Le traité de Paris, 1763
L'accès à la pêche de Terre-Neuve s'est révélé l'un des points les plus litigieux des négociations de paix après la guerre de Sept Ans. Le Gouvernement français était résolu à poursuivre la pêche dans la région. Ses négociateurs ont donc demandé à la Grande-Bretagne de laisser les Français pêcher dans le golfe du Saint-Laurent, ainsi que sur le French Shore de Terre-Neuve telle que délimité par le traité d'Utrecht (1713). En outre, la France voulait un havre pour sa flotte de pêche sur les bancs et sa flotte hauturière, et demandait qu'on lui laisse le Cap-Breton à cette fin.
Le Gouvernement britannique était partagé entre ceux qui voulaient retirer aux Français tous leurs droits de pêche, et ceux qui étaient prêts au compromis. Ces derniers ont fini par l'emporter et la France a obtenu l'essentiel de ce qu'elle avait demandé.
Pourquoi? En quelque mots, le concept de guerre totale était inconnu au XVIIIe siècle : les guerres n'étaient pas tant livrées pour écraser l'ennemi que pour rétablir un certain équilibre dans le partage des pouvoirs. Par la guerre de Sept Ans, la Grande-Bretagne ne cherchait pas à détruire la France et son gouvernement a su reconnaître tout ce que représentait pour elle l'accès à la pêche de Terre-Neuve. Maintenant qu'elle contrôlait l'Amérique du Nord, la Grande-Bretagne était disposée à concéder une part de la pêche en vue de faciliter le processus de pacification.
Dans l'entente finale, la France était autorisée à continuer sa pêche sur le French Shore et dans le golfe du Saint-Laurent, et recevait les îles de Saint-Pierre et de Miquelon comme base de pêche. Mais la Grande-Bretagne avait insisté pour inclure une clause aux termes de laquelle la France s'engageait à ne pas fortifier les îles et à ne pas s'en servir comme base militaire. Malgré son insatisfaction face aux conditions associées au transfert de souveraineté de Saint-Pierre et Miquelon, qu'elle jugeait humiliantes, la France n'en avait pas moins conservé un élément essentiel au maintien de sa pêche migratoire.
Article 5. Les sujets de la France auront la liberté de la pêche, & de la secherie, sur une partie des côtes de l'Isle de Terre-Neuve, telle qu'elle est spécifiée par l'article 13 du traité d'Utrecht, lequel article est renouvellé & confirmé par le présent traité (à l'exception de ce qui regarde l'Isle du Cap Breton, ainsi que les autres Isles et côtes dans l'embouchure et dans le Golphe St Laurent;) et Sa Majesté britannique consent de laisser aux sujets du Roy Très Chretien la liberté de pêcher dans le Golphe St Laurent (...)
Article 6. Le Roy de la Grande Bretagne cede les Isles de St Pierre & de Miquelon, en toute propriété, à Sa Majesté Très Chretienne, pour servir d'abri aux pêcheurs François; et Sa dite Majesté Très Chretienne s'oblige à ne point fortifier les dites Isles, à n'y établir que des batimens civils pour la commodité de la pêche, et à n'y entretenir qu'une garde de cinquante hommes pour la police.