Les premiers arrivants

Les archéologues désignent du nom de Paléo-indiens (paleo signifiant ancien) les premiers peuples en provenance de l'Asie du Nord-Est qui ont atteint l'Amérique du Nord. On a longtemps cru que cette migration datait d'il y a 12 500 ans. De nouvelles découvertes, dont certaines sont incontestables, ébranlent dorénavant cette certitude. Elles signalent plutôt l'arrivée d'humains en Alaska des milliers d'années auparavant. Des archéologues suggèrent même qu'au moins deux vagues migratoires quittent l'Asie en direction de l'est vers le Nouveau Monde. L'idée que nous nous faisons de la venue de ces anciens chasseurs dans l'Ouest canadien n'est plus aussi simple. Il semble en effet que des humains ont longé la côte nord-ouest du Canada vers le sud avant de se disperser dans toute l'Amérique du Nord.

Cependant, sauf pour certaines régions de l'Arctique, les humains s'installent vraisemblablement en tout dernier à Terre-Neuve et au Labrador. Cette situation s'explique en partie par la couverture de glace qui recouvre le sol il y a 10 000 ou 11 000 ans, et la nécessité de traverser le continent en passant par des territoires situés beaucoup plus au sud (les États-Unis d'aujourd'hui). Ils poursuivent, par la suite, leur progression vers le nord le long de la côte Est. En chemin, ils chassent et pêchent sans doute des mammifères terrestres et marins, et d'autres espèces marines.

Établissements paléo-indiens

L'immense site archéologique de Debert révèle que les Paléo-indiens s'installent en Nouvelle-Écosse il y a environ 10 000 ans. La découverte d'outils et d'armes caractéristiques de cette époque a également lieu au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard. Des pointes de lances ou de dards provenant de sites archéologiques de l'Île-du-Prince-Édouard ressemblent beaucoup aux premiers artefacts retrouvés lors de fouilles effectuées le long de la côte nord du détroit de Belle Isle, maintenant le Labrador. Selon les archéologues, ce n'est pas une coïncidence. Les premiers Labradoriens auraient traversé le fleuve Saint-Laurent et se seraient dirigés vers l'est en suivant la Basse-Côte-Nord jusqu'au Labrador. Personne avant eux ne s'y était aventuré.

Au cours de la dernière période glaciaire, la glace d'une épaisseur de près de 1,6 kilomètre provoque l'affaissement du sol. Ce dernier se rétablit graduellement après le retrait des glaciers. Les plages et les sites archéologiques dépassent dorénavant le niveau de la mer. Les plus anciens sites archéologiques, qui bordent la côte sud du Labrador, sont donc les plus élevés. C'est ce qui en a facilité la datation. D'ailleurs, le plus vieux site archéologique de la province, situé dans la partie sud du Labrador, repose effectivement à 27 mètres au-dessus du niveau de la mer. La datation au radiocarbone confirme un âge géologique frôlant les 9000 ans.

Implanté sur le littoral, un établissement de cette époque cohabite maintenant avec la collectivité de Pinware dans le détroit du Labrador. Ses habitants y auraient chassé et pêché aussi bien la faune terrestre que marine, y compris les oiseaux de mer. Toutefois, l'absence d'os d'animaux ne permet pas de confirmer cette hypothèse. Les fouilles d'établissements un peu plus récents par contre l'attestent. On y a également découvert de nombreuses pointes de lances ou de dards semblables à ceux mis au jour dans les Maritimes, ainsi que des couteaux, des grattoirs et des milliers d'éclats de quartz laiteux ou de quartzite rouge provenant de la fabrication d'outils. Les nombreuses pointes de dards récupérées ressemblent à celles fabriquées par les anciens habitants des Maritimes avec leur extrémité inférieure amincie.


Artefacts tirés de sites archéologiques situés dans le détroit de Belle Isle
Artefacts tirés de sites archéologiques situés dans le détroit de Belle Isle
Ces artefacts datent d'entre 9000 et 7500 ans avant le présent.

Avec la permission de James A. Tuck, Memorial University of Newfoundland, St. John's, T.-N.-L.

Une partie de ces premiers habitants continuent leur lente expansion vers le nord en longeant le littoral labradorien, mais les preuves les plus anciennes de leur implantation sont manifestes dans la région du détroit du Labrador. De petits campements plus récents et géographiquement moins élevés s'échelonnent entre Red Bay et le Québec. Au fil du temps, ces gens enrichissent leur culture de nouveaux éléments (ou du moins ont-ils été préservés pour donner aux archéologues le plaisir de les découvrir), notamment des haches et des herminettes taillées en pierre polie, des pointes de harpons détachables en bois de cerf pour la chasse au phoque (peut-être les plus vieux au monde), des dagues et des pointes de lances en os, l'utilisation d'ocre rouge et de pigments de graphite, auxquels il faut ajouter les inhumations ponctuelles sous des talus en pierre. Les sites archéologiques plus récents, soit ceux entre 8500 et 6000 ans, ont aussi dévoilé la composition de leur régime alimentaire : du phoque, du caribou, des oiseaux de mer et, dans un cas, du morse. Les petits fruits auraient compléter leurs besoins nutritionnels alors qu'ils se déplaçaient au gré des saisons pour tirer avantage des ressources disponibles.

Bien qu'ils semblent avoir quitté le détroit du Labrador il y a environ 6000 ans, ils ont continué de prospérer tout au long de la côte du Labrador pendant 3000 ans. Les archéologues les ont baptisés les gens de l'Archaïque du Labrador (veuillez voir aussi). Ces gens ont poursuivi leur enracinement durant les siècles où ils en étaient les uniques habitants.

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