Outils et techniques de chasse; préparation et entreposage de la nourriture

Chasseurs, pêcheurs et cueilleurs, les Béothuks se déplaçaient au rythme des saisons pour suivre les espèces animales migratoires les plus productives sur l'île, à savoir le phoque, le saumon et le caribou. En avril et en mai, les groupes de chasseurs chassaient au harpon les phoques du Groenland en migration le long de la côte. En juillet, les familles se rassemblaient aux embouchures des cours d'eau pour la prise de saumons. Le reste de l'été, de petits groupes se dispersaient pour pêcher, recueillir des fruits de mer, chasser les oiseaux marins et ramasser des œufs d'oiseau. À l'automne, les familles se rassemblaient de nouveau pour la chasse au caribou sur les rivières et les lacs et demeuraient à proximité de la viande de caribou entreposée pour l'hiver. Les Béothuks complétaient cette alimentation de base avec de petits animaux à fourrure, des poissons d'eau douce, des oiseaux, des petits fruits des champs et diverses plantes. Avant leurs premiers contacts avec les Européens, leurs déplacements au gré des saisons et leurs méthodes de conservation des produits alimentaires leur assuraient un moyen de subsistance fiable.

Un arc, deux flèches à pointe de fer et deux carquois en écorce de bouleau
Un arc, deux flèches à pointe de fer et deux carquois en écorce de bouleau
Ce croquis apparaissait dans le titre de la carte réalisée par John Cartwright de la rivière Exploits en 1773.

Avec la permission des Archives nationales du Canada/NMC 27.

Chasse annuelle du caribou

Pour leur chasse annuelle du caribou, les Béothuks construisaient des clôtures de rabattage le long des rivières ou sur le bord des lacs pour obstruer les routes migratoires des troupeaux. À l'automne, les caribous migraient en grand nombre et partaient de la péninsule du Nord en direction sud pour traverser sur leur route la rivière Exploits et le lac Red Indian. Lorsqu'un troupeau est en mouvement, il s'entête à suivre les animaux de tête. Si ceux-ci peuvent être amenés jusque dans le piège fait de clôtures ou dirigés vers les sorties étroites dans les clôtures, le reste du troupeau suivra.

En 1768, John Cartwright, qui a parcouru les rives de la rivière Exploits, a décrit ces clôtures, expliquant qu'il s'agissait en fait d'arbres abattus qu'on laissait pendre de la souche; chaque arbre fraîchement coupé devait tomber sur l'arbre précédent. Pour rendre les clôtures impénétrables, les points faibles étaient remplis de branches ou étaient fixés à l'aide de grands pieux et d'attaches. Lorsqu'il n'y avait pas d'arbres, les Béothuks plantaient, en angle, des perches de deux mètres dans le sol et attachaient des bandes d'écorce de bouleau à leur extrémité supérieure. Le mouvement des bandes d'écorce dans le vent et le son produit lorsqu'elles se frappaient l'une contre l'autre effrayaient le caribou et le dissuadaient de passer entre les perches.

Ci-dessus : Arbres coupés pour former une clôture
Ci-dessus : Arbres coupés pour former une clôture

Reproduit avec l'autorisation d'Ingeborg Marshall.

Longues perches auxquelles sont accrochées des bandes d'écorce de bouleau
Longues perches auxquelles sont accrochées des bandes d'écorce de bouleau
Ce croquis apparaissait dans le titre de la carte réalisée par John Cartwright de la rivière Exploits en 1773.

Avec la permission des Archives nationales du Canada/NMC 27.

La plupart du temps, les clôtures étaient parallèles à la rivière, mais certaines se prolongeaient jusque dans la forêt pour guider les animaux vers les sorties étroites à proximité de l'eau, où les chasseurs, installés dans des canots, les attendaient. En 1768, les clôtures dans la région de Bishop's Falls et de Grand Falls s'étendaient sur plus de 15 km. Au début du 19e siècle, elles longeaient les deux berges de la rivière de Badger jusqu'au lac Red Indian sur une distance estimée à une cinquantaine de kilomètres.

Outils de chasse

L'outil principalement utilisé pour la chasse au caribou était la lance – appelée amina – qui était composée d'une hampe de bois de trois mètres et d'une fine pointe en fer de forme quasi triangulaire à son extrémité. Il est probable que les lances aient eu à l'origine des pointes faites de pierre ou d'os.

D'autres animaux à fourrure étaient chassés à l'aide de flèches ou attrapés à l'aide de collets, de pièges ou d'assommoirs. Il se peut que le castor ait été chassé au harpon. Bien que plusieurs peuples autochtones d'Amérique du Nord aient eu des chiens pour les aider à chasser, cela ne semble pas avoir été le cas des Béothuks.

Pour la chasse au phoque, les Béothuks utilisaient un harpon spécial – appelé a-a-duth – qui était composé d'une hampe de 3,7 mètres de long dont l'extrémité, détachable, était attachée à une longue ligne. Au départ, l'extrémité pointue du harpon était faite de pierre, pour ensuite être faite de fer. Lorsqu'un phoque était harponné et que l'extrémité du harpon était plantée dans l'animal, on retirait la hampe et ramenait le phoque sur le rivage à l'aide de la ligne.

Croquis réalisé par Shanawdithit qui illustre une lance et un harpon pour la chasse au phoque
Croquis réalisé par Shanawdithit qui illustre une lance et un harpon pour la chasse au phoque

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, après la page 248.


Extrémité d'un harpon utilisé pour la chasse au phoque
Extrémité d'un harpon utilisé pour la chasse au phoque

Avec la permission du musée The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Le poisson, particulièrement le saumon, était probablement pêché à la lance. Il est possible que les Béothuks aient également construit des barrages de pêche, utilisé des hameçons ou pêché avec des filets faits de joncs ou de roseaux. Bien que Shanawdithit ait affirmé, pendant sa captivité, que son peuple voyait la prise d'une baleine comme un signe de la plus grande des chances, elle n'a pas expliqué par quels moyens il arrivait à capturer d'aussi gros mammifères marins.

Les Béothuks avaient aussi des massues, des lames de couteau à manche, et des outils perforateurs faits d'incisives de castor, d'éclats de pierre et, autrefois, de clous ou de morceaux de verre brisé. Plusieurs autres outils ou instruments de travail étaient fabriqués à l'aide de morceaux de bois, d'écorce, de bâtons, de racines et de coquillages. Ces outils, bien que simples, étaient très fonctionnels, mais se détérioraient rapidement et ont rarement, sinon jamais, été retrouvés par des archéologues.

Conservation de la nourriture

Un élément important de la stratégie des Béothuks pour s'assurer un approvisionnement constant en nourriture était leurs méthodes de conservation. Ils coupaient une partie de la viande en lanières, qu'ils séchaient ou fumaient pour éviter qu'elles ne s'avarient. De cette façon, le gibier était facile à transporter et pouvait être mangé sans autres préparatifs. Lorsqu'il y avait abondance de viande (par exemple, après la chasse au caribou), la viande était désossée et emballée dans des boîtes faites d'écorce, chacune d'elle contenant entre 75 et 100 kg de viande et étant entreposée dans un endroit spécifique pour assurer sa conservation. Une fois la viande congelée, l'approvisionnement était assuré pour l'hiver.

Croquis de Shanawdithit illustrant un endroit où la nourriture était entreposée
Croquis de Shanawdithit illustrant un endroit où la nourriture était entreposée

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, après la page 248.

Croquis de Shanawdithit illustrant un fumoir
Croquis de Shanawdithit illustrant un fumoir

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, après la page 248.

Les Béothuks transformaient le gras de caribou en une graisse claire qu'ils entreposaient dans des contenants faits d'écorce de bouleau; la graisse de phoque était chauffée pour produire de l'huile qui était conservée dans des vessies de phoque ou de caribou. Les queues de homard et le saumon étaient séchés et peut-être fumés, les œufs d'oiseau étaient bouillis et séchés ou mélangés à d'autres ingrédients, puis séchés au soleil. Les Béothuks fabriquaient également une sorte de pudding ou de saucisse dont ils farcissaient les boyaux d'animal.

Croquis de Shanawdithit illustrant les « différentes sortes de nourriture animale »
Croquis de Shanawdithit illustrant les « différentes sortes de nourriture animale »

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, après la page 246.

Cuisson

La cuisson s'effectuait généralement au-dessus d'un feu ouvert, soit dans un mamateek ou en plein air. Les Béothuks allumaient un feu en frappant deux morceaux de pyrite de fer ensemble pour produire des étincelles qui enflammaient du duvet d'oiseau ou une autre matière facilement inflammable. Ils grillaient de grandes pièces de viande sur une broche et plaçaient de plus petites pièces de viande sur des bâtons autour du feu. La volaille et d'autres aliments étaient cuits dans des contenants faits d'écorce de bouleau. Certains chaudrons en écorce étaient suffisamment gros pour contenir plusieurs oiseaux de la taille d'un canard. Ils faisaient tout d'abord bouillir l'eau en déposant des pierres chauffées dans le chaudron, puis ajoutaient les aliments, rajoutant des pierres chauffées dans le chaudron pour que son contenu continue de bouillir. Cette méthode étant relativement laborieuse, il n'est pas surprenant que les Béothuks se soient empressés d'adopter les bouilloires et les chaudrons européens.

Croquis de Shanawdithit illustrant les différents types de contenants en écorce
Croquis de Shanawdithit illustrant les différents types de contenants en écorce

Tiré de The Beothuks or Red Indians: the Aboriginal Inhabitants of Newfoundland, de James P. Howley, Cambridge: University Press, 1915, après la page 248.

Quatre contenants de cuisine en écorce
Quatre contenants de cuisine en écorce

Avec la permission du musée The Rooms, St. John's, T.-N.-L.

Les Béothuks fabriquaient divers contenants en écorce de bouleau pour la cuisson et l'entreposage de la nourriture. Des gobelets simples étaient fabriqués en pliant une pièce d'écorce rectangulaire dont la bordure supérieure était cousue avec des lanières faites de racines fendues. Des contenants de cuisine plus élaborés étaient fabriqués à l'aide d'une feuille d'écorce coupée selon un modèle ou une forme préalable bien définis. Une fois qu'elle était pliée dans la forme désirée, les joints étaient cousus. Certains contenants de cuisine en écorce étaient décorés d'une couleur rosée sur les bords ou de motifs en chevron.

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