelle la lointaine antiquité. » (Howley p. 210).

Achevé en 1781, l'édifice de Fort Townshend devait servir de résidence d'été aux gouverneurs et il a servi de résidence officielle jusqu'à ce que le bâtiment actuel soit terminé en 1831. Cette construction en bois des plus simples de style georgien et dotée de cinq baies était en harmonie avec l'architecture générale du fort. Elle aurait été agrandie en 1812 afin que les pièces principales soient transformées en grandes salles de divertissement. Mais elle n'a jamais été confortable en hiver – un point soulevé avec une certaine insistance à la suite du décès, en 1818, de Francis Pickmore, premier gouverneur à l'avoir habitée. Il n'est pas surprenant que Pickmore ait refusé de vivre dans cette maison mal isolée et pleine de courants d'air où la neige s'accumulait en hiver. Il est toutefois étonnant que les gouverneurs qui lui ont succédé aient accepté le poste malgré la modestie des lieux.

Residence des premiers gouverneurs, Fort Townshend en 1831
Residence des premiers gouverneurs, Fort Townshend en 1831
C'est là que le gouverneur Pickmore est décédé et que les gouverneurs Waldegrave, Gower, Duckworth et Hamilton ont habité pendant qu'ils étaient en poste à Terre-Neuve.
Avec la permission des Newfoundland Constabulary Archives. Œuvre tirée de Paul O'Neill, A Seaport Legacy: The Story of St. John's (Erin, Ontario, Press Porcepic, ©1972), p. 438.

Pendant la Révolution française et les guerres napoléoniennes, Terre-Neuve a amorcé une nouvelle phase de développement. Au cours du dernier quart du 18e siècle, l'industrie de la pêche a commencé à être régie davantage par les gens du pays grâce aux entreprises qui construisaient des infrastructures de base et établissaient des colonies permanentes à Terre-Neuve. Ce changement a commencé à porter fruit au cours des deux premières décennies du 19e siècle. La colonisation permanente s'est développée grâce à l'immigration, ce qui a entraîné des perturbations au sujet de l'administration locale des affaires locales. De nombreux gouverneurs de l'époque étaient des hommes éclairés qui, tout en respectant les limites de leur mandat, encourageaient les mesures progressistes. Leur présence, l'exercice de leur autorité et le climat de sécurité que celle-ci créait ont servi à renforcer la confiance des gens qui vivaient sur le territoire. La construction de Government House, digne de cette fonction, était un signe tangible d'un sentiment grandissant de continuité.

La construction

La vague d'initiatives administratives qui a déferlé dans les années 1820 est à l'origine de la construction de Government House. La charte royale de 1825 a octroyé un statut officiel de colonie à Terre-Neuve et le premier gouverneur civil de l'île, sir Thomas Cochrane, a alors inauguré une nouvelle ère constitutionnelle. Dans cette ambiance politique où les attentes étaient grandes en matière de progrès économique et social, Cochrane semblait être au diapason de son époque. Le faste et le protocole associés naturellement au poste de gouverneur étaient également familiers à ce capitaine de vaisseau âgé de 42 ans. La construction de Government House devait symboliser le statut du gouverneur sur un territoire qui était officiellement devenu une colonie britannique et une partie importante de l'Empire.

Les plans coûteux de Cochrane

Ces fonctions à la fois protocolaires et politiques ont fait de la résidence Government House un haut lieu de l'histoire de Terre-Neuve, et les sommes imposantes que Cochrane a consacrées à sa construction indiquent qu'il la considérait ainsi. L'ampleur du bâtiment, l'entretien du domaine, la grandeur de la propriété, sa situation dans la ville produisaient leurs effets.

Mais tout cela avait un coût. Les plans originaux de Cochrane devaient permettre d'ériger une résidence à la manière de l'Admiralty House de Plymouth. Le gouvernement s'est opposé à cette demande jusqu'à ce que Cochrane convainque les instances que l'aménagement intérieur nécessitait une plus grande indulgence compte tenu du climat qui oblige les gens à vivre davantage à l'intérieur. Toutefois, si on jette un coup d'œil sur l'escalade des coûts, il est clair que sa notion d'indulgence servait ses propres intérêts puisque l'estimation originale de 8778 £ a fini par coûter 38 000 £ – ainsi qu'une enquête judiciaire visant à analyser ces coûts.

Voici un exemple éloquent. Les trois pièces principales – la salle à manger, le salon et la salle de bal – étaient contigües et faisaient face au sud avec vue sur la pelouse et sur la ville. Un foyer devait être encastré dans chacun des murs séparant ces trois pièces, mais après la construction de l'immense cheminée, Cochrane a plutôt décidé de faire installer une porte à deux battants entre elles – vraisemblablement pour permettre de faire une entrée remarquée dans ces pièces. Il s'en tenait qu'à lui malgré le mécontentement des ingénieurs responsables du projet.

Portes à deux battants entre les pièces
Portes à deux battants entre les pièces
Les portes à deux battants entre le salon et la salle à manger, où un foyer avait été aménagé précédemment.
Photo de Ray Lambe, 1999

Les travaux du manoir ont débuté en 1827 et, avant leur achèvement en 1831, des « améliorations » onéreuses ont été apportées aux plans : agrandissement des ailes et du porche, ajout de colonnes et d'un puits de lumière dans le hall d'entrée, aménagement d'un escalier au style plus élaboré.

Le puits de lumière
Le puits de lumière
Le puits de lumière dans le hall d'entrée de Government House
Photo de Ray Lambe, 1999.

Description du manoir

Comment décrire le style du manoir ? Ce manoir de style georgien est joli quoique de facture simple. Construit en maçonnerie, il est doté d'un corps central et de deux ailes qui sont coiffés d'un toit à quatre versants. Les salles de réception intérieures sont vastes et impressionnantes tandis que l'extérieur ne semble pas complètement fini. Certains détails habituellement présents dans les maisons de ce type sont manquants, et le portique semi-circulaire qui, selon les plans originaux, devait être aménagé devant l'entrée, n'a jamais été construit. On a plutôt agrandi un porche dans l'allée afin de protéger le bâtiment contre les vents du nord. Les arbres et jardins qui entourent la maison atténuent la sévérité de sa façade extérieure, et il est plutôt rare de nos jours qu'on la décrive avec des mots durs comme l'ont fait autrefois certains critiques, dont l'historien D.W. Prowse, qui la considérait comme « un vaste amas de laideur sans nom ».

Government House, côté nord
Government House, côté nord
Cette photo montre clairement l'agrandissement du porche.
Photo de Ray Lambe, 1999

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