Répartition et taille de la population béothuque, leadership et vie collective

Des fouilles archéologiques ont démontré que les Béothuks ou leurs ancêtres immédiats, les Amérindiens préhistoriques de Little Passage (nommés d'après le site où leurs restes ont été excavés la première fois) ont à un moment ou un autre habité toutes les principales baies de l'île. Ils chassaient et passaient l'hiver sur les rives de la rivière Exploits et du lac Red Indian et à d'autres endroits à l'intérieur des terres. Des récits de pêcheurs et de colons des 17e et 18e siècles, souvent rapportés par des officiers de la marine britannique, confirment la présence des Béothuks dans ces régions.

Campements

D'anciens campements et lieux de sépulture ont été découverts sur la côte sud à Burgeo, à Couteau ainsi que dans les baies Hermitage, Placentia et d'Espoir. Dans la péninsule d'Avalon, des outils de pierre de Little Passage ont été déterrés à Ferryland, South Dildo et Dildo Pond, ainsi qu'à Bull Arm et dans la baie Trinity. Des restes ont aussi été déterrés au site The Beaches, à cap Freels et à Gambo Pond dans la baie de Bonavista.

Il existe de nombreux campements et lieux de sépulture béothuks historiques et préhistoriques sur la côte et les îles de la baie Notre Dame. Le plus connu des sites est celui de Boyd's Cove, un lieu historique provincial qui héberge un très beau centre d'interprétation. Le cœur du pays des Béothuks, du moins au 18e siècle, était la région entourant la rivière Exploits et le lac Red Indian. Plusieurs anciennes fosses de mamateek (mamateek signifie maison en béothuk) sur les rives de la rivière et du lac, souvent presque effacées, indiquent que les Béothuks ont occupé l'endroit pendant une longue période. Des sites préhistoriques (Little Passage) ont également été découverts sur la côte ouest, notamment dans la vallée Codroy et à Port au Choix ainsi que dans la baie des Îles et la baie St. Paul.

Carte illustrant des campements de Little Passage, des campements et des lieux de sépulture des Béothuks ainsi que des observations faites à leur sujet.
Carte illustrant des campements de Little Passage, des campements et des lieux de sépulture des Béothuks ainsi que des observations faites à leur sujet.

Illustration de Duleepa Wijayawardhana, ©1998. D'après une carte de Cliff George.

Bandes et tribu

Chez les Algonquiens (famille linguistique à laquelle appartenaient les Béothuks), les tribus avaient une langue et des caractéristiques culturelles distinctes, alors que les bandes étaient des unités politiques et sociales importantes. Il est ainsi probable que les Béothuks étaient organisés de la sorte. Parce que les bandes béothuques étaient largement dispersées sur une très grande région géographique, on croit qu'elles vivaient leur quotidien sans se mêler.

Peuple chasseur et pêcheur, les Béothuks se déplaçaient au fil des saisons. Au printemps et en été, les familles se dispersaient le long de la côte et à l'automne, ils chassaient et trappaient à l'intérieur des terres, ou se rassemblaient pour rabattre le caribou le long des voies navigables. Chaque bande avait besoin d'un territoire relativement important pour capturer les proies dont elle avait besoin pour sa survie. Par exemple, au début des années 1600, les Béothuks qui avaient rencontré et fait de la traite avec John Guy de la colonie anglaise à Cupids, pêchaient, chassaient des oiseaux et récoltaient des œufs sur la côte de la baie Trinity. Ils pêchaient également le saumon dans la rivière Come By Chance dans la baie Placentia. Ils se rendaient peut-être aussi dans les îles de la baie Placentia pour chasser les nombreux phoques communs qui y séjournaient.

Le territoire de cette bande était donc très étendu et, si nous pouvons supposer que d'autres bandes exploitaient un territoire aussi grand, la population béothuque aurait été plutôt faible. Il y a de bonnes raisons de croire qu'il y avait entre 500 et 700 Béothuks au moment du premier contact. On croit que les bandes béothuques comptaient entre 35 et 55 membres.

Les sociétés de chasseurs et de pêcheurs vivant en bandes comme les Béothuks étaient habituellement égalitaires. La bande était dirigée par une personne, généralement un homme, qui était respecté pour son expérience et sa sagesse. Il exerçait une influence informelle plutôt qu'un pouvoir absolu. Les dirigeants ou chefs béothuks demandaient l'avis d'un conseil. Leur rang était symbolisé par des bâtons sculptés, certains vêtements et un mamateek plus grand que celui des autres membres du groupe et il leur donnait droit à une sépulture spéciale.

Rituels

Parmi les plus importants rituels rapportés, on raconte que les Béothuks utilisaient de l'ocre rouge pour peindre le visage et le corps de tous les membres du groupe. C'était une façon de s'identifier à la tribu et les enfants étaient enduits d'ocre en guise d'initiation. Ils en recouvraient aussi les canots, les armes, les ustensiles et les vêtements. L'événement était accompagné d'un banquet, de danses et de jeux. Se faire ordonner d'enlever l'ocre était considéré comme une forme de châtiment..

Les banquets communautaires (que les Innus du Labrador appelaient mokoshan) étaient possiblement un autre rituel important. Il s'agissait d'une cérémonie en l'honneur de l'esprit du caribou au cours de laquelle la moelle des os des pattes de caribou était prélevée, bouillie et consommée en grande quantité. Tous les membres de la communauté prenaient part à cette cérémonie. Bien qu'il n'existe aucune preuve contemporaine indiquant que les Béothuks pratiquaient cette cérémonie, des éléments de preuve comme la tradition de prélever la moelle des os de pattes de caribou et des accumulations de résidus d'os broyés découvertes dans une structure ovale de Boyd's Cove et dans d'autres campements béothuks donnent de bonnes raisons de croire que c'était le cas.

La Femme qui danse de Shanadithit
La femme qui danse de Shanawdithit.

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, p. 248. Dessin original conservé au musée The Rooms, St. John's, T-N.-L.

Selon Shanawdithit, les Béothuks célébraient aussi la victoire en dansant autour des têtes des ennemis tués. Une cérémonie de ce type a eu lieu au cours de l'hiver 1811 au lac Red Indian. Les Béothuks s'étaient sauvés un peu plus tôt des hommes du Capitaine Buchan qui avaient débarqué sans prévenir dans leur camp. Afin d'éviter d'être repérés, ils ont tué et décapité les deux hommes que Buchan avait laissés sur place et ils ont plus tard dansé autour de leur tête pour célébrer la victoire.

Chez les peuples autochtones d'Amérique du Nord, la décapitation des ennemis est antérieure à la tradition du scalp. Les Béothuks semblent pour l'essentiel avoir maintenu l'ancienne tradition.

Tête de marin planté sur une pique et placée au centre de deux cercles
Tête de marin planté sur une pique et placée au centre de deux cercles
Les Béothuks ont dansé et chanté autour de la tête pendant deux heures.

Section agrandie du croquis 1 de Shanawdithit. Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, p. 238.

On racontait aussi des histoires et enseignait les traditions et croyances béothuques. Les Béothuks chantaient aussi des chansons en famille. Ces chansons parlaient de phénomènes naturels, d'animaux, de canots, d'arcs et de flèches, d'autres groupes autochtones, des biens de l'homme blanc dont les fusils et les chafauds, et comment ils mettaient à la dérive leurs embarcations. Rien n'indique cependant qu'ils avaient des instruments musicaux.

Il semble que la collaboration entre les bandes se limitait à la recherche de nourriture. Plusieurs bandes béothuques pouvaient par exemple se réunir pour la chasse annuelle du caribou lors de laquelle ils bâtissaient et entretenaient de grandes clôtures et rabattaient les troupeaux en migration dans des pièges ou vers certains passages de rivière.

Réticence vis-à-vis du commerce

En tant que groupe, les Béothuks étaient unis par leur réticence vis à vis du commerce de fourrures avec les Anglais, probablement en raison des hostilités fréquentes et parce que le commerce aurait pu entraîner une diminution du gibier. Leur rejet constant des fusils est probablement dû au fait qu'ils auraient dépendu des Blancs pour se procurer des munitions, une dépendance qu'ils auraient voulu à tout prix éviter.

Enfin, malgré le fait que les bandes chassaient ensemble et qu'elles s'abstenaient toutes de faire le commerce de fourrures et d'adopter les fusils, aucune résistance organisée contre les Anglais ou d'autres intrus, surtout dans les premiers temps, n'a été rapportée. Compte tenu de la montée des hostilités et de l'accès de plus en plus difficile aux ressources alimentaires traditionnelles, il est possible que les dernières bandes se soient réunies pour combattre la famine et la maladie.

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