Organisations et revendications territoriales des Inuit du Sud (de NunatuKavut)

L'Association des Métis du Labrador a été formée en 1985 pour représenter les descendants mixtes d'Autochtones (surtout d'Inuit) et d'Européens vivant dans le centre et le sud du Labrador. En 1998, deux ans après que la Commission royale sur les peuples autochtones ait confirmé que les Inuit du Sud possédaient un caractère distinctif et affichaient des traits fondamentaux à une nation, le groupe s'est rebaptisé Nation des Métis du Labrador, pour enfin devenir le Conseil communautaire du NunatuKavut.

En 2008, la Nation des Métis du Labrador représentait environ 6 000 Inuit du Sud (appelés auparavant Inuit-Métis du Labrador) vivant dans 23 localités du Labrador méridional. Elle avait soumis une revendication territoriale globale au gouvernement fédéral et attendait de savoir si Ottawa accepterait ou refuserait sa proposition de négociation. Le groupe est aussi activement engagé dans la promotion de l'identité, de la culture et des droits des Inuit du Sud. Il a revendiqué en leur nom un rôle plus actif dans la mise en valeur des ressources de leurs territoires, ainsi que des droits de chasse et de pêche spéciaux.

Engagement du gouvernement

Avant l'union avec le Canada en 1949, les Inuit du Sud avaient peu de contacts avec les représentants ou les ministères du gouvernement. Le Labrador était loin du centre des activités politiques de St. John's, et les élus trouvaient difficile et dispendieux d'offrir des services à sa population dispersée. À la place, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a délégué ses fonctions administratives à des compagnies de négoce et à des missions religieuses actives dans la région. Les premiers Newfoundland Rangers sont aussi arrivés au Labrador en 1935 pour veiller au respect des règlements sur le gibier et représenter le gouvernement.

Lorsque Terre-Neuve et le Labrador se sont joints au Canada, le mode de vie des Inuit du Sud avait peu changé depuis le 19e siècle : le trappage et la chasse en hiver étaient le fer de lance de leur économie, complétés par la chasse au phoque au printemps et la pêche en été. Bien des familles passaient de longues périodes de l'année isolées dans leurs territoires ancestraux; si ces gens étaient conscients de leur ascendance autochtone, ils ne s'étaient pas encore dotés d'une identité collective bien articulée. Avant qu'on utilise le terme Inuit du Sud, on entendait plus communément parler des « Métis », terme utilisé fréquemment au Labrador dans les années 1970. Auparavant, la plupart des sang-mêlé d'Inuit et d'Européens se disaient « colons » (« livyers »), alors que ceux qui vivaient dans les localités du nord du Labrador s'appelaient « Kablunângajuit » (hommes en partie blancs, en inuktitut).

Au moment de la Confédération, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador n'était représenté auprès de la population autochtone par aucune agence ou aucun ministère, et n'avait préparé aucune réponse aux revendications territoriales ni aucun autre accord. En 1949, le gouvernement du Canada a accepté d'aider à défrayer les services de santé, d'éducation et divers autres services dans les localités autochtones du Labrador. Plusieurs villages du nord se sont qualifiés pour ce financement, y compris des collectivités inuit qui comptaient une proportion considérable de Kablunângajuit, tandis que les villages des Inuit du Sud en étaient exclus. Selon l'anthropologue John C. Kennedy (1977), le système de villages désignés a contribué à attribuer une « l'indigénéité; » aux Kablunângajuit, la refusant aux Inuit qui vivaient dans le sud du Labrador.

À la même époque, un certain nombre de projets industriels et de mise en valeur menés par l'administration Smallwood et celles qui l'ont suivie ont empiété sur le territoire et les ressources nécessaires à la subsistance des Inuit du Sud; il s'agissait notamment de projets d'exploitation forestière et minière, de la construction de la route translabradorienne, de l'entraînement aux vols à basse altitude et du projet d'aménagement hydroélectrique des chutes Churchill, qui a inondé l'habitat de caribous et des parcours de piégeage des Inuit du Sud.

Nation des Métis du Labrador

En 1985, les Inuit du Sud ont créé l'Association des Métis du Labrador (AML) pour préserver leur culture et leurs ressources des menaces de l'extérieur, ainsi que pour rectifier les déséquilibres du système de villages désignés. Il s'agissait du dernier peuple autochtone de la province à s'organiser officiellement sous une bannière politique. Durant les années 1970, les Inuit, les Innus et les Mi'kmaq de la province se sont joints à un mouvement pancanadien de revendication des droits des Premières Nations, après que le gouvernement fédéral ait envisagé l'option d'abolir la Loi sur les Indiens, sans cependant y donner suite. Sentant leurs droits menacés, nombre de peuples autochtones se sont dotés d'organismes politiques pour défendre leurs intérêts.

En 1976, trois groupes d'Autochtones vivaient à dans la province : les Mi'kmaq, représentés par la Fédération des Indiens de Terre-Neuve; les Innus, représentés par l'Association des Innus montagnais-naskapis (maintenant la Nation innue); et les Inuit et les Kablunângajuit, représentés par l'Association des Inuit du Labrador (AIL). Bien que les Inuit du Sud et les Kablunângajuit descendent des mêmes ancêtres, des considérations d'éloignement des terres ancestrales des Inuit les ont exclu de l'AIL, ce qui les a privés de représentation et a sapé la légitimité de leur statut d'Autochtones.

En 1982, une modification à la Constitution canadienne a rendu une mesure de légitimité à la prétention des Inuit du Sud à l'indigénéité; en précisant, à l'article 35, que les peuples autochtones du Canada incluaient « les Indiens, les Inuit et les Métis ». L'Association des Métis du Labrador fut formée trois ans plus tard pour représenter les Inuit du Sud vivant dans le sud-est et le centre du Labrador. Une Commission royale sur les peuples autochtones a renforcé la légitimité des ambitions des Inuit du Sud du Labrador, concluant en 1996 qu'ils affichaient des caractéristiques essentielles à une nation : « De toute évidence, les Inuit-Métis [Inuit du Sud] du Labrador constituent un peuple autochtone conformément à l'article 35. Ils présentent une spécificité sociale et géographique, et entretiennent une relation incontestablement autochtone avec l'environnement naturel. » Deux ans après la publication du rapport, l'Association des Métis du Labrador se rebaptisait Nation des Métis du Labrador (NML).

En 2008, la NML représentait environ 6 000 personnes du centre et du sud-est du Labrador. Les affaires de la Nation sont gérées par un Conseil élu, constitué d'un président, d'un vice-président, de 11 conseillers, de deux aînés et d'un jeune. Leurs responsabilités sont réparties en sept services : finances, affaires juridiques, ressources naturelles, recherche, développement commercial, développement des ressources humaines et affaires sociales.

La NML a revendiqué une représentation accrue dans divers projets industriels et autres touchant les terres et les ressources des Inuit du Sud, y compris l'aménagement hydroélectrique du cours inférieur des chutes Churchill, la mine de nickel de Voisey's Bay et la construction de la route translabradorienne. Elle a réclamé des droits spéciaux de chasse, de trappage et de pêche pour les Inuit du Sud, tout en se portant garante de la préservation des créatures sauvages et de leur habitat.

Revendications territoriales

En 1991, la NML a soumis au gouvernement fédéral une demande de revendication territoriale sur des régions du centre et du sud-est du Labrador. En date de 2008, Ottawa n'avait toujours pas décidé s'il accepterait ou refuserait de négocier. Si la demande est acceptée, les négociations pourraient durer des années, voire des décennies, et devront franchir une série d'étapes, notamment l'accord-cadre, l'accord de principe, l'accord définitif et la mise en œuvre.

Les groupes autochtones adressent des revendications territoriales aux gouvernements fédéral et provinciaux pour obtenir des droits sur des terres et des ressources que leurs ancêtres et eux-mêmes ont utilisées au long des âges sans jamais en céder la propriété aux colons européens ou à des gouvernements subséquents. Outre les Inuit du Sud, trois autres peuples autochtones ont soumis des revendications territoriales à Terre-Neuve-et-Labrador : les Innus, les Mi'kmaq et les Inuit. De ces groupes, seuls les Inuit sont parvenus à un règlement à ce jour, les autres étant encore à divers stades de leurs négociations avec le Canada et la province.

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