L'histoire des Inuit du Sud

L'origine des Inuit du Sud (de la région du NunatuKavut au Labrador) remonte à la fin du 18e siècle lorsque les compagnies de traite britanniques ont commencé à envoyer des employés dans la région côtière du Labrador. Ces travailleurs tenaient les postes de traite au nord du détroit de Belle Isle et entraient souvent en contact avec les Inuit qui voyageaient vers le sud pour échanger de la graisse de baleine, des fourrures et leur force de travail contre des produits européens.

Compagnie de la Baie d'Hudson, Rigolet, 1909
Compagnie de la Baie d'Hudson, Rigolet, 1909
Au début du 19e siècle, des entreprises de traite britanniques, dont la Compagnie de la Baie d'Hudson, recrutaient de jeunes hommes européens pour travailler au Labrador.

Avec la permission des archives (VA 17-37.1), The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Certains de ces travailleurs – pour la majorité des hommes célibataires – ont choisi de s'installer au Labrador de façon permanente, mais il était difficile pour eux de trouver une épouse sur cette terre où les hommes étaient huit à neuf fois plus nombreux que les femmes. L'absence presque totale de femmes européennes a fait en sorte que bon nombre de colons ont épousé des femmes inuit et ce sont de ces unions que les Inuit du Sud tirent leur origine mixte.

Cependant, leur patrimoine inuit est beaucoup plus ancien. Les ancêtres préhistoriques des Inuit, soit les Autochtones de Thulé, sont arrivés au Labrador un peu après 1400 apr. J.-C. pour chasser le phoque et la baleine. Ils semblent avoir suivi ces mammifères marins vers le sud jusqu'au détroit de Belle Isle, et bien qu'ils aient vécu pour la plupart dans le nord du Labrador, John C. Kennedy affirme que plusieurs collectivités inuit se sont aussi établies dans diverses régions du sud-est du Labrador, notamment à St. Lewis, à Domino et à Dumpling Island.

Il est probable que les Européens aient épousé des femmes inuit plutôt que des femmes innues aux 18e et 19e siècles puisque les premières vivaient sur la côte, tandis que les secondes passaient la majeure partie de l'année dans les régions de l'intérieur moins accessibles du Labrador. Pendant ce temps, la population des Inuit du Sud a connu une croissance rapide et vers le milieu du 19e siècle, il était devenu commun pour eux d'épouser d'autres Inuit du Sud plutôt que des Inuit ou des Européens. La migration saisonnière était essentielle à une économie fondée sur l'exploitation des ressources qui comprenait le trappage d'animaux à fourrure en hiver, la chasse au phoque au printemps et la pêche au saumon et à la morue en été.

Histoire récente

Ce mode de vie s'est poursuivi pendant une bonne partie du 20e siècle, jusqu'à ce que la culture des Inuit du Sud soit perturbée par une suite d'événements. La Crise économique de 1929 a entraîné une baisse radicale des prix de la fourrure et du poisson et a affaibli l'économie des Inuit du Sud. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, une importante base aérienne militaire a été construite à Goose Bay. Lorsque la construction a commencé, en 1941, de nombreuses familles des Inuit du Sud ont quitté leur maison sur la côte pour trouver du travail à la base et certaines d'entre elles ont décidé de demeurer à Goose Bay de façon permanente.

Une série de programmes de relocalisation dans les années 1960 visant à moderniser l'économie de la province a bouleversé davantage les pratiques traditionnelles des Inuit du Sud. Durant cette période, le gouvernement Smallwood a fermé bon nombre des petites collectivités des Inuit du Sud et a centralisé la population dans certains villages, dont Cartwright et Mary's Harbour. Entre 1967 et 1970, le quart de la population du sud-est du Labrador a été déplacée, ce qui a entraîné une diminution des activités traditionnelles d'exploitation des ressources dans les quartiers d'hiver. Le soutien à la relocalisation a diminué après la défaite des libéraux de Smallwood lors des élections provinciales de 1971. À la même époque, les travaux réalisés dans le cadre du projet hydroélectrique de Churchill Falls ont causé l'inondation des terres utilisées par les trappeurs inuit, ce qui a eu des effets dévastateurs sur l'économie et la culture des Inuit du Sud.

Une stratégie élaborée au début des années 1950 par les gouvernements fédéral et provincial dans le but de répartir le financement entre les peuples autochtones de Terre-Neuve et du Labrador a menacé une fois de plus l'identité des Inuit du Sud. Il a été décidé que seules les collectivités autochtones désignées du nord du Labrador seraient admissibles au financement gouvernemental. En raison de ce critère géographique, les Inuit du Sud (qui vivaient dans la région de NunatuKavut au Labrador) n'étaient plus inadmissibles au financement, ce qui a miné leur capacité de revendiquer leur appartenance aux Premières Nations. Cependant, les personnes d'ascendance mixte autochtone et européenne similaire à celle des Inuit du Sud et qui vivaient dans le Nord, étaient admissibles au financement.

Kablunângajuit

Connu sous le nom de Kablunângajuit (ce qui signifie « hommes partiellement blancs »), ce groupe a des racines similaires à celles des Inuit du Sud, mais il habitait dans les régions du nord du Labrador. Historiquement, ces personnes vivaient à proximité des Inuit et des missionnaires moraves envoyés au Labrador au 18e siècle. Bien qu'ils aient d'abord rejeté les Kablunângajuit, les missionnaires les ont acceptés au sein de leurs congrégations vers la moitié du 19e siècle. Il n'existait aucune administration protectrice ou unificatrice de la sorte dans le sud du Labrador, où les Inuit passaient la majeure partie de l'année isolés les uns des autres durant la longue saison hivernale de trappage.

Cet écart s'est élargi peu après la Confédération, lorsque les Autochtones vivant dans les collectivités du Nord ont reçu du financement du gouvernement, mais pas ceux du Sud. En outre, lorsque la Native Association of Newfoundland and Labrador (NANL) et la Labrador Inuit Association (ITA) ont été fondées dans les années 1970, les Kablunângajuit ont pu en devenir membres, ce qui n'a pas été le cas des Inuit du Sud. Cependant, des mesures adoptées dans les années suivantes ont grandement contribué à unifier les Inuit du Sud au Labrador comme peuple.

Organisation politique

En 1982, une modification apportée à la Loi constitutionnelle du Canada désigna les Métis (les Inuit du Sud), ainsi que les Inuit et les Indiens comme des peuples autochtones. Deux ans plus tard, la Labrador Metis Association (qui deviendra la nation des Métis du Labrador et maintenant le NunatuKavut Community Council) voyait le jour, avec l'aide du Conseil national des Autochtones du Canada. Aujourd'hui, NunatuKavut, dont le mandat est de représenter les personnes d'ascendance autochtones du Labrador qui ne peuvent devenir membres de la Labrador Inuit Association en raison de leur situation géographique, compte plus de 6 000 membres.

En 1991, la nation des Métis du Labrador (NML) a présenté une revendication territoriale au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) visant des terres du centre et du sud-est du Labrador traditionnellement utilisées par les Inuit du Sud. Bien que le ministère fédéral de la Justice ait recommandé en 1998 de rejeter la revendication des Inuit du Sud, il revenait au MAINC de prendre la décision ultime à cet égard, laquelle n'avait toujours pas été rendue en 2006.

En plus de la revendication territoriale, la NML a traité d'autres questions visant à maintenir le mode de vie traditionnel des Inuit du Sud. Au premier plan figurait l'aménagement hydroélectrique du cours inférieur de Churchill, qui pouvait avoir des répercussions sur les terres utilisées traditionnellement par les Inuit du Sud pour le trappage. La construction de la Route translabradorienne a aussi été source de préoccupations; la NML craignait que ce projet ait des répercussions négatives sur l'environnement s'il était mené de façon inappropriée. En 2006, la Cour suprême du Canada a statué que le gouvernement provincial avait une obligation permanente de mener des consultations significatives avec les Inuit du Sud du Labrador au sujet de la route.

Bon nombre des membres de la NML espèrent que la décision de la cour constituera un précédent pour d'autres projets touchant les terres ancestrales des Inuit du Sud. En outre, à la suite de cette décision, la NML a demandé que le gouvernement fédéral amorce un processus en vue d'entamer des négociations officielles au sujet d'un accord sur les revendications territoriales des Inuit du Sud.

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