Utilisation du territoire par les Mi'kmaq avant l'arrivée des Européens

Avant l'arrivée des Européens, les Mi'kmaq étaient un peuple de chasseurs-cueilleurs bien adaptés à la nature. Ils savaient chasser, pêcher et récolter leurs aliments, construire leurs abris, confectionner leurs vêtements et fabriquer toutes sortes d'outils, d'armes et d'autres articles. Une profonde connaissance du monde naturel était essentielle à leur survie. Ils devaient faire coïncider leurs stratégies de chasse avec les habitudes de migration et de reproduction des poissons, des mammifères et des oiseaux de mer, et être capables de distinguer les plantes comestibles quand elles étaient en haute saison.

Carte de Herman Moll, vers 1747
Carte de Herman Moll, vers 1747
Avant l'arrivée des Européens, les Mi'kmaq exploitaient les ressources du golfe du Saint-Laurent et de la plupart des territoires environnants, notamment la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et certaines régions du Nouveau-Brunswick et du Québec.
Avec la permission de Kurt Korneski. © 2016

Les Mi'kmaq parcouraient leur territoire au fil des saisons, afin de récolter les ressources à mesure qu'elles devenaient disponibles. Ils passaient souvent les mois les plus cléments près de la côte pour y prélever les riches ressources marines; à l'automne et en hiver, ils s'enfonçaient dans l'intérieur pour chasser les mammifères terrestres. Leur pays était situé dans la partie sud-ouest du golfe du Saint-Laurent et couvrait ce qui est maintenant la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et certaines régions du Nouveau-Brunswick et du Québec. Certains chercheurs croient qu'ils auraient aussi vécu dans le sud de Terre-Neuve, alors que d'autres estiment qu'il n'y avait pas de Mi'kmaq dans l'île avant l'arrivée des Européens.

Les Mi'kmaq à l'époque préeuropéenne

On appelle « préhistoire » la période qui a précédé l'usage de l'écriture. Elle prend fin à divers moments selon les régions du monde : en Grande-Bretagne, la préhistoire a pris fin avec les invasions romaines, vers l'an 43; à Terre-Neuve et au Labrador, et dans une large part du Nouveau Monde, elle a duré jusqu'à l'arrivée des Européens tard au 15e siècle et au début du 16e siècle. En ce sens, la préhistoire est suivie par la période dite « historique », pour laquelle nous disposons de témoignages écrits décrivant les cultures humaines.

Faute de telles chroniques pour documenter la vie préeuropéenne des indigènes, nous devons nous en remettre aux vestiges archéologiques (ossements, objets personnels et autres restes de peuples d'autrefois) et aux récits oraux de l'époque préeuropéenne transmis au fil des générations. Si les recherches ont permis de lever beaucoup d'incertitudes sur la culture préeuropéenne des Mi'kmaq, il demeure de nombreuses questions sur leur mode de vie. Ainsi, on ignore quelle était leur population exacte à l'arrivée des Européens; diverses estimations l'ont située à entre 3500 et 6000.

Toutes sortes de facteurs compliquent l'étude de la culture mi'kmaq préeuropéenne. De composition acide, les sols du Canada atlantique auront décomposé ses restes organiques. Si les fouilles ont permis d'exhumer nombre d'outils de pierre, les objets faits de matériaux moins résistants auront souvent été « digérés ». En outre, certaines bandes de Mi'kmaq fréquentaient les régions côtières, aujourd'hui englouties ou érodées, si bien que de précieux artefacts peuvent être ensevelis sous le fond marin. Même si nous en savons beaucoup sur la société mi'kmaq préeuropéenne, il demeure que les vestiges archéologiques ne présentent qu'un reflet partiel de cette culture.

Ronde saisonnière

À l'époque préeuropéenne, les Mi'kmaq récoltaient les ressources du golfe du Saint-Laurent et de la plupart des côtes environnantes, notamment des territoires couverts aujourd'hui par la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, l'est du Nouveau-Brunswick et une partie de la péninsule gaspésienne du Québec. La tradition orale mi'kmaq, à laquelle fait écho l'historien Charles Martijn, suggère qu'ils utilisaient déjà des secteurs du sud de l'île, et qu'ils « avaient déjà une vision unificatrice de cette patrie traditionnelle, dont la partie orientale était un domaine d'îles liées, plutôt que séparées, par des voies d'eau comme le détroit de Cabot sur lesquelles ils se déplaçaient en canoë » (Martijn, 2003). [Traduction libre] En contrepartie, certains chercheurs affirment qu'ils n'ont pas occupé l'île en permanence avant 1760 (Bartels et Janzen, 1990).

Les Mi'kmaq observaient un cycle saisonnier de récolte des ressources qui, en temps normal, les amenait sur le littoral au printemps et en été, et à l'intérieur des terres à l'automne et en hiver. Ils arrivaient sur la côte au début du printemps, à la fonte des glaces, quand le poisson était abondant dans les rivières, les ruisseaux et les eaux intérieures. La plie rouge était un des premiers poissons à apparaître, suivie d'une série d'autres espèces jusqu'au début de l'automne : éperlans, harengs, saumons, esturgeons, truites, morues, achigans, poissons plats et anguilles.

Ces Autochtones avaient recours à diverses méthodes de pêche. Ils plaçaient des nasses de branches entrelacées dans les rivières et les ruisseaux, et construisaient des barrages de pierres sous l'eau pour diriger les poissons. Ils pêchaient avec des hameçons en os, ainsi qu'avec des lances et des foènes à trois pointes capables de transpercer des saumons, des esturgeons et d'autres gros poissons. Du printemps au début de l'automne, les Mi'kmaq récoltaient aussi des coquillages, des mammifères marins, des oiseaux de mer et leurs œufs.

À l'automne, les Mi'kmaq rentraient dans les terres pour y chasser l'orignal, le castor, l'ours, la loutre, le caribou et d'autres mammifères. Ils tuaient les gros animaux à l'arc ou au harpon, et capturaient les lièvres, les perdrix et divers autres petits animaux au collet. Parfois, les chasseurs se servaient de chiens pour pister les animaux et les empêcher de fuir. Chaussés de raquettes, ces chasseurs pouvaient se déplacer relativement vite en hiver et rattraper les gros mammifères empêtrés dans la neige profonde. La saison de chasse allait normalement d'octobre à la mi-mars, après quoi les Mi'kmaq retournaient sur la côte pour recueillir les ressources maritimes. Les phoques mettaient bas sur le littoral au début de l'hiver, et les Mi'kmak visitaient parfois le littoral en janvier et en février pour les chasser au harpon.

Articles fabriqués

Avant l'arrivée des Européens, les Mi'kmaq savaient tirer parti des matériaux bruts de leur environnement physique pour fabriquer leurs vêtements, leurs abris, leurs moyens de transport, leurs armes, leurs outils et tous les autres articles usuels. Ils construisaient leurs tentes en couvrant une armature de perches avec de l'écorce de bouleau cousue avec des racines d'épinette. Les tentes d'été étaient ordinairement coniques; en hiver, les huttes étaient plus larges et allongées. Comme couvre-sol, ces indigènes se servaient de rameaux de sapin, de fourrures et de nattes de roseaux tressés. Le chauffage et l'éclairage étaient assurés par un foyer central.

Les femmes confectionnaient toutes sortes de vêtements en peaux de bêtes, qu'elles assemblaient avec de la babiche de caribou [laçage fait de tendon] au moyen d'aiguilles ou d'alènes en os. En été, les Mi'kmaq portaient généralement des jambières, des manches, des mocassins et soit un pagne pour les hommes, soit une robe pour les femmes. Durant l'hiver, des capes de fourrure et des parkas munis de capuchons les gardaient au chaud. À l'occasion, les Mi'kmaq décoraient leurs vêtements de coquillages, de piquants de porc-épic et de teintures obtenues avec de l'ocre rouge et jaune, du charbon de bois et des coquillages broyés (qui donnaient une teinture blanche).

Avant l'arrivée des Européens, les Mi'kmaq fabriquaient des canoës à armature de cèdre couverte d'écorce de bouleau. Ils en faisaient de diverses longueurs (entre 5,5 m et 8,5 m) et robustesses. Certains ne convenaient qu'aux voyages courts sur des rivières et des lacs; d'autres devaient pouvoir franchir de longues distances en mer et porter leurs familles et leurs possessions. Pour se déplacer en hiver, ils fabriquaient des raquettes à armature en bois et au tapis tressé en babiche. Ils se servaient aussi de toboggans qu'ils tiraient sur la neige pour transporter de lourdes charges.

Les Mi'kmaq fabriquaient des armes, des outils, des récipients et nombre d'autres articles usuels à partir de matériaux bruts de leur environnement naturel. Des os, ils tiraient des hameçons et des aiguilles; ils taillaient des pointes de projectiles en pierre et en os; ils façonnaient des récipients en écorce de bouleau; sculptaient des bouilloires en bois et tressaient des paniers de graminées. Comme les autres peuples de l'époque préeuropéenne, les Mi'kmaq avaient une connaissance intime des ressources de leur environnement physique et faisaient preuve d'une grande ingéniosité pour en tirer la totalité de leurs aliments, de leurs vêtements, de leurs habitations et de leurs outils.

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